Ils veulent sauver le slow

A travers un spectacle à Paris et des initiatives en régions, des irréductibles ressuscitent cette danse en voie de disparition.

 Thomas Guillaud-Bataille - ici en plein slow avec Maya Boquet, qui a aussi conçu et mis en scène « L’âge d’or du Slow » - espère que le spectacle permettra aux jeunes de découvrir cette danse.
Thomas Guillaud-Bataille - ici en plein slow avec Maya Boquet, qui a aussi conçu et mis en scène « L’âge d’or du Slow » - espère que le spectacle permettra aux jeunes de découvrir cette danse. LP/Olivier Corsan

    Des boums aux discothèques, des mariages aux soirées en camping, c'est le même constat. Le slow a disparu. La traditionnelle série de slows, le quart d'heure américain, où les filles invitaient les garçons, appartiennent désormais au siècle dernier. Depuis une quinzaine d'années, les jeunes ne le dansent plus. Pourtant, quelle que soit notre génération, qu'on l'appelle slow ou ballade, on a tous une chanson qui nous fait battre le cœur, qui reste gravée dans nos mémoires.

    « Le pénitencier » de Johnny, « Hotel California » des Eagles, la musique de « La boum », « Careless Whisper » de George Michael, « Noting Else Matters » de Metallica, « Hello » d' Adele, « Thinking Out Loud » d' Ed Sheeran … Chaque génération, chaque tribu a son slow. C'est ce que rappelle « L'âge du slow »*, un spectacle qui se joue trois soirs d'affilée à Paris sur la péniche La Pop, amarrée sur le bassin de la Villette.

    On doit cette délicieuse ode, que l'on finit tous sous la boule à facettes sur l'incontournable « Still Lovin'You » à Thomas Guillaud-Bataille, un réalisateur radio et metteur en scène de 39 ans, qui s'est lancé dans une recherche historique sur les origines du slow - le slow foxtrot, apparu à la fin de la Première Guerre mondiale - et a recueilli des témoignages de danseurs.

    «Un premier baiser sur Everything I Do, de Bryan Adams»

    « On a tous un souvenir fort lié à un slow, c'est un rituel qui marquait nos existences, rappelle Thomas Guillaud-Bataille. Moi, c'est mon premier baiser à Rome, en 1993, sur Everything I Do, de Bryan Adams. Dans le spectacle, un témoin raconte avec des détails incroyables un râteau qu'il s'était pris sur Rain and Tears d'Aphrodite's Child, il y a cinquante ans. C'est la force du slow. J'espère que ce spectacle donnera envie aux plus jeunes de le découvrir ».

    Jean-Pierre Bernadet, 49 ans, Dj depuis 33 ans sur la côte landaise, regrette lui aussi l'époque où « il n'y avait pas de soirée digne de ce nom sans série de slows. » Et le presque quinqua de regretter : « Dans 98 % des discothèques, on n'en passe plus. Les jeunes ne veulent que de la musique pour faire la fête et ils ne veulent plus attendre cinq minutes pour arriver à leurs fins… Mais cela ne veut pas dire que les danses sensuelles ont disparu. Le slow a cédé la place à la kizomba, bachata, au zouk love… »

    Il y a dix ans, il aurait disparu des soirées

    Jean-Pierre Bernadet a vu disparaître d'un seul coup les slows. « Il y a dix ans, estime-t-il. Heureusement, je peux encore en passer dans les guinguettes, les soirées rétro et les dancings. Je les vois les gens qui ont passé 55 ans attendre avec impatience les slows. Et oui, quand on est divorcé ou veuf, danser, c'est une façon de faire le premier pas, de retrouver l'âme sœur. Et puis chez les anciens, il y a le plaisir de danser, c'est superagréable, un moment de pause, de tendresse. »

    A Strasbourg, on croit aussi au pouvoir du slow. Depuis six ans, l'office de Tourisme organise pour la Saint-Valentin une « slow party », qui attire plus de 800 danseurs. « Mais on pourrait en avoir jusqu'à 3000, tant on refuse du monde, s'enthousiasme Patrice Geny, le directeur de l'office de tourisme. C'est devenu l'un des piliers de notre semaine de festivités Strasbourg mon amour. »

    Strasbourg, capitale du slow ?

    « Le slow est en train de disparaître de la planète et nous essayons modestement de le sauver, avoue Patrice Geny, 58 ans. Pour ma génération, c'est un drame, une soirée sans slow. Pendant quatre heures, nous programmons 40 ans de tubes mythiques et cela a un succès dingue, de 7 à 77 ans. Les lycéens viennent s'amuser, les anciens ont la larme à l'œil. Preuve que les gens sont attachés au slow. »

    Fort de ce succès, Patrice Geny veut même faire de Strasbourg la capitale européenne du slow. « On a créé sur Internet un conservatoire. On a lancé une étude auprès de tous les députés européens pour connaître les slows favoris de chaque pays. » Et le sien? « Moi c'est Le premier pas, de Claude Michel Schonberg. Ce n'est pas grâce à un slow que j'ai rencontré ma femme russe, mais cela représente pour elle le romantisme à la française. »

    * « L'âge du slow », ce soir et demain à 19 h 30 (durée 1h20), à la péniche La Pop, 32 quai de La Loire, Paris (XIXème) métro Jaurès ; 15 euros.