Journées du patrimoine : ces petits métiers qui font la grandeur de l'Elysée

Le palais de l'Elysée sera encore la star des Journées du patrimoine ce week-end. Portraits de ceux qui le font fonctionner au jour le jour.

    De 7 à 77 ans, ils seront sans doute encore des millions -- 12 en moyenne chaque année -- ce week-end à se bousculer pour la 34e édition des Journées du patrimoine, déclinée sur le thème de la jeunesse. Quelque 17 000 lieux seront ouverts, 26 000 animations proposées pour ce rendez-vous incontournable qui séduit tant par sa gratuité que par ses propositions de découverte de monuments habituellement fermés.

    Star parmi les stars, le palais de l'Elysée (Paris, VIII e ) sera sans aucun doute cette année encore le plus prisé. En moyenne, plus de 20 000 visiteurs s'y pressent durant les deux jours. Vite, très vite, les files s'allongent devant les grilles, ouvertes dès 8 heures, et le temps d'attente peut aller jusqu'à 7 heures... Il faut donc s'armer de patience et arriver très tôt.


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    D'autant que cette année, le palais présidentiel propose une petite nouveauté. Si les autres années, une partie du personnel était toujours présente pour renseigner les curieux, presque tous les corps de métier seront représentés et pourront répondre aux questions aujourd'hui et demain. Cuisinier, huissier, fleuriste... Portraits de ceux qui au jour le jour font tourner l'Elysée. Au cas où vous n'arriviez pas à franchir les portes pour les rencontrer.

    Avec Guillaume, le menu change chaque jour


    Au cœur des cuisines de l'Elysée, entouré de sa brigade de 25 personnes, Guillaume Gomez veille au grain. A 39 ans, le solide et souriant chef a déjà plus de vingt ans de palais derrière lui. Arrivé en 1997 pour effectuer son service militaire devant les fourneaux présidentiels, puis embauché, il a ensuite gravi tous les échelons pour aujourd'hui régaler chaque jour le président et ses invités. Plus encore, puisque les cuisines assurent aussi les repas d'une partie du personnel. «Au total, nous assurons jusqu'à 95 000 repas dans l'année», s'exclame-t-il.

    Une grande maison qui impose des contraintes assez précises. «Pour le menu du personnel, c'est moi qui décide. Pour le président, je fais des propositions de menu une fois par semaine. Mais cela peut changer en fonction de l'actualité, des invités... Ici, les gens ne viennent pas pour goûter ma cuisine. Je suis employé de maison. C'est à moi de m'adapter sans arrêt. J'essaye cependant de surprendre, d'innover. Pour ne pas lasser le président et pour ne pas m'ennuyer moi-même.»

    Le plat préféré du président Macron ? Guillaume Gomez s'amuse : «Tout le monde me pose la question. Mais je ne réponds jamais. Un jour, il a été dit que le président Chirac adorait la tête de veau. Ce qui n'était d'ailleurs pas tout à fait vrai. Après, on lui en servait partout, même après le dessert. Cela nous a servis de leçon.»

    Marianne, la reine des bouquets

    Dans les sous-sols de l'Elysée se cache un endroit aussi coloré que parfumé, où règne Marianne Fuseau et sa petite équipe de l'atelier fleuriste de l'Elysée. Jardinière de formation, arrivée là un peu par hasard, elle s'occupe depuis 1996 de fleurir le palais et de veiller à ce qu'il le reste. «Chaque matin, nous faisons un tour des salles, avant que tout le monde arrive. Nous vérifions les besoins en eau ou en engrais en ce qui concerne les plantes vertes, nous vérifions aussi la fraîcheur des bouquets et nous les changeons si besoin. Une à deux fois par semaine, nous allons nous fournir à Rungis pour avoir un stock de végétaux frais en permanence.»

    Combien de roses, iris, tulipes... à l'Elysée ? Marianne Fuseau assure n'en avoir pas vraiment idée. Mais elle gère le stock plutôt à l'économie. «En ce moment, nous avons beaucoup d'orchidées blanches en pot. Mais nous allons les garder deux ou trois mois. Quand nous faisons des compositions pour les tables, nous les récupérons et nous les gardons en chambre froide. Elles se conservent très bien quinze jours et peuvent resservir.»

    Les occupants des lieux ont-ils eu des desiderata particuliers en matière florale ? «Pas vraiment, affirme Marianne Fuseau. Nous avons une très grande liberté de création et de choix de nos compositions. Je n'ai jamais eu de remarques négatives sur des bouquets. Nous veillons juste à éviter les fleurs allergènes, comme le lys, par exemple. Franchement, je trouve que j'ai une chance inespérée de travailler ici. C'est un bel endroit et on y vit de belles choses.»

    Didier fait tourner les tables

    Faire entrer un éléphant à l'Elysée ? Aucun souci. Il suffit de demander à Didier Grafeuil, 53 ans, patron de la cellule logistique du palais. «Nous l'avons déjà fait, pour un Noël des personnels. Nous devons répondre à toutes les demandes possibles, même les plus compliquées.» Cet ancien de l'école Boulle, entré à l'Elysée il y a trente ans, veille aujourd'hui à la mise en place de toutes les infrastructures pour permettre au palais de fonctionner au quotidien. «Un petit déjeuner, un dîner pour 200 personnes, une conférence de presse... à nous de mettre en place les tables et tout le mobilier nécessaires.» En lien avec le Mobilier national, ce bourreau de travail se charge aussi de revoir le décor, au gré de ses «patrons» successifs. «En ce moment, par exemple, nous enlevons pas mal de meubles de style pour moderniser l'aspect du palais, à la demande de la présidence.»

    En parlant de patron, certains sont-ils plus compliqués que d'autres ? La réponse tombe, franche, immédiate mais sans précision : «Oui.» Pour autant, Didier Grafeuil ne cache pas sa fierté de faire partie du personnel de l'Elysée : «C'est souvent épuisant. Mais nous sommes au service de la présidence. Au coeur de l'histoire en marche. C'est assez agréable pour l'ego», conclut-il en souriant.

    Jocelyne Curton, rédactrice de la correspondance

    «Monsieur le président, je vous écris une lettre»... que Jocelyne Curton lira sans doute. Arrivée il y a quarante ans à l'Elysée comme secrétaire sténo, elle a fréquenté de nombreux services du palais, avant de devenir rédactrice au service de la correspondance présidentielle, à 62 ans. Avec près de 60 de ses collègues, installés quai de Valmy, elle a en charge la gestion de l'imposant courrier reçu par le président : quelque 1 000 lettres par jour ! «Le courrier est d'abord ouvert, classé et ensuite distribué aux rédactrices pour les réponses», résume-t-elle. Dans cette imposante correspondance, «des requêtes surtout. Des gens qui aimeraient avoir un logement, un emploi, une carte de séjour... Il y a aussi beaucoup de lettres d'opinion. Des gens qui ont besoin de donner leur avis. Nous avons également des courriers d'élus. Et puis il y a aussi des enfants qui envoient des photos, des dessins, demandent des dédicaces...»

    Chaque jour, Jocelyne en traite entre 25 et 30. Même en cas de courrier un peu violent, Jocelyne tente de trouver les mots. «Souvent, on sent des gens désespérés, qui souffrent, alors j'essaie d'apporter un peu de réconfort. Mais parfois, je suis moi-même choquée de l'agressivité des gens et du non-respect de la fonction.»