BTS : comment la K-pop est devenue un phénomène

Les nouvelles idoles des jeunes sont des boys bands sud-coréens aux allures de héros de manga. Comme le groupe BTS, qui va remplir deux Bercy cet automne.

 Les sept jeunes éphèbes du groupe BTS au Billboard Music Awards, à Las Vegas. Le groupe domine les ventes de disques aux Etats-Unis.
Les sept jeunes éphèbes du groupe BTS au Billboard Music Awards, à Las Vegas. Le groupe domine les ventes de disques aux Etats-Unis. Reuteurs/Mario Anzuoni

    Les années 90 ont adoré Tokio Hotel et la langue allemande, les années 2000 se sont passionnées pour le manga et le Japon, 2018 est l'année de la K-pop. Kezako ? Si vous n'avez pas d'enfants, vous êtes peut-être passés à côté de ce phénomène musical venu de Corée du Sud : K-pop, comme « korean pop », des chansons commerciales à l'eau de rose sur fond d'images saturées de couleurs créées par des boys bands aux allures de héros de manga.

    En décembre dernier, la K-pop avait déjà fait parler d'elle lors du suicide, à 27 ans, d'une de ses icônes, Kim Jong-Hyun, chanteur du groupe SHINee. Un révélateur à la fois du succès de ce phénomène et de sa violence.

    BTS va remplir deux Bercy sans promo

    Cette semaine, c'est le groupe BTS – pour Bangtan Boys – qui fait grand bruit. Pour la première fois, un groupe de K-pop est en tête des ventes de disques aux Etats-Unis. Une première depuis douze ans pour un album en langue non anglaise.

    Et le phénomène gagne aussi la France succombe : la K-Pop y a désormais des fan-clubs, son tourneur, son disquaire, son magazine… En pleine tournée mondiale, BTS met en vente ce vendredi deux concerts à l'AccorHotels Arena les 19 et 20 octobre prochains, qui vont se remplir à toute vitesse.

    « Tous les concerts de K-pop que nous organisons en France affichent complet, assure David Rothschild, promoteur chez Live Nation, le leader mondial des spectacles et festivals. Lorsque nous avons annoncé la venue de BTS à Paris, notre tweet a été repris 2 000 fois et celui de l'AccorHotels Arena 5 000 fois. Les groupes sont ultra-puissants sur les réseaux sociaux (NDLR : en 2017, BTS a été deux fois plus mentionné sur Twitter que Donald Trump et Justin Bieber réunis), mais je ne m'attendais pas à une attente aussi folle. Personne ne le sait, mais BTS est en train de devenir un des plus gros groupes mondiaux. »

    Les shows de K-pop coûtent cher, à partir de 67,50 € le billet pour BTS ! « Car ce sont d'énormes productions, explique le promoteur de Live Nation. Là où il faut une journée pour implanter un concert traditionnel, il en faut deux pour eux. D'ailleurs, beaucoup de groupes de K-pop passent par Bercy parce que leurs shows ne rentrent pas dans un zénith. Pour eux, la qualité de l'image est aussi importante que le son. »

    «La K-pop fait rêver les jeunes filles»

    Mélany sera probablement au concert de BTS. Cette Toulousaine de 20 ans est tombée dans la K-pop il y a trois ans. « J'avais 17 ans, j'étais à la recherche de moi-même et j'avais besoin d'un univers musical qui me donne le sourire. Les couleurs, les paysages, les hommes, les femmes, tout est beau et sexy dans la K-pop. Cela fait rêver les jeunes filles, notamment les plus fragiles. »

    « Ce ne sont quasiment que des chansons d'amour, très propres sur elles, sans gros mots. Les paroles sont presque tout le temps tristes, poursuit Mélany. La première fois que j'ai vu un concert, à la K-con à Paris (NDLR : pour « Korean convention »), en 2016, les filles couraient et hurlaient dans tous les sens. »

    « Au plus fort de mon obsession, raconte la jeune Toulousaine, barmaid en Suisse, je passais deux heures par jour à danser K-pop, je mangeais coréen, j'apprenais le coréen en regardant des dramas (NDLR : séries) et des films. J'ai créé une chaîne YouTube de danse – heebum – du nom du chat d'un chanteur. Entre fans, nous utilisons tout un vocabulaire : saranghae, qui signifie je t'aime en coréen, oppa pour grand frère ou garçon plus âgé… »

    Un magazine créé pour les fans

    La K-pop a depuis le mois de janvier son magazine français. Le bimestriel « K ! World », tiré à 15 000 exemplaires, parle avant tout des stars de la musique sud-coréenne mais aussi de son prolongement à la télévision, les séries dites « dramas ».

    Surprise, la revue est basée à Rancon, petite commune près de Limoges (Haute-Vienne). « C'est ma fille qui est passionnée par la K-pop qui m'a initiée, explique Sylvie Chang, cofondatrice du magazine, qui travaille par ailleurs dans le monde de l'édition. Nous avons lancé K ! World pour nous amuser et nous avons été surpris par l'engouement que nous avons suscité. Du coup, nous avons embauché un rédacteur en chef et montons une équipe pour lancer en septembre une nouvelle formule. »

    Qui lit « K ! World » ? « Des jeunes entre 13 et 25 ans, à 80 % féminins », décrit Sylvie Chang, dont la fille est pile dans la cible. Maliwan Veret Chang, 17 ans, étudie depuis trois ans le coréen à Bordeaux. « Son lycée reçoit énormément de demandes, signale sa mère. Il est le seul à avoir une filière de langue coréenne, avec un établissement parisien. Et comme la plupart des fans de K-pop, ma fille rêve de partir vivre en Corée. »

    «Nos clients sont essentiellement français»

    Les groupes de K-pop construisent leurs succès depuis leur pays, hors des médias et des maisons de disques classiques. Ainsi en France, le plus gros vendeur de K-pop est un disquaire parisien, Musica, qui vend sur Internet et dans deux boutiques, l'une dédiée aux disques, l'autre aux produits dérivés.

    Chez Musica, les fans peuvent acheter disques et produits à l’effigie de leurs idoles./LP/Olivier Lejeune
    Chez Musica, les fans peuvent acheter disques et produits à l’effigie de leurs idoles./LP/Olivier Lejeune Reuteurs/Mario Anzuoni

    « Nous importons de la K-pop depuis 2002, en lien direct avec le label de chaque artiste, raconte Louis Ung, le dirigeant de Musica. En France, le phénomène grossit depuis 2011. Notre pays est un gros marché car nous achetons encore des disques. Pour le nouvel album de BTS, dont je suis vendeur exclusif, j'ai reçu 2,5 t de CD ! »

    Depuis une semaine, c'est la cohue à Musica. « Mais ce n'est pas la communauté coréenne qui achète, note Louis Ung, lui-même d'origine chinoise. Ce sont les Français, vos enfants, une clientèle de plus en plus large, de 10 ans à quelques grands-mères. Certains sont tellement fans qu'en vacances ils viennent dans ma boutique avant d'aller voir à la tour Eiffel ! »