Claudio Capéo : «J’ai pété un gros boulon»

Le chanteur, qui intègre la troupe des Enfoirés et sort un nouvel album, a fait une sévère dépression après l’énorme succès d’« Un homme debout ». Confessions.

 Paris, le 5 décembre 2018. Claudio Capéo a connu un succès fulgurant après « The Voice 5 ».
Paris, le 5 décembre 2018. Claudio Capéo a connu un succès fulgurant après « The Voice 5 ». LP/Philippe de Poulpiquet

    C'est un sujet tabou dont peu d'artistes osent parler. Ce tourbillon du succès qui rend malade, dépressif, et qui dévaste tout. Claudio Capéo, qui vient de sortir un nouvel album « Tant que rien ne m'arrête », l'évoque sans fausse pudeur. À seulement 33 ans, l'accordéoniste alsacien est un des artistes les plus populaires de France. Après un passage éclair dans la saison 5 de « The Voice », il a vendu plus de 700 000 exemplaires de l'album porté par le tube « Un homme debout ». Ses méandres lui ont permis de se retrouver plus fort, avec une variété française efficace que l'on fredonne comme un bon refrain.

    Comment avez-vous vécu ce succès fulgurant ?

    CLAUDIO CAPÉO. Tout est arrivé très très vite. Les télévisions, les radios, je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait. Comme si on balançait un bébé qui vient de naître dans une foule. Quelque part, cela m'a rendu plus fort, mais du coup, j'ai un autre challenge : rester vrai, faire le beauf et dire ce que j'ai à dire (il explose de rire). Je ne calcule rien, je préfère raconter n'importe quoi que de préparer des réponses toutes faites. Cela se voit trop quand ce n'est pas naturel.

    Que s'est-il passé après « The Voice 5 » ?

    Bruno Berberes (NDLR : le directeur de casting) me dit direct : j'ai une grosse surprise pour toi, dès que tu sors, tu vas signer avec un label. Le patron de cette maison de disques cherchait une voix à la Zaz, un peu rock, un peu rue. Et Bruno lui a dit : j'ai Claudio Capéo, dès qu'il perd l'émission, tu le récupères.

    Cela vous arrangeait de ne pas aller en finale du coup ?

    Oui, je n'étais qu'aux battles et je n'en pouvais déjà plus. Il y a ce côté compétition, et puis mon fils était à l'hôpital en Alsace avec une méningite, alors que j'étais à Paris. Cela n'allait plus du tout. C'était trop télé, trop tout. J'étais perdu… Je ne connaissais rien de tout ce milieu, je venais de ma petite campagne où je passais mon temps à couper du bois tranquillement dans mon coin. Pour moi, faire The Voice m'offrait une exposition qui me permettrait de décrocher quelques contrats de plus dans des bistrots, des snacks, des petits festivals… ou des premières parties de concerts, comme celle de Yannick Noah devant 10 000 personnes.

    Vous avez vendu plus de 700 000 albums…

    C'est beaucoup pour un petit artiste car je me considère toujours comme le petit nouveau. Quand je vois des stars, je suis toujours impressionné, comme quand je croise Patrick Bruel. Je l'ai toujours vu à la télé, à la radio ou au cinéma. Et là, il est à côté de toi alors que cela pourrait être ton père, c'est impressionnant. Et je n'ai pas forcément envie d'avoir la carte du club. Comme je ne vis pas à Paris et que je ne pourrais jamais y vivre, j'aime l'idée de venir en touriste dans ce milieu. Moi, je vis dans un village au pied des montagnes, je me promène dans la forêt et j'emmène mon fils à l'école en tracteur!

    Arrivez-vous à cloisonner vos deux vies ?

    À un moment, je n'y arrivais plus. J'étais tout le temps en train de répondre à mes mails, mes textos, je regardais les réseaux sociaux, les critiques, la presse… Et puis, je n'arrive toujours pas à me regarder à la télévision sans faire une crise d'angoisse. Quand j'entends les fausses notes, je transpire comme un fou, j'ai les mains moites. Je ne supporte pas de me voir parler, j'ai l'impression d'être d'un débile profond avec mon accent. Et ma femme me dit change de chaîne (rires).

    Avez-vous réussi à prendre du recul ?

    Oui, j'y ai été obligé car j'ai fait un pétage de plombs. Je me suis retrouvé à La Réunion pour jouer aux Francofolies. Je suis parti en larmes, j'ai fait un burn-out extrême. J'ai voulu me tuer, tout simplement. J'ai pété un gros boulon et je n'en ai jamais parlé. J'avais du succès depuis deux ans, et quand je me suis posé et que j'ai réfléchi à ma vie, cela m'a fait sombrer. Dans cet hôtel, j'avais une chambre de luxe avec un jacuzzi sur la plage et je me suis dit tout ceci, ce n'est pas moi.

    C'était du surmenage ?

    Je me suis surtout dit que je ne méritais pas cela et que j'étais en train d'escroquer tout le monde. C'était très extrême. Je me demandais pourquoi je n'étais pas juste resté à ma place tranquillement dans ma petite vie. Je n'avais jamais connu cet état-là. Mais parfois, il faut se péter la gueule pour repartir.

    Comment avez-vous surmonté cette épreuve ?

    J'ai beaucoup chialé de tristesse et d'anxiété. Cela ne m'était plus arrivé depuis dix ans et la mort de mon parrain. Et puis Zaz a compris que cela n'allait pas bien, et je me suis relâché encore avec elle. Elle m'a beaucoup aidé en me disant regarde tout ce que tu viens de te prendre dans la gueule, c'est normal que tu craques , il faut péter un plomb. Elle est très rock'n'roll et j'ai suivi ses conseils.

    Avez-vous fait une pause ensuite ?

    Je n'ai jamais arrêté de travailler une semaine dans ma vie. J'ai pris un mois de vacances avec ma femme et mon fils en camping au Costa Rica avec le sac à dos et le canif. Je préfère cela aux hôtels cinq étoiles. Il m'est même arrivé de partir en vacances au camping à deux kilomètres de chez moi ! Il y avait des Hollandais, des Suisses, on a été à la piscine, jouer au flipper et le soir, c'était soirée disco… le rêve (rires).

    Vous avez fait une chanson sur le quotidien d'une caissière. Les petites gens vous intéressent beaucoup…

    Oui, car je le suis encore. Il ne faut oublier personne, cela fait du bien de dire bonjour à tout le monde, au mec de la sécurité. Dans la vie, si tu souris à tout le monde, les choses sont plus faciles…

    Vous avez aussi cette image de quelqu'un de la rue, un peu en galère…

    Oui car je fais de l'accordéon et que j'ai fait la manche dans le métro. Certains font des raccourcis et pensent que j'ai été SDF alors que pas du tout. J'ai été à deux doigts de dormir dehors, c'est vrai, mais mes parents ont été toujours derrière. Il faut arrêter le délire. J'ai aussi bossé à la chaîne dans une usine. Il faut aussi mettre de la lumière sur tous ces parcours.

    Avec ce nouvel album, quelles ambitions avez-vous ?

    Je sais que je n'en vendrai jamais autant que le précédent. J'ai juste très envie de repartir en concert. Et puis, je vais avoir un deuxième petit qui arrive avant. Je serai plus serein. Mais je ne veux pas que le public m'oublie sinon je vais péter des câbles chez moi (rires).

    Et vous faites aussi votre entrée chez les Enfoirés…

    Je suis tellement heureux de le faire, j'ai trop hâte d'y aller. J'ai envie de voir l'envers du décor. Mais je n'y connais rien, je ne sais pas comment cela va se passer mais c'est d'autant plus génial que j'y ai même travaillé en tant que roadie (NDLR : petites mains des tournées) !

    « Tant que rien ne m'arrête », de Claudio Capéo, Jo & Co. Sorti le 7 décembre.

    NOTE DE LA RÉDACTION : 3/5