Crise sanitaire : 4,5 milliards d’euros de pertes pour l’industrie musicale

Selon une étude que nous dévoilons, l’impact de la crise sanitaire sur la filière musicale hexagonale est énorme. Des organisateurs de spectacles aux artistes.

 Les pertes liées à la chute des ventes de disques provoquée par la crise sanitaire sont évaluées à 200 millions d’euros.
Les pertes liées à la chute des ventes de disques provoquée par la crise sanitaire sont évaluées à 200 millions d’euros. AFP/Eric Piermont

    « C'est une non-fête de la musique. » Ce commentaire du directeur de la Sacem (Société des auteurs et compositeurs et éditeurs de musique) résume bien le sentiment qui règne dans la filière musicale alors que l'on atteint le cap symbolique de « 100 jours sans musique ». La 2e industrie culturelle française, avec 257000 emplois et plus de 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires, est durement et durablement impactée par la crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus. Comme le confirme l'étude réalisée par Ernst & Young pour l'association Tous pour la musique (TPLM), qui réunit tous les professionnels et que nous publions en exclusivité.

    15000 concerts annulés

    La musique en France aurait dû représenter en 2020 environ 10,4 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Si la situation sanitaire perdure jusqu'à la fin de l'année, avec la distanciation sociale obligatoire et donc la fermeture de nombreuses salles, la filière va perdre 43 % de chiffre d'affaires, soit 4,5 milliards d'euros.

    Le secteur le plus touché est logiquement celui des spectacles de musiques actuelles et de variétés — les salles, tournées et festivals —, qui subiraient des pertes de près de 2,3 milliards d'euros. Selon cette étude, 15000 concerts ont été annulés, dont 4300 de classique. « C'est 30 % de nos manifestations, témoigne Lily Fisher, la directrice du Zénith de Paris. Et si la distanciation demeure, je ne pourrai conserver que trois spectacles cet automne. Alors que c'est la période la plus dense de l'année. »

    Les pertes liées à la chute des ventes de CD et aux reports des sorties de disques sont évaluées à 200 millions d'euros, les fabricants d'instruments ont, eux, perdu 75 millions d'euros et la presse musicale un million.

    Les artistes premières victimes de la crise

    Avec la fermeture des commerces, des bars et l'arrêt des festivals et des discothèques depuis 100 jours, la Sacem, qui collecte les droits d'auteur pour les artistes, évalue à 250 millions d'euros le manque à gagner. « La musique a certes été très écoutée pendant le confinement, mais elle n'a pas rapporté gros aux artistes, regrette le directeur de la Sacem, Jean-Noël Tronc. Le streaming payant ne concerne que 10 à 15 % de la population. »

    La Sacem a interrogé ses membres sur l'impact direct du confinement sur leur activité. Sur 5500 réponses, la moyenne sur la période est de 25 projets (concerts, enregistrements, clips) annulés ou reportés et de 15000 euros de perdus.

    Une onde de choc encore en 2021

    Ce que met en lumière cette étude, c'est une « deuxième lame » en 2021. Elle pointe la baisse du soutien et des commandes des collectivités publiques comme des mécènes privés, eux-mêmes touchés par la crise, l'embouteillage des sorties de disques et des concerts — les Anglo-Saxons reportent tous leurs tournées en 2021 — et le risque d'une frilosité des publics à revenir dans les salles et festivals. « Il y a un vrai arrêt des ventes de billets, confirme la patronne du Zénith de Paris. Mais j'espère que comme après l'attentat du Bataclan, le public reviendra vite. »

    Face à ces incertitudes, l'association TPLM fait dix propositions à l'Etat, à commencer par l'organisation d'un « Valois de la musique », comme celui qui a lieu en ce moment pour sauver l'hôpital. Elle lui demande aussi de prolonger jusqu'à fin 2021 le chômage partiel pour les entreprises, de passer des commandes publiques aux artistes, de réorienter son Pass Culture pour les jeunes vers le spectacle vivant et les productions locales…

    Enfin, sous le hashtag #SceneFrançaise, elle incite les médias, les radios en particulier, à privilégier les artistes français. La priorité française au secours de l'exception française.