«On ne rouvrira pas avant 2021» : les salles de concert n’y croient plus

Dans la musique et les salles de spectacles plus importantes, les professionnels sont pessimistes. La plupart estiment qu’une réouverture en septembre «tient du fantasme».

 Les organisateurs de concerts, comme ici celui de Nada Surf à la Cigale le 11 mars, jugent irréaliste de mettre en place des règles de distanciation physique.
Les organisateurs de concerts, comme ici celui de Nada Surf à la Cigale le 11 mars, jugent irréaliste de mettre en place des règles de distanciation physique. LP/Yann Foreix

    « Avec les mesures de distanciation sociale préconisées, La Cigale passerait de 1472 à 177 spectateurs debout, 100 dans la fosse et 77 au balcon. » « A l'Olympia, on tomberait de 2 800 à 900. Et de 2000 à 600 à 700 places assises. » Les deux salles de spectacles parisiennes ont fait leurs comptes. Et ils ne sont pas bons. Même si l'Etat autorisait la réouverture des lieux de moins de 5000 places le 11 juillet, la mise en place des mesures sanitaires rendrait impossible le retour des artistes et du public.

    « Economiquement, ce ne serait viable pour personne, pointe en premier Laurent De Cerner, directeur général de L'Olympia. Il faut entre 70 et 80 % de remplissage pour équilibrer un concert. Avec 30 % à 40 % de la salle, on en est loin. Et en termes d'ambiance, le résultat serait désastreux. » « Notre métier est au contraire de faire du rapprochement social, ajoute Cyrille Bonin, le patron du Transbordeur, dans la banlieue lyonnaise. Même si on m'autorisait à rouvrir avec ces mesures, je ne le ferais pas. »

    Cette salle dédiée aux musiques actuelles, qui accueille 200 concerts et 140 000 spectateurs par an, ne rouvrira pas de sitôt. « C'est un fantasme de penser qu'on peut reprendre en septembre, tranche Cyrille Bonin. A la limite, on pourra faire des petits concerts avec des artistes locaux sur notre grand parking extérieur. Mais dans notre salle, ce ne sera pas avant 2021. D'ailleurs, les artistes anglo-saxons sont en train de reporter leurs tournées dans un an. A mon avis, tant qu'on n'aura pas de vaccin, ce sera compliqué. »

    « Ce serait pire de rouvrir que de rester fermé »

    Au Prodiss, on partage ce pessimisme. « Mon intuition, c'est qu'on ne rouvrira pas avant 2021, avance le producteur Olivier Darbois, qui préside le premier syndicat du spectacle vivant privé (400 exploitants de salles, producteurs et organisateurs de festivals). L'équation économique est impossible à tenir. Dans l'état actuel des choses, ce serait pire de rouvrir que de rester fermé. Nos entreprises sont plus protégées à l'arrêt, avec le chômage partiel et le report des charges. »

    « Rappelons que nous sommes toujours en dispositif Vigipirate, ajoute le vice-président du Prodiss, chargé du comité salles, Aurélien Binder. Et 200 personnes qui attendent dans la rue, c'est 200 mètres de file… Et en termes de Code du travail, on fait comment ? Il est aussi impossible de monter un plateau en respectant ces mesures de distanciation… Si quelqu'un tombe malade, notre responsabilité pénale et administrative pourra être engagée. D'ailleurs, le public sera-t-il là ? Depuis le début du confinement, les billets de concerts ne se vendent plus. »

    « Selon nos sondages, les gens sont prêts à revenir, surtout les 18-35 ans », modère le patron de l'Olympia. « Les fans de rock et de rap seront les premiers, le public familial, ça sera plus tard », estime Daniel Colling, directeur du Zénith de Paris. « Le problème, c'est la confiance, conclut Matthieu Drouot, l'un des plus importants producteurs de concerts, qui a reporté les tournées de David Hallyday et Paul Personne à cet automne. Si le gouvernement redonne confiance aux gens de revenir dans les salles, comme il les encourage à partir cet été en vacances en France, on peut rêver d'une reprise en septembre. »

    VIDÉO. Il chante sur scène, son public suit le concert derrière des écrans