Prince, Tom Petty… le Fentanyl, cet antidouleur qui tue les musiciens

Prince, dont l’album posthume sort ce vendredi, est mort d’une overdose de Fentanyl en 2016. Et il n’est pas le seul musicien à en avoir été victime.

 Souffrant de la hanche, Prince, dont l’image est ici projetée lors de l’hommage qui lui a été rendu en février 2018 à l’occasion du Super Bowl, était un gros consommateur de Fentanyl.
Souffrant de la hanche, Prince, dont l’image est ici projetée lors de l’hommage qui lui a été rendu en février 2018 à l’occasion du Super Bowl, était un gros consommateur de Fentanyl. AFP/GETTY IMAGES/Streeter Lecka

    Tous ceux qui ont vu Prince en concert n'oublieront pas ses prestations virevoltantes, ses sauts du piano, ses shows surprises en pleine nuit… Et pourtant, l'artiste n'en parlait jamais, mais il souffrait atrocement d'une hanche et prenait depuis des années des antidouleurs pour supporter le mal et les tournées, qui lui ont été fatals.

    La star, dont l'album posthume «Piano & A Microphone 1983» sort ce vendredi, avait été retrouvée morte le 21 avril 2016 dans sa propriété de Paisley Park, dans le Minnesota. Prince est décédé à 57 ans d'une overdose accidentelle de Fentanyl, médicament extrêmement puissant qui fait des ravages outre-Atlantique. « En 2016, il y a eu 45 000 overdoses dues aux opioïdes (NDLR : à base d'opium) aux Etats-Unis et la grande majorité mettent en cause le Fentanyl », confirme le Pr Nicolas Authier, président de l'Observatoire français des médicaments antalgiques.

    « C'était incroyable de voir Prince sauter et bouger lors de ses deux derniers Zéniths parisiens en 2015, alors qu'il souffrait le martyre, se souvient Jackie Lombard, qui produisait les tournées françaises du musicien. La tournée suivante était en formule piano voix (NDLR : il devait se produire en décembre 2015 à l'opéra Garnier mais il avait reporté sa tournée après les attentats du 13 novembre), car c'était la seule manière pour lui de continuer à l'époque. »

    Pour tenir le rythme infernal des tournées

    Prince n'est malheureusement pas le seul artiste victime d'une overdose de cet antalgique, qui peut être administré sous forme de patch, d'injection intraveineuse, de comprimé ou de spray nasal. En octobre 2017, la légende du rock américain Tom Petty a succombé lui aussi à une overdose accidentelle. Souffrant d'une fracture de la hanche gauche, le chanteur de 66 ans prenait du Fentanyl pour tenir pendant la tournée de ses 40 ans de carrière. « Mais cet antidouleur est si puissant que la moindre erreur de dosage peut être fatale, rappelle le Pr Nicolas Authier. Il est 50 fois plus fort que l'héroïne et 100 fois plus fort que la morphine. L'automédication est un risque énorme. »

    Et l'âge n'est pas seul en cause. Le rappeur Lil Peep n'avait que 21 ans lorsqu'il a succombé, en novembre dernier, à une overdose de Fentanyl associé à du Xanax, un anxiolytique couramment utilisé. « Le plus gros problème, ce sont les mélanges, estime un producteur de spectacles spécialisé dans les artistes anglo-saxons : les bouquets de médicaments, parfois associés à des drogues ou à de l'alcool. L'histoire de la pop est malheureusement jalonnée de morts subites qui y sont liées : Elvis Presley et les antidouleur, Michael Jackson et les médicaments pour le sommeil, George Michael, dont l'embolie pulmonaire avait été mal diagnostiquée… »

    2500 overdoses en France l'an dernier

    « Les tournées étant de plus en plus longues et intenses, pour pallier la baisse des ventes de disques, les Anglo-Saxons prennent tous des antidouleurs, assure un autre producteur de spectacles. Quand ils ne sont pas bien, certains se font même des injections avant de monter sur scène. Certains corps sont cassés par des décennies de concerts et d'abus divers. » « La nouvelle génération n'est plus dans ces pratiques, minimise un troisième producteur. Les jeunes artistes sont de plus en plus végétariens ou véganes, ils ont des coachs sportifs sur la route et sont suivis par des ostéopathes. »

    Le Fentanyl touche-t-il les artistes français ? « C'est un phénomène essentiellement nord-américain, estime le Pr Authier, par ailleurs professeur de pharmacologie au CHU de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Mais il commence à se diffuser dans la société française, avec 2500 hospitalisations pour overdose recensées l'an dernier. »

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