Roberto Alagna : «On chante mieux quand on est heureux»

Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak, compagnons à la ville, se produisent ensemble ce mardi soir au Théâtre des Champs-Élysées. Interview croisée et... amoureuse.

 Aleksandra Kurzak et Roberto Alagna signent leur premier disque en commun.
Aleksandra Kurzak et Roberto Alagna signent leur premier disque en commun. Gregor Hohenberg

    Le ténor français Roberto Alagna et sa femme, la soprano polonaise Aleksandra Kurzak signent leur premier disque en commun. « Puccini In Love » (Sony) rassemble dix duos écrits par le grand compositeur d'opéra Giacomo Puccini. Ils sont en concert le 6 novembre au Théâtre des Champs-Élysées, en attendant « Otello » à l'Opéra de Paris en mars.

    Quand vous êtes-vous rencontrés ?

    ROBERTO ALAGNA (R.A.). En 2012 à Londres dans une production d'un opéra de Donizetti intitulé L'élixir d'amour… Ca ne s'invente pas !

    Pourquoi « Puccini In Love » ?

    R.A. Comme « Shakespeare In Love » (film de John Madden) ! Nous avons découvert qu'aucun duo soprano/ténor n'avait fait de disque entièrement consacré à Giacomo Puccini. Sans doute à cause de la difficulté vocale et de la longueur des scènes de Madame Butterfly, Tosca ou Manon Lescaut. Puccini était un bon vivant qui aimait les femmes… sans doute de manière un peu macho !

    ALEKSANDRA KURZAK (A.K.). Chaque mesure de la musique de Puccini est amour. Il n'y a pas d'autres compositeurs d'opéra qui sait mieux écrire des romances, tous les sentiments et nuances de l'amour. Ses opéras ne racontent pas des amours de dieux ou de déesses mais des histoires comme les nôtres avec la jalousie, la tendresse, la peur.

    R.A. D'ailleurs, on a reproché à Puccini son côté larmoyant, ces effets faciles. Mais plus on décortique les partitions, plus on s'aperçoit de sa valeur. En un seul accord, il chance toute l'atmosphère d'une scène.

    Sur la vidéo promo du disque, on vous voit chanter dans un magnifique jardin au soleil… Ça se passe vraiment comme ça ?

    R.A. Oui vraiment (rires). Je travaille la partition dans mon hamac, Aleksandra m'entends, s'approche et chante aussi ! En vrai ça m'arrive de travailler dans mon hamac !

    A.K. … sauf que moi je garde toujours la partition dans les mains (rires) ! Nous travaillons dans des pièces séparées et chacun avec sa méthode. Puis on se retrouve pour travailler en duo.

    Est-on plus tendre ou plus sévère quand on s'aime ?

    R.A. Plus sévère ! On n'oserait pas en dire autant à un partenaire qu'on ne connait pas intimement. Il s'agit parfois de convaincre l'autre de changer une couleur, un effet, voire de donner un conseil technique. On est une oreille pour l'autre… même si parfois, on fait la sourde oreille !

    A.K. On partage ces conseils pour être meilleur, pas pour blesser.

    Qu'avez-vous appris de l'autre ?

    R.A. Avec Aleksandra, j'ai une partenaire d'une très grande expérience car elle a grandi dans le milieu de l'opéra (NDLR : sa mère était cantatrice et son père bassoniste). Moi c'est le contraire : j'ai été un jour dans les coulisses d'un opéra… et le lendemain je chantais moi-même sur la scène ! J'aime son point de vue de femme, d'une femme des pays de l'ex-URSS communiste, cela enrichit ma vie.

    A.K. J'ai longtemps pensé que je serais violoniste dans l'orchestre. Même après que le chant se soit imposé à moi, j'ai gardé cette rigueur du musicien. J'ai appris cela à Roberto et lui m'a appris à être plus chanteuse, plus libre… le « laisse tomber ! » (elle rigole).

    R.A. La recette c'est le bonheur. On chante mieux quand on est heureux.

    Votre fille Malena, 4 ans, vient-elle en coulisses avec vous ?

    R.A. Oui, bien sûr. Ma première fille (NDLR : Ornella, âgé de 25 ans) aussi venait.

    A.K. Malena a ses deux parents sur scène, c'est toute la différence. Quand nous avons joué Otello de Verdi à Vienne, elle a vu Roberto me tuer. Elle était très choquée.

    R.A. … elle ne voulait pas m'embrasser tant que je n'étais pas démaquillé et sans costume. Elle disait : « Je ne veux plus que tu tues maman ! »

    A.K. Nous allons refaire Otello en mars à Paris. Nous allons devoir l'y préparer.

    R.A. Vous imaginez : je vais devoir m'entrainer à tuer ma femme !

    « Puccini In Love », le 6 novembre à 20 heures, Théâtre des Champs-Élysées. De 5 à 165 euros. 01 49 52 50 50. Et en mars 2019 à l'Opéra de Paris dans « Otello ».