Bruno Solo et Yvan Le Bolloc'h : « Nous, on se repère à l'odeur »

Bruno Solo et Yvan Le Bolloc'h n'avaient jamais partagé les planches. Ils sont ce soir au Théâtre de la Madeleine dans « l'Heureux Elu ».

    Amis depuis un quart de siècle, Bruno Solo et Yvan Le Bolloc'h, 51 et 54 ans, montent pour la première fois sur les planches ensemble au Théâtre de la Madeleine. Le duo de « Caméra café » (2001-2003) est à l'affiche de « l'Heureux Elu », une pièce d'Eric Assous mise en scène par Jean-Luc Moreau, dans laquelle un groupe d'amis se réunit pour rencontrer le futur mari de l'une d'entre eux. Un heureux élu qui pense très différemment, au contact duquel les façades vont s'effriter pour laisser paraître les vrais visages.

    Enfin, au théâtre, ensemble.

    YVAN LE BOLLOC'H . On en a envie depuis un moment. On nous avait proposé des pièces, qui nous avaient plu mais qui ne se sont pas faites, d'autres n'étaient qu'un prétexte pour nous mettre en avant... Celle-ci nous correspond, avec cinq vrais rôles.

    BRUNO SOLO . Et Eric Assous nous a laissés revenir sur certains points parce que s'il a un ego, il ne le place pas n'importe où. Ce qui m'a décidé à dire oui, c'est quand je lui ai fait une remarque sur le fond et que, deux heures après, il m'a envoyé un nouveau texte qui allait dans le sens que j'espérais...

    Vous retrouvez vos marques ?

    B.S. On a tellement de repères ! On a travaillé ensemble quasiment sans discontinuer pendant quinze ans... Si Yvan est derrière une porte, silencieux, je sais comment il est positionné et ce qu'il pense...

    Y.L.B. Dans « Caméra café », on était face caméra et on se regardait très peu. On a pris l'habitude de jouer en parallèle. Au théâtre ou au cinéma, tu vas chercher la fin de la réplique dans l'œil de ton voisin, nous, c'est à l'odeur.

    Vous vous reniflez ?

    B.S. Oui, comme des vieux clébards (rires). On a des intuitions de vieux chiens.

    Y.L.B. Bon, des fois j'ai l'impression d'être avec mon père parce qu'une fois sur deux, il m'appelle du nom de son fils...

    B.S. Dès qu'il rate un truc, je lui dis : Mais Tom ! C'est un réflexe que j'ai acquis quand il fait un truc qui ne va pas... Et mon fils, bien sûr, je l'appelle Yvan (rires).

    Qu'est-ce qui vous a excité dans « l'Heureux Elu » ?

    B.S. Le double langage avec un discours sous-jacent dans cette rencontre entre ces personnages qui s'aiment bien mais vont se remettre en question à l'arrivée d'un élément perturbateur. Il y a quelque chose d'un peu tendu et provocateur.

    Y.L.B. Elle tombe pile-poil en période de campagne électorale avec des bien-pensants, dont les convictions vont un peu résister avant de complètement s'effondrer...

    B.S. Il y a quelque chose d'un peu misanthropique. Ces amis s'aiment-ils vraiment ? Dès qu'on gratte à la surface du beau papier, apparaît le mur décrépi et pourri... Ils vont se révéler. Il y a un sens de la comédie, mais aussi des moments de malaise...

    Quel rapport avec la campagne électorale ?

    Y.L.B. On est dans un contexte politique où des partis vont ramasser un maximum d'adhésions sans rien faire...

    B.S. L'extrême droite est citée dans la pièce, ses idées ont réussi à gangrener la classe politique qui récupère certaines de ses idées radicales pour expliquer le malheur et la difficulté de vivre. On cherche des boucs émissaires, ça apparaît beaucoup dans le discours de gauche comme de droite, cette pièce met aussi ça en avant.

    Qui seriez-vous heureux de voir élu l'an prochain ?

    B.S. C'est un peu difficile à dire aujourd'hui. Il y a quelqu'un que je trouve très courageux, c'est Anne Hidalgo avec des décisions qui n'ont rien d'électoralistes, tant sur l'écologie que sur l'accueil des migrants. Elle semble animée par quelque chose qui va au-delà de sa simple personne. Donc ça existe. Maintenant, pour qui je voterai, je n'en sais rien. En même temps, qui va se présenter ?

    Y.L.B. Moi, si j'étais de droite, je saurais pour qui voter : Alain Juppé. Mais comme on n'est pas de droite, on n'est pas dans la mouise !

    B.S. Il y a trois ans j'avais dit que je ne voterai plus dans un moment d'énervement, je l'ai regretté, il faut continuer à voter, c'est essentiel. Je vais aller voter, c'est sûr, mais je ne dirai plus pour qui.

    VIDEO. Solo et Le Bolloc'h, complices à nouveau pour le meilleur

    « L'Heureux Elu », à partir de ce soir au Théâtre de la Madeleine (Paris VIIIe). De 16 € à 58 €. 01.42.65.07.09.