Patrimoine à Paris : le père-Lachaise, des histoires gravées dans le marbre

A quelques jours de la Toussaint, embarquez pour un « safari nécro-romantique » dans le cimetière du Père-Lachaise (XXe).

 CIMETIERE DU PERE LA CHAISE 20e BALADE HISTORIQUE DANS LES ALLEES DU PERE LACHAISE AVEC LE GUIDE THIERRY LEROY LE GISANT DE LA TOMBE DE VICTOR NOIR
CIMETIERE DU PERE LA CHAISE 20e BALADE HISTORIQUE DANS LES ALLEES DU PERE LACHAISE AVEC LE GUIDE THIERRY LEROY LE GISANT DE LA TOMBE DE VICTOR NOIR LP/Jean-Baptiste Quentin

    Aux yeux du profane, les 44 ha du Père-Lachaise, premier cimetière laïc de France, ont tout d'un labyrinthe. Se promener seul entre les 70 000 tombes du plus grand espace vert de Paris intra-muros relève du défi. Pour guider les curieux dans cette jungle funéraire, Thierry Le Roi, spectaculaire conteur reconnu par l'Office de tourisme, propose des « safaris nécro-romantiques ».

    La visite commence devant la tombe de Marcel Proust, sur laquelle il n'est pas rare de voir traîner une madeleine. « A la recherche du temps perdu, un titre idéal pour débuter une balade dans un cimetière, non ? », s'enthousiasme le guide. Le long des allées, les feuilles mortes se ramassent à la pelle. « Il y a tellement d'essences d'arbres qu'au XIXe siècle, certains médecins prescrivaient à leurs patients de venir se promener ici. »

    La tombe de Jim Morrison/LP Jean-Baptiste Quentin

    Passionné d'art funéraire, Thierry Le Roi a une connaissance quasi encyclopédique des lieux. Le public emmagasine les informations avec délectation : Victor Hugo a glissé dans le caveau de Balzac pendant l'oraison funèbre. La tombe d'Henri Salvador n'a pas de stèle car il ne voulait pas faire d'ombre à Édith Piaf, enterrée juste derrière. Il n'y avait que cinq personnes aux obsèques de Jim Morrison, à qui des centaines de milliers de personnes rendent visite aujourd'hui.

    Delacroix, Signoret, Wilde… Ils sont tous là, ou presque. D'où viennent-elles, toutes ces célébrités ? Thierry Le Roi remonte le temps jusqu'à l'ouverture du cimetière, au début du XIXe siècle, pour des raisons sanitaires (celui des Innocents débordait dans les caves des riverains). Pour booster les ventes de concessions, le préfet de Paris rapatrie les dépouilles de Molière et La Fontaine. Le plan fonctionne : de 13 tombes en 1804, le cimetière passe à 33 000 en 1830. Quoi de plus chic que de reposer au milieu du gotha mondain parisien ?

    Les tombes de La Fontaine et Molière/LP Jean-Baptiste Quentin

    Au gré des monuments, le public apprend à décrypter l'art funéraire et lire les tombes. Devant celle de Victor Noir, Thierry Le Roi évoque « le plus beau gisant » du cimetière, un style remis au goût du jour quand ce martyr de la République arrive au Père-Lachaise, 20 ans après sa mort. Le guide prend soin de commencer par raconter l'histoire du jeune homme, tué à 21 ans, avant d'en venir à « l'anecdote triviale » pour laquelle il est connu ici : devenu malgré lui un symbole de fertilité, les femmes ont pris l'habitude de polir son entrejambe. Lui aussi a droit à des offrandes régulières. « Dans le chapeau, j'ai déjà vu une paire de chaussons de bébé avec écrit : On l'a appelé Victor », se souvient Thierry.

    Après plus de 2 heures de visite, le guide laisse le mot de la fin à un couple d'inconnus, enterrés près de la statue en marbre de Chopin et de la tombe végétale de Desproges : « Finalement, nous ne regretterons pas d'être venus ».

    « Safari nécro-romantique » les samedis, dimanches et jours fériés à 14 h 30. Rendez-vous à l'entrée du cimetière située rue des Rondeaux (XXe). Tarif : 10 € (gratuit pour les moins de 12 ans). Renseignements sur www.necro-romantiques.com

    La haute tombe du diplomate inconnu