Exposition : la fabuleuse épopée des nuits parisiennes

Une fascinante exposition à l’hôtel de ville de Paris, entièrement gratuite, retrace l’histoire de la vie nocturne dans la capitale du XVIIIe siècle à nos jours. Elle démarre ce samedi 25 novembre 2017.

 Dans les années 1950, on dansait le rock dans les caves de Saint-Germain-des-Prés.
Dans les années 1950, on dansait le rock dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. Bernard Lipnitzki/Roger Viollet

    Paris est une fête. Pour Hemingway, mais pas seulement, les nuits de la capitale ont longtemps été le lieu de tous les amusements, transgressions, excès et folies. Des nuits qui fascinent et qui intriguent, si bien que le très sérieux comité d'histoire de la ville de Paris s'est penché sur le sujet. Il en ressort une très riche exposition, « Nuits parisiennes », qui démarre ce samedi 25 novembre 2017, à l'hôtel de ville. A travers quelque 300 objets, films, photos, elle nous emmène des premiers tripots du Palais royal au Palace, en passant par les maisons closes de Pigalle et les caves de Saint-Germain-des-Prés. Passionnant.

    XVIIIe-XIXe : Paris, ville Lumière

    Se promener dans l'obscurité totale, personne n'y pense. C'est donc avec l'apparition des premiers éclairages publics, au XVIIIe siècle, que les Parisiens commencent vraiment à mettre le nez dehors, une fois le soleil couché. Mais la lumière reste rare. « Les noctambules peuvent faire appel à un falot, qui porte une lanterne pour éclairer ses clients et les mener jusqu'à bon port », raconte Antoine de Baecque, historien et commissaire de l'exposition. Où les Parisiens vont-ils s'encanailler ? C'est d'abord au Palais royal (Ier) qu'on fait la fête à Paris. Résidence du duc d'Orléans, neveu de Louis XIV, le quartier est une enclave, qui échappe à la réglementation de la police royale. Philippe d'Orléans, frivole et fêtard, y fait ouvrir les premiers restaurants et tripots. Et dans les galeries couvertes, qui entourent le palais, on croise de nombreuses prostituées. « C'est le Pigalle de l'époque », résume Antoine de Baecque.

    XIXe-XXe : la fête à son apogée

    Les lampadaires se généralisent au cours du XIXe siècle. C'est désormais « le jour au milieu de la nuit » comme l'écrira Baudelaire. Magique ! Les Parisiens flânent sur les grands boulevards, fascinés par tant de nouvelles possibilités. La vie nocturne devient bouillonnante pour atteindre son apogée autour de 1900. « On compte alors 2,5 M de travailleurs de la nuit, contre 600 000 aujourd'hui », note le commissaire de l'exposition.

    On dîne, on danse dans les bals, il faut voir et être vu. Ce sont les grandes années du Moulin Rouge, du Bataclan. Le comble du chic ? Faire la tournée des grands-ducs. « Il s'agissait pour les bourgeois de se rendre, par petits groupes et avec un guide, dans les bouges des Apaches, les mauvais garçons de l'époque ». Les voyous jouaient le jeu et se donnaient en spectacle contre quelques pièces.

    C'est aussi la grande époque des maisons closes. « Il a existé entre 10 000 et 15 000 établissements à Paris, jusqu'à l'interdiction des bordels en 1946 », assure Antoine de Baecque. Les prostituées se sont comptées par plusieurs centaines de milliers contre environ 20 000 aujourd'hui.

    Le Bal Tabarin à Pigalle

    Grün/BIb. Forney/Roger-Viollet

    1920-1950 : on danse à Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés

    Dans les années 1920, Montparnasse devient le lieu à la mode. Mais les prix augmentent et les étudiants sans le sou, doivent trouver un nouveau repère, moins cher. Ce sera Saint-Germain-des-Prés et ses caves comme La Huchette ou les Lorientais, au moment où le jazz puis le rock déferlent sur la France.

    1950-2000 : le début des discothèques et les années Palace

    Les orchestres sont remplacés par de la musique préenregistrée, jouée sur des doubles platines pour pouvoir enchaîner les tubes. Dans ces discothèques, on ne s'arrête plus de danser. Régine en sera la grande prêtresse. Boules à facettes et lumières tamisées, l'ambiance a changé. Ce sont les années Palace, du nom du célèbre club parisien de la rue du Faubourg-Montmartre (IXe). « C'est le dernier grand lieu de fête à Paris, où tout le monde se mélangeait, gays, punks, branchés, fauchés. Il n'y a pas d'équivalent aujourd'hui ».

    Soirée chez Régine

    Noa/Roger Viollet

    Aujourd'hui : la fête est finie ?

    L'embourgeoisement de Paris, le durcissement de la réglementation préfectorale, l'interdiction de fumer ont porté un coup sévère aux nuits parisiennes. « Entre 2000 et 2010, la moitié des établissements de nuit ont fermé, note le spécialiste. Aujourd'hui, on sort, mais chacun dans son milieu, avec sa génération ». La fête se fait aussi davantage dans la rue, comme en témoignent les rives du canal Saint-Martin ou le quartier Oberkampf.

    « Nuits parisiennes, du Palais royal au Palace », à l'hôtel de Ville, 5, rue Lobeau, Paris (IVe), de 10 heures à 18h30, du lundi au samedi. Jusqu'au 27 janvier 2018. Gratuit.