Patrimoine à Paris : Trévise tes classiques !

Fermé depuis l’explosion de janvier 2019, le théâtre Trévise, situé rue de Trévise (IXe), rouvre ce vendredi 5 avril. L’occasion de raconter son étonnante histoire et celle du bâtiment qui l’abrite : le siège de l’union chrétienne des jeunes gens, plus connu sous son nom américain YMCA.

 Le théâtre de Trévise
Le théâtre de Trévise LP/Frédéric Dugit

    Quatre morts, un quartier meurtri, des immeubles fantômes. La rue de Trévise continue à panser ses plaies, après l'explosion du 12 janvier dernier. Mais la vie y a repris. Après presque trois mois de fermeture pour des travaux dus au sinistre, le théâtre Trévise lève le rideau ce vendredi avec un nouveau spectacle musical, Belles de Nuit.

    Dimanche, c'est la scène ouverte mythique d'humour, le Fieald (lire par ailleurs), qui revient. Dans le bâtiment qui l'abrite, 26 associations ont aussi pu réintégrer les lieux, il y a quelques jours. Cours d'italien ou de tango. Sabre laser, bridge ou krav maga. D'ordinaire, tous les jours de 9 heures à minuit, ça bourdonne comme dans une ruche au 14, de la rue de Trévise. Et ce depuis plus de 125 ans. Nous sommes ici dans l'immeuble parisien historique de l'Union chrétienne de jeunes gens (UCJG), plus connue sous son nom américain de Young men's christian association : YMCA.

    Accueillir les jeunes provinciaux perdus

    Une sacrée histoire que celle de cet ensemble acheté en 1893 par l'association ! A l'époque, YMCA est loin d'être une chanson disco. L'organisme se développe en Europe et aux Etats-Unis. Il est d'abord créé pour accueillir et héberger les jeunes provinciaux un peu perdus dans les grandes villes. Mais l'accompagnement va plus loin. « On y trouve tout pour un développement sportif, intellectuel et spirituel, explique Sylvie Malac'h, directrice de l'UCJG de Paris. On veut alors créer des citoyens éclairés, des gens en bonne santé, physique et mentale ». Seuls les hommes sont admis. Les jeunes filles, elles, occupent un autre site.

    Association UCJG de Paris
    Association UCJG de Paris LP/Frédéric Dugit

    De riches familles protestantes mettent la main à la poche. Et l'association acquiert l'ensemble de 4 500 m2 en plein Xe arrondissement. Emile Bénard, architecte et grand prix de Rome, est chargé de l'aménager. Le bâtiment est d'une modernité rare : « On y installe l'eau courante et potable, du chauffage à vapeur, un système d'aération par ventilation naturelle, et des fontaines à eaux à tous les étages, à l'américaine », détaille Sylvie Manac'h.

    Une trentaine de chambres, un gymnase (lire par ailleurs), une bibliothèque de 4 000 ouvrages, une cantine (un des premiers self-services), une salle d'études, un fumoir, deux pistes de bowling et des tables de billard complètent le tableau. Il y a la salle de conférences et de spectacles, aussi, devenue celle du théâtre Trévise. Comble de l'avant-gardisme : le lieu abrite une piscine couverte, la quatrième à Paris, qui fonctionnera jusque dans les années 1970. Au rez-de-chaussée, une crèmerie fournit aux locataires et adhérents des produits frais des fermes de la région. Des locavores avant l'heure.

    Association UCJG de Paris
    Association UCJG de Paris LP/Frédéric Dugit

    Il faut imaginer l'ambiance, une journée type. Le matin, chacun vaque à ses occupations. Sport, correspondance, lectures, cours. A midi, le lieu s'anime. On dépose au vestiaire cannes et chapeaux avant de se diriger vers le restaurant. Il faut souvent patienter dans l'escalier, parce qu'il y a du monde. Normal, les prix sont très bas. « La rampe en métal, un peu éloignée du mur, a été spécialement conçue pour que les hommes puissent poser leur coude et lire le journal en attendant », raconte la directrice, amusée.

    Le soir, la salle de spectacles propose conférences, pièces de théâtre, projections de films… L'association parisienne comptera près de 600 membres avant la Première Guerre mondiale. Pendant le conflit, il servira d'hôpital. Et aujourd'hui ? L'association est toujours propriétaire. Et poursuit ses activités « avec la même philosophie qu'il y a 125 ans. Cours et spectacles, bonne nouvelle, sont aujourd'hui ouverts à la gent féminine.

    Pour les visites guidées, renseignements et inscriptions par mail à [email protected]. Participation libre.Tous les spectacles du Théâtre Trévise au mois d'avril seront à un tarif préférentiel de 12 euros pour les habitants du 9e. Vente des billets au guichet ouvert une heure avant les spectacles, sur présentation d'un justificatif de domicile.

    ON DÉCOUVRE... La plus vieille salle de basket au monde

    LP/ Frédéric Dugit
    LP/ Frédéric Dugit LP/Frédéric Dugit

    C'est presque un lieu de pèlerinage pour les fans de ballon orange. Le bâtiment du 14, rue de Trévise abrite la plus vieille salle de basket… au monde. « C'est James Naismith, un professeur de la YMCA, qui a inventé ce sport à Springfield aux Etats-Unis, en 1891, raconte Sylvie Manac'h, directrice du centre YMCA de la rue de Trévise. Il a été importé à Paris, en 1893. La salle est une réplique du terrain américain, qui, lui, a brûlé par la suite. Le premier match européen s'est joué ici ».

    Tout ou presque y est d'origine. Le matériel est arrivé par paquebot des Etats-Unis. Et la salle a même laissé des traces dans le monde du basket. « La hauteur des paniers, fixée à 3,05 m dans les règles actuelles, correspond à la hauteur du balcon, dans notre salle, raconte la directrice. Les panneaux qui entourent le panier ont aussi été ajoutés car les spectateurs, depuis la balustrade, avaient tendance à donner des coups de pied dans le ballon et fausser les trajectoires… ça aussi, c'est resté ! »

    Les paniers (« baskets ») étaient à l'origine des caisses pour ramasser les pêches. Ironie du sort : aujourd'hui, il est difficile de jouer de vrais matchs ici. Deux poteaux encombrent le milieu du terrain et le balcon gêne les ballons. Mais reste qu'avec sa balustrade circulaire, son parquet ancien, les vestiges d'agrès plus que centenaires, sa hauteur sous plafond, le gymnase a une sacrée allure. Il accueille régulièrement des événements privés, tournages de films (Chocolat, Boule et Bill), de clips, défilés de mode…