Théâtre : Béatrice Dalle fait monter la température au Rond-Point

Sur un plateau chauffé à blanc, elle délivre au micro un flux de paroles fantasmées tandis que deux musculeux acrobates enchaînent d’incroyables portés et mains à mains et réalisent un sacré tour de force.

 La comédienne Béatrice Dalle, ici en mai 2019 à Cannes, joue « Warm » de David Bobée, au théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au 5 janvier.
La comédienne Béatrice Dalle, ici en mai 2019 à Cannes, joue « Warm » de David Bobée, au théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au 5 janvier. LP/Frédéric Dugit

    On laisse son manteau au vestiaire, c'est conseillé, et l'on prend la bouteille d'eau gentiment offerte. Attention, ça va chauffer à l'intérieur de la petite salle du théâtre du Rond-Point. « Warm », c'est le titre du spectacle imaginé par David Bobée, avec Béatrice Dalle et deux incroyables acrobates, Edward Aleman et Wilmer Marquez. Il fait déjà chaud quand on s'installe, ça ne cessera de monter jusqu'à atteindre 50 degrés sur la scène.

    Sur le plateau, encadré de deux murs de gros projecteurs, à jardin et à cour – on en compte 110 en tout – la comédienne fait son entrée comme sonnée. Écrasée par la chaleur, groggy. Jean noir, tee-shirt sombre et ample, talons hauts, elle s'empare du micro qu'elle ne lâchera plus. Elle est et elle raconte cette femme qui, un jour de moiteur intense, allongée sur un lit, a l'esprit parcouru de fantasmes…

    Des fantasmes qui prennent chair sur scène

    « Lui, et lui et elle, pourquoi pas ? On va commencer par là », susurre-t-elle. Ce sont des fantasmes de garçons, ensemble, qu'elle dessine par des mots de Ronan Chéneau, des mots de plus en plus crus. Des fantasmes qui prennent chair sur scène quand les deux acrobates de la compagnie El Nucléo font leur entrée. L'attention se porte alors sur les deux hommes, ses jouets mentaux, qui se lancent dans une série de portés, de mains à mains.

    Béatrice Dalle poursuit son poème érotique d'une voix tantôt caressante tantôt cinglante, supplie ou ordonne, commande. La lumière varie selon le rythme de la musique électro dont les vibrations font trembler les grands miroirs qui tapissent le fond de scène. Sur le plateau, la température monte. Les garçons se dévêtent, ils sont torse nu désormais.

    La sueur perle de leur front, leur pique les yeux. Elle coule le long des dos, bras, torses aux muscles saillants, gonflés. Le visage tordu par l'effort, le porteur, Wilmer, tient à bout de bras, deux, puis un, sur la tête, debout ou en équilibre sur les mains, son compère Edward. « Plus haut ! « « Plus fort ! », lance la comédienne à ses « animaux », ses « chiens ».

    Un spectacle organique et chaud

    Cru et direct, le flux de paroles se poursuit en parallèle, presque lointain, tant on est fasciné par ce dangereux pas de deux auquel se livrent les deux hommes. Malgré la magnésie, cette poudre blanche des gymnastes qui évite de glisser, leurs prises se font précaires. Et les prises de risque réelles. En pleine confiance, ils se jettent pourtant l'un sur l'autre, se portent haut, se supportent, les corps se choquent, chutent.

    La souffrance n'est pas feinte. Avec la chaleur, la fatigue non plus. L'accident n'est jamais loin, mais ils reprennent, encore et encore, jusqu'à l'épuisement, obéissant aux mots que Béatrice Dalle prononce. Des mots qui teintent leur saisissant jeu acrobatique d'une connotation sexuelle. Car c'est une puissante étreinte amoureuse qu'on y voit, un coït acrobatique, un spectacle organique, chaud et proprement fascinant.

    LA NOTE DE LA RÉDACTION : 4/5

    « Warm », jusqu'au 5 janvier au théâtre du Rond-Point (Paris, VIIIe). De 12 à 31 euros. Pour adultes uniquement.