France 2. Les bêtes de scènes de la série «Zone Blanche»

Nous avons rencontré les corbeaux et les loups de la série «Zone blanche» chez leur propriétaire Pierre Cadéac, star du dressage pour le cinéma.

    On s'était juré depuis «les Oiseaux» d'Alfred Hitchcock qu'on n'approcherait jamais un corbeau à moins d'avoir une excellente raison de le faire. L'excellente raison est arrivée. Elle s'appelle Pierre Cadéac. C'est à cette star du dressage animalier que la série policière de France 2 «Zone blanche» (ce lundi soir à 20 h 55) doit ses volatiles, ses serpents et son loup majestueux. Car 250 comédiens à plumes, à poils et à écailles cohabitent dans le bestiaire fantastique de Cadéac. Sept hectares clôturés au coeur de la campagne seine-et-marnaise, à quelques kilomètres de Fontainebleau. On y rencontre aussi Chambord, le cerf qui percute la voiture d'Isabelle Huppert dans « Elle ». Cookie, un chat qui vient de tourner avec Vincent Elbaz. Deux écureuils égéries d'une célèbre banque ou encore Chipo et Merguez, couple de sangliers facétieux détalant comme des labradors lorsqu'on ouvre leur tanière.

    Le maître des lieux a collaboré avec Steven Spielberg ou Ridley Scott, approvisionné plus de 3 000 tournages en trente ans de métier, cinéma, télé et publicité confondus. Alors, quand ce quinquagénaire espiègle à l'accent pyrénéen traverse sa joyeuse «arche de Noé» pour nous présenter Corax, l'un des corbeaux de «Zone blanche», on s'enhardit.

    Un congélateur grand comme un studio parisien

    «Oh, vous pouvez le caresser !» On est à portée de bec. Corax pourrait décider de nous crever un oeil si l'envie lui prenait. On lui chatouille les plumes, oubliant l'espace d'un instant l'image de ce même oiseau attaquant une comédienne dans la série de France 2. «Elle avait du cran, cette jeune femme !» applaudit Pierre Cadéac. Qui l'avait invitée chez lui à faire connaissance avec les corbeaux pour que ces animaux, particulièrement intelligents, l'aient à la bonne. Au moment du tournage, l'actrice portait un bras artificiel et de la viande dans ses vêtements. Car le nerf de la guerre et du dressage, c'est la nourriture. Pour s'en convaincre, il suffit d'entrer dans le congélateur de Pierre Cadéac, grand comme un studio parisien.

    Dans son domaine, l'ex- fauconnier se balade avec un harnais rempli de morceaux de poulet cru. Picorant dans la main gantée de son propriétaire, notre nouvel ami Corax semble détendu. Mais ce n'est pas le cas de tous ses congénères, quand on se faufile dans le couloir grillagé qui sépare les volières individuelles. «Ne mettez pas les doigts, y en a qui ne sont pas sympas! Corax, c'est un vieux routard du cinoche, il était déjà dans le Hussard sur le toit il y a vingt ans.» Un morceau de bravoure qui a fait la légende de Pierre Cadéac en 1995, lorsqu'il a réuni 8 000 volatiles pour le long-métrage de Jean-Paul Rappeneau, avec Juliette Binoche et Olivier Martinez.

    Danse avec les loups

    Dans «Zone blanche», les corbeaux n'étaient qu'une dizaine, démultipliés par les effets spéciaux numériques. Les loups, eux, étaient deux. Patto et Mako, frères au pelage clair embauchés pour jouer, en alternance, l'ange gardien de l'héroïne. L'idéal pour être sûr d'avoir au moins un animal coopératif au moment M... «Les plannings de tournage sont faits en fonction de la disponibilité des lieux et des comédiens, pas des dresseurs, sourit Pierre Cadéac. Nous, on s'adapte, on a fait dix allers-retours dans les Vosges.» Corbeaux et loups ont voyagé dans le même camion.

    Mais en Seine-et-Marne, chacun chez soi. «Aucun animal ne peut pénétrer dans l'enclos des loups, c'est la mort assurée. Même un chien serait mis en pièces.» Seul l'homme peut s'y avancer en sécurité... non sans quelques précautions. Pas de sac, pas d'objet en main, pas de fourrure sur la capuche de notre parka. «Ça pourrait les titiller.» Et on n'a pas envie de titiller outre mesure Patto et Mako.

    Même s'ils ont été élevés au biberon, les 12 loups sont d'abord distants quand on franchit la grille. Et nous jaugent, juchés sur des rochers pour mieux nous surplomber. En quelques minutes, les plus sociables sont à nos pieds, reniflent les blousons, se frottent aux jeans, lèchent une main. Moment de grâce, alors que le soleil décline. Pierre Cadéac se roule dans l'herbe avec un de ses loups, comme un gamin. Sébastien, l'un des dresseurs du parc, attend l'heure à laquelle la meute hurlera, comme chaque nuit. «Ça n'a pas de prix.» Les voisins ? Il paraît qu'ils adorent. «Les aboiements des chiens les dérangent beaucoup plus !»