Visite privée de l'atelier de Martine Argellies, une orfèvre du clavecin

LE PARISIEN WEEK-END. Dans le quartier Gambetta, à Montpellier, Martine Argellies et son équipe fabriquent des instruments d’exception. Choix des bois, montage de la structure, accordage, décors... Tout exprime un art empreint de tradition.

Pour façonner la caisse d’un clavecin, une cinquantaine de pièces de bois différentes sont nécessaires (à g.). Le couvercle peut être décoré à la demande d'un client (à d.).
Pour façonner la caisse d’un clavecin, une cinquantaine de pièces de bois différentes sont nécessaires (à g.). Le couvercle peut être décoré à la demande d'un client (à d.). Guillaume Rivière pour Le Parisien Week-End

    A Montpellier, dans l'Hérault, l'atelier de Martine Argellies, 61 ans, est l'un des derniers spécialisés dans la fabrication de clavecins en France. En poussant la porte, on se laisse embarquer dans un incroyable voyage dans le temps.

    « Le clavecin a quasiment disparu en 1789, explique la maîtresse des lieux dans un chaleureux sourire. Il était associé à l'Ancien Régime. Il a été détrôné par le pianoforte, un clavier à cordes frappées, précurseur du piano, né au XIXe siècle. »

    Répertoire baroque

    Sans pédales et à cordes pincées, le clavecin est l'un des emblèmes de la musique baroque. Les compositeurs des XVIIe et XVIIIe siècles français ( Jean-Philippe Rameau, François Couperin...), italiens (Girolamo Frescobaldi, Domenico Scarlatti...) et allemands (Jean-Sébastien Bach, Georg Friedrich Haendel...) lui ont consacré de nombreuses oeuvres.

    Ce répertoire et l'attirance qu'a Martine Argellies pour l'artisanat ont guidé ses choix professionnels. Au sortir de l'adolescence, elle rejoint un ami propriétaire d'un magasin de pianos. Puis elle suit l'enseignement d'un ébéniste, avant de se former seule pendant une décennie. Avec les deux personnes qui l'entourent désormais, elle réalise une douzaine d'instruments par an, dont un quart est destiné à l'export.

    Un mois pour décorer un clavecin

    Des effluves de sciure s'échappent d'une salle, au fond de l'atelier. Les troncs d'arbre sont découpés dans la longueur, avant d'être transformés en planches pour la création de la caisse (la structure principale), de la table d'harmonie et du clavier.

    Les essences diffèrent en fonction des parties de l'instrument et des types de sonorités souhaités : cyprès pour les clavecins à l'italienne, peuplier pour les français et les flamands, voire chêne, épicéa, buis... Les bois sont sciés, rabotés à la machine et à la main, puis assemblés avec des chevilles et collés.

    Le clavecin a jusqu'à trois claviers, chacun pouvant compter 61 touches (le piano en possède 88). Celles-ci sont composées d'une couche d'ébène (pour les touches noires) ou d'os de bovins (pour les blanches) sur une base en épicéa. Après que le mécanisme et les cordes ont été mis en place, Martine harmonise, en tendant l'oreille à chaque tour de clé.

    Sandra, la talentueuse peintre de l'équipe, reproduit ensuite des toiles de maître à l'intérieur du couvercle si les clients le demandent. Entre les sous-couches à l'acrylique et les strates de peinture à l'huile, elle met environ un mois pour décorer un clavecin. Certains seront plutôt ornés de frises, de faisans ou d'autres motifs champêtres.

    Pour façonner la caisse d'un clavecin, une cinquantaine de pièces de bois différentes sont nécessaires.

    (Guillaume Rivière pour Le Parisien Week-End)

    Le clavier est dessiné sur une planche d'épicéa dans laquelle on découpe à la scie la base des touches d'un clavier.

    (Guillaume Rivière pour Le Parisien Week-End)

    Martine tend les cordes pour les fixer dans le mécanisme. Chacune d'entre elles correspond à une note.

    (Guillaume Rivière pour Le Parisien Week-End)

    Le clavecin est accordé à l'aide d'une clé d'harmonie, que Martine tourne jusqu'à l'obtention du son désiré.

    (Guillaume Rivière pour Le Parisien Week-End)

    L'intérieur de la caisse de résonance est ici orné d'un décor champêtre.

    (Guillaume Rivière pour Le Parisien Week-End)

    Martine Argellies est l'une des dernières « factrices » de clavecins en France. A la demande d'un client, une toile de Joseph Vernet, peintre du XVIIIe siècle, a inspiré le décor du couvercle de ce clavecin.

    (Guillaume Rivière pour Le Parisien Week-End)