Alstom, Ascoval, GM&S… l’industrie française dans la tourmente

D’anciens fleurons industriels pourraient bien disparaître, sans que le volontarisme politique affiché par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, n’y puisse grand-chose.

 Début février, Bruxelles a retoqué la fusion entre l’Allemand Siemens et le Français Alstom.
Début février, Bruxelles a retoqué la fusion entre l’Allemand Siemens et le Français Alstom. AFP/Philippe Huguen

    Mauvaise nouvelle sur le front de l'industrie cette semaine. La fermeture prochaine de l'usine Ford de Blanquefort -qui emploie 870 personnes près de Bordeaux (Gironde)- semble de plus en plus probable après le rejet par Ford de la nouvelle offre du groupe strasbourgeois Punch Powerglide.

    Le hic ? Cette déconvenue vient s'ajouter à une longue liste de mauvaises nouvelles. Ford, mais aussi Alstom, Ascoval, la Fonderie du Poitou… Les fermetures d'usine, associées à des destructions d'emplois, se suivent et se ressemblent. De fait, l'industrie française a rarement été autant malmenée que ces derniers mois.

    Premier coup de tonnerre début février lorsque Bruxelles retoque la fusion entre l'Allemand Siemens et le Français Alstom. L'objectif était de mettre sur pied un mastodonte européen du ferroviaire pour contrecarrer l'appétit de l'ogre chinois CRRC. Mais, la Commission en juge autrement, au nom de la protection des consommateurs. Plus précisément, Bruxelles met en avant la création d'une situation de monopole susceptible d'avoir des conséquences sur les prix des trains et des billets.

    Ascoval, toujours en quête d'un repreneur

    Une terrible erreur d'appréciation selon Hervé Guillou, le PDG de Naval Group, un fleuron industriel français, spécialisé dans la construction de bâtiments militaires. « Le signal envoyé par l'Union européenne est désastreux, soupire-t-il. Les commissaires de Bruxelles appliquent des règles absurdes qui conduisent à des décisions rendues obsolètes par l'évolution de l'économie mondiale. Le risque ? C'est un suicide industriel de l'Europe. Demandez-vous pourquoi l'industrie des télécoms est devenue asiatique, pourquoi l'industrie du transport est en difficulté ? »

    Pour Ascoval, l'aciérie de Saint-Saulve (Nord), les perspectives ne sont guère plus réjouissantes. Altifort, le repreneur franco-belge a finalement jeté l'éponge jeudi, admettant ne pas disposer des financements promis pour relancer le site, au grand drame des 281 salariés, et du ministère de l'Économie. « Altifort a trompé tout le monde », peste l'entourage de Bruno Le Maire, à Bercy.

    La Fonderie du Poitou, elle, a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Poitiers (Vienne). Ce sous-traitant automobile qui emploie 408 salariés fabrique des blocs-moteurs à Ingrandes-sur-Vienne (Vienne). Le tribunal a fixé au 28 février la date limite de dépôt d'une offre de reprise. Il y a donc urgence… Mais peu de candidats!

    Pas de nationalisation

    Après deux ans d'accalmie, le ciel s'assombrit de nouveau pour le gouvernement, alors même qu'il avait fait de la réindustrialisation du pays une de ses priorités. Et quand l'industrie s'enrhume, ce sont les Français qui éternuent. « L'industrie est un secteur primordial, qui concerne des emplois qui animent nos territoires », martèle un membre du cabinet de Bruno Le Maire.

    « Ce mouvement des Gilets jaunes, il se produit aussi en raison de la désindustrialisation de la France. » En effet, depuis vingt ans, l'Hexagone a perdu pas moins d'un million d'emplois industriels. « Aujourd'hui le gouvernement ne veut rien lâcher sur ce sujet », tonne-t-on à Bercy. « Le rôle de l'État, c'est d'être acteur, pas observateur », insistait Bruno Le Maire au début du quinquennat.

    Mais pourquoi alors l'État ne mobilise-t-il son bras armé, Bpifrance, la Banque publique d'investissement, en faveur des entreprises en difficulté ? « Ce n'est pas dans notre doctrine », répond une source proche de la Caisse des dépôts, maison mère de Bpifrance. Une doctrine résumée de façon abrupte fin 2012 par son premier patron Jean-Pierre Jouyet qui avait soulevé l'indignation des syndicats en proclamant que Bpifrance avait pour mission de soutenir des projets d'avenir et non les « canards boiteux ».

    Et nationaliser ? Encore moins, répond-on à Bercy. Dans les faits, malgré son volontarisme affiché, l'État doit faire face à la douloureuse réalité économique.