Donald Trump contre le vin français : une menace prise au sérieux dans les vignobles

L’hôte de la Maison Blanche veut relever les droits de douanes sur les vins français importés aux Etats-Unis.

 Les vins de Bordeaux « représentent 22% des vins français exportés aux Etats-Unis ». (Illustration)
Les vins de Bordeaux « représentent 22% des vins français exportés aux Etats-Unis ». (Illustration) AFP/Mehdi Fedouach

    A peine revenu des plages du Débarquement, Donald Trump s'en est pris à l'un des symboles tricolores. Remonté contre une concurrence qu'il juge déloyale, l'hôte de la Maison blanche a menacé de relever les droits de douanes des vins français. «La France taxe beaucoup le vin et nous taxons peu le vin français. Ce n'est pas juste et nous allons faire quelque chose pour ça».

    Le président américain n'en est pas à son coup d'essai. Rentré énervé de sa visite en France pour le centenaire de l'Armistice, il avait déjà tonné en novembre contre les taxes infligés aux vins américains. Cette nouvelle offensive inquiète donc les viticulteurs français. « Les Etats-Unis sont notre premier marché à l'export, souligne Guillaume Deglise, à la tête de la maison Albert Bichot, propriétaire en Bourgogne de domaines, dans les vignobles de Pommard ou de Nuits-Saint-Georges.

    « Nos grands crus se vendent très bien aux Etats-Unis, poursuit-il, mais si les prix augmentent fortement il y a risque que les consommateurs se détournent vers des vins d'Afrique du Sud ou d'Argentine.» Une menace prise aussi au sérieux dans le Bordelais. «Nos appellations représentent 22% des vins français exportés aux Etats-Unis », signale ainsi une porte-parole du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux.

    «Il faudra être vigilant»

    La sortie de Trump « n'est pas une bonne nouvelle, admet le directeur général de Vinexpo, Rodolphe Lameyse, qui garde un souvenir cuisant des sanctions imposées l'an dernier par Pékin aux vins français. Dans le cas américain, «il faudra être vigilant sur ce qui va se passer dans les prochains jours, prévient Rodolphe Lameyse, directeur général de Vinexpo. D'autant que le marché britannique, autre grand débouché pour le bordeaux est lui aussi en tension avec le Brexit. »

    Les viticulteurs français ont eu beau jeu d'insister ces derniers heures sur le fait que « les droits de douanes sur le vin sont fixés au niveau européen et ce tarif commun à tous les pays de l'UE n'a pas bougé depuis 20 ans ». Des droits de douanes qui, de surcroît, ne sont guère différents d'un bord à l'autre de l'Atlantique.

    «Une bouteille de vin française est taxée 10 cents au Etats-Unis et c'est 11 centimes le litre pour le vin américain à son entrée en Europe, confirme un expert. Ce n'est rien comparé aux 10% de taxes prélevées sur une voiture américaine importée dans l'UE Mais c'est vrai que ces taxes pèsent proportionnellement moins sur les vins français vendus plus chers parce qu'ils s'adressent aux Etats-Unis à une clientèle aisée. »

    Le gouvernement minimise

    Habitué aux foucades de Donald Trump, on assure du côté du gouvernement ne pas vouloir « jeter d'huile sur le feu». Et l'on minimise l'impact d'éventuelles sanctions. « Même si les droits de douanes passent à 25 centimes le litre, ce n'est pas ça qui va freiner les exportations de vins français vers les Etats-Unis ». Lesquelles ont progressé de 25% pendant en 10 ans pendant que les importations en France de vins «made in USA » ont bondi de...200%.

    « C'est la preuve que les propos de Trump n'ont pas de sens, avance un expert à Bruxelles. Sauf, décrypte-t-il, si le président américain a une idée derrière la tête. Il a accepté l'an dernier d'exclure les produits agricoles des négociations commerciales avec l'Europe. C'est très frustrant pour Américains. En agitant le spectre d'une guerre commerciale sur le vin, il essaye peut-être à sa manière d'assouplir la position européenne. »