Grève SNCF : pour Laurent Brun (CGT), «si une telle mobilisation perdure, ça sera historique»

À la veille d’une grève qui s’annonce très suivie à la SNCF, Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots accuse la direction de vouloir pousser les grévistes à la faute. Ce qui pourrait vite dégénérer.

 Laurent Brun, secrétaire général de la Fédération des cheminots à la CGT, prévoit une grève historique.
Laurent Brun, secrétaire général de la Fédération des cheminots à la CGT, prévoit une grève historique. LP/Philippe Lavieille

    Pour le premier de jour grève nationale à la SNCF, ce mardi 3 avril, Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, prédit un mouvement très dur. Il dénonce le comportement de la direction de la SNCF qui multiplie, selon lui, les attaques contre le droit de grève. Un comportement qui pourrait conduire à des débordements.

    Le gouvernement comme la direction de la SNCF ne comprennent pas pourquoi vous faites grève alors que les discussions se poursuivent et que le statut est conservé pour les cheminots actuels…

    Le gouvernement est dans la méthode Coué. Si les nouveaux entrants n'ont plus le statut ça pose plusieurs problèmes. D'abord, il n'y a pas de raison qu'à travail égal il n'y ait pas de droits égaux. Ensuite, nos droits dépendent des effectifs. S'il y a moins de gens au statut vous avez, par exemple, moins de promotions. Enfin, le gouvernement affirme que les cheminots au statut ne le perdront pas. C'est faux. Le président Pepy a annoncé qu'en avril il ouvrirait des discussions dans l'entreprise pour revoir le statut de base.

    L'obsession de ce gouvernement et de cette direction c'est de diminuer les droits de tout le monde. Mais ce n'est pas la seule revendication. Les salariés manifestent un mécontentement vis-à-vis de l'entreprise, les menaces sur les petites lignes. Moi je veux bien négocier ce qu'on veut mais si en face de moi j'ai un mur, et bien on va au conflit dur.

    Comment sera ce mouvement ?

    Il va être extrêmement suivi. D'ailleurs, la direction peine à mobiliser des volontaires. ll y a deux jours, pour l'Ile-de-France, la direction n'avait que 225 « gilets rouges » pour assurer l'information en gare alors qu'ils ont besoin de 1303. Et selon nos estimations, chez les conducteurs il y a 83 % de grévistes alors que la direction annonce 77 %.

    Ce mouvement va-t-il durer ?

    C'est toute la question. Est-ce que les salariés vont juste marquer le coup, puis reprendre le travail? Ou alors ne rien lâcher tant qu'ils n'auront pas obtenu satisfaction? Je ne sais pas. Mais si une telle mobilisation perdure, ça serait historique.

    Guillaume Pepy affirme que ce mouvement c'est une grève low cost pour les salariés et une gêne maximale pour les usagers…

    Comment peut-il dire ça? Si les cheminots suivent l'ensemble du mouvement, c'est un tiers de salaire en moins. La direction multiplie les sales coups car elle a peur que le mouvement s'installe. Outre de tenter de comptabiliser les jours de repos comme jours de grève, d'offrir une prime mensuelle de 150 euros aux cadres qui accepteraient de conduire des trains, de faire venir d'autres cheminots du Royaume-Uni, la direction étudierait la possibilité d'effectuer des réquisitions de cheminots, par exemple sur la ligne D du RER, quitte à aller les chercher avec les gendarmes. Tout cela a pour but de casser la grève, et traduit une perte totale de sang-froid de la part de la direction.

    Comment ça ?

    La direction veut nous pousser à la faute. Elle cherche la confrontation entre grévistes et non grévistes. Mais c'est la SNCF qui portera l'entière responsabilité de ce qui pourrait se passer.

    Cela peut donc dégénérer ?

    Oui, même si on espère garder notre calme. Malheureusement, quelle que soit l'issue de ce conflit, cela laissera des traces. Comment gère-t-on l'entreprise après un conflit dans lequel tous les coups ont été permis ? Guillaume Pepy est en train de s'aliéner toutes les populations de l'entreprise.

    Ce projet de loi est présenté comme une bonne chose pour la SNCF et que ses clients verront les prix baisser…

    C'est faux. Les prix des billets sont imposés pour une très large partie par le prix des péages et le coût des personnels. Or les péages ne vont pas diminuer sinon on augmenterait la dette. Et les personnels, selon ce qu'a proposé le gouvernement, seront transférés en qualité et en quantité avec les mêmes droits. L'ouverture à la concurrence, c'est un choix politique, il faut que ce gouvernement l'assume. Aux usagers, nous leur disons que ce projet de loi ne répond en rien aux besoins.

    Le gouvernement estime que ce mouvement est la revanche de l'élection présidentielle…

    À ma connaissance, Philippe Martinez n'était pas candidat à la présidentielle, je ne vois donc pas de quoi ils parlent. Après, que les partis de gauche utilisent ce mouvement pour mettre en avant la défense du service public, cela fait partie du débat démocratique.

    Qu'est-ce qui pourrait mettre demain fin au conflit ?

    C'est simple, on retire cette réforme qui n'apporte strictement rien aux usagers et s'avère néfaste pour les salariés, et on discute enfin réellement du contenu.

    @VincentVerier et @erwanbenezet