Retraites : la très lente avancée de la réforme

Le gouvernement donne l’impression de reculer cette réforme, par crainte des élections municipales. Jean-Paul Delevoye, chargé du dossier, nous assure que c’est pour début 2020.

 Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, rendra ses recommandations mi-juillet.
Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, rendra ses recommandations mi-juillet. PHOTOPQR/Voix du Nord/Matthieu Botte

    Pour une fois, ce n'est pas la question de l'allongement de la durée de cotisation qui anime les débats, mais bel et bien celle de l'allongement… de la réforme des retraites. Pour son texte phare et ô combien délicat, le gouvernement a décidé de prendre tout son temps, voire de temporiser. « Une réforme qui va peser sur les vingt prochaines années n'est pas à un ou deux mois près. Un sujet de telle ampleur nécessite que l'on ne se précipite pas. Cela nécessite de l'appropriation », nous confie Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites qui travaille depuis près de deux ans à l'élaboration de son rapport sur le sujet.

    Ce dernier rendra ses recommandations mi-juillet, mais l'arrivée du texte à l'Assemblée n'est pas pour tout de suite. « La fenêtre de tir, c'est début 2020 », anticipe Delevoye. Début 2020 ? C'est-à-dire juste avant les élections municipales programmées au printemps de cette même année.

    «Tout le monde a le droit d'être joueur...»

    Un rendez-vous électoral crucial pour Emmanuel Macron, que le très délicat, pour ne pas dire explosif, sujet des retraites pourrait bien sacrément polluer. « Je suis peu sensible aux échéances électorales, qui relèvent d'un cycle court, par rapport à une réforme de société qui est un cycle long », minore toutefois Delevoye.

    Un bel optimisme qui en laisse plus d'un circonspect : « Un débat parlementaire sur les retraites avant les municipales ? Tout le monde a le droit d'être joueur… », ironise déjà un responsable syndical. Et de parier plutôt sur un examen après le scrutin : « Je serais eux, je voudrais éviter les ennuis. Je me débrouillerais pour qu'il y ait un maximum de personnes qui boxent dans le vide pendant un bon moment. Parce que quand vous boxez dans le vide, le jour où il faut boxer vraiment, c'est dur. Ça ne sert à rien, vous vous fatiguez. »

    «On ne peut pas dire que l'on chouchoute notre électorat»

    Dans la majorité, la perspective fait frémir certains : « Je pense qu'ils veulent le faire quand même pendant les municipales. C'est une prise de risque conséquente, s'alarme déjà un député LREM. On ne peut pas dire que l'on chouchoute notre électorat. Le smic, les mères seules, cela ne s'adresse pas à ceux qui votent pour nous. La réforme des retraites, cela ne plaît pas à notre électorat. Les cadres sups avec la dégressivité de l'assurance chômage, c'est pareil… »

    Des réserves que l'on préfère balayer au sein du gouvernement : « Ce n'est pas dangereux parce que c'est une grande réforme », se rassure un ministre. Tandis qu'un proche d'Emmanuel Macron s'affiche serein : « Toutes les réformes passent facilement, il y a plutôt une dynamique LREM en ce moment. » Et d'assurer que l'exécutif est « déterminé » à porter ce texte, élections municipales ou pas. Matignon ne dit pas le contraire : « Il y a encore des discussions avec les partenaires sociaux, des arbitrages à caler. Mais on ne va pas procrastiner ». À voir…