Salle de créativité, box téléphonique, quiet room… la révolution au bureau

Fini l’open space bruyant des années 1990. Les entreprises repensent les espaces de travail pour adapter les locaux à leur organisation.

 La Défense (Hauts-de-Seine), le 10 avril. Au siège d’Engie (ex-GDF Suez), une dizaine d’espaces de travail différents sont répartis sur les 36 étages.
La Défense (Hauts-de-Seine), le 10 avril. Au siège d’Engie (ex-GDF Suez), une dizaine d’espaces de travail différents sont répartis sur les 36 étages. LP/Yann Foreix

    C'est une situation à laquelle Sophie s'est habituée bon an mal an. Tous les matins, après près d'une heure passée dans les transports, cette trentenaire, salariée d'une grande entreprise parisienne de commerce en ligne, se précipite sur son casier une fois le seuil de l'entreprise franchie. Là, elle récupère ses affaires et commence sa journée de travail en arpentant les allées à la recherche d'une place assise.

    Sophie, comme de plus en plus de salariés, est une nomade, une « sans-bureau fixe », espèce en voie de développement dans le monde de l'entreprise. « L'open space bruyant des années 1990 avec les téléphones qui sonnent sans arrêt et les ordinateurs alignés, c'est ringard ! Aujourd'hui, on parle de flex office ou de desk sharing » (voir lexique ci-dessous), constate Alexandre des Isnards, auteur du livre « l'Open space m'a tuer », sorti en 2008, qui dépeignait avec drôlerie les méfaits de la promiscuité dans le monde de l'entreprise.

    Les temps ont changé. Dans les grands groupes, l'heure est à l'optimisation des lieux et aux salles de travail modulables en fonction des besoins et modes de travail. « En trente ans, l'espace alloué à chaque salarié s'est fortement réduit, remarque Pierre Bouchet, PDG du Génie des lieux, spécialisé dans l'aménagement de bureaux. Dans les grandes entreprises, on est passés de 40 m2 par personne dans les années 1980 à 10 ou 15 m2 aujourd'hui. »

    Engie a chamboulé ses 36 étages

    Au siège d'Engie (anciennement GDF Suez), dans le quartier de la Défense (Hauts-de-Seine), une dizaine d'espaces de travail différents sont répartis sur les 36 étages. Entre les « quiet rooms » (en français « salles silencieuses ») destinées aux salariés solitaires qui souhaitent s'isoler, les « salles de créativité » pour les équipes qui veulent faire émerger des idées, les petites salles de réunion, les grandes, les « box téléphoniques » où ne peut s'asseoir qu'un seul salarié et les espaces de travail classiques, les collaborateurs ont l'embarras du choix.

    La Défense (Hauts-de-Seine), le 10 avril, au siège d’Engie./LP/Yann Foreix
    La Défense (Hauts-de-Seine), le 10 avril, au siège d’Engie./LP/Yann Foreix LP/Yann Foreix

    Même au 35e étage où sont regroupés les membres du comité exécutif, les cloisons ont disparu. « L'avantage, c'est que les problèmes se règlent plus rapidement étant donné que la communication est plus fluide », assure Didier Holleaux, directeur général adjoint en charge des infrastructures. « Pour les places, c'est la règle du premier arrivé, premier servi, embraie Sandrine d'Engenières, en charge de la transformation chez Engie. Mais en général, on arrive toujours à trouver une place qui nous arrange. »

    « L'open space des années 1990 avec ses faux plafonds est révolu, estime de son côté Pierre Bouchet. Il n'y a toujours pas de recette miracle pour travailler sans déranger son voisin mais de gros progrès ont été faits en matière d'acoustique. Depuis quatre ou cinq ans, tout change. Nos clients nous demandent d'adapter leurs locaux à leur organisation du travail. Dans les années 1990, 20 % des espaces étaient dits d'équipe. Aujourd'hui on est sur du 50-50. Il y a de plus en plus d'espaces collectifs », poursuit-il.

    «Un impact réel sur la qualité du travail»

    Si les directions prennent enfin cette question au sérieux, c'est aussi parce qu'elle peut susciter des tensions en interne. « Le sujet de l'aménagement des bureaux semble cosmétique mais en réalité, il crispe les relations entre collègues et a un impact réel sur la qualité du travail », estime Bénédicte Moutin, secrétaire confédérale chargée de la qualité de vie au travail à la CFDT.

    « La question du bruit ou de la lumière, notamment, peut provoquer des dissensions. Beaucoup de salariés subissent la promiscuité. Ils réagissent en s'isolant du groupe ou en se protégeant les oreilles avec un casque, ce qui nuit, au final, au collectif. L'idéal serait que la direction laisse le choix à chacun de ses salariés. »

    Un bureau aménagé pour travailler debout, chez Engie, à La Défense (Hauts-de-Seine)./LP/Yann Foreix
    Un bureau aménagé pour travailler debout, chez Engie, à La Défense (Hauts-de-Seine)./LP/Yann Foreix LP/Yann Foreix

    Miroir aux alouettes ou véritable progrès social ? Certaines entreprises vont jusqu'à impliquer les salariés dans le réaménagement de leurs bureaux. C'est le cas de l'entreprise d'électroménager Bosch, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) où les équipes ont été invitées à définir avec la direction le nouveau siège, le « campus » de Bosch, tel que le définit un porte-parole de l'entreprise.

    Un terme également employé chez Carrefour, à Massy (Essonne) où les collaborateurs ont désormais à disposition des services comme une crèche, des salles de sport. Pierre Bouchet l'assure : « C'est l'enjeu pour les entreprises qui s'éloignent des centres urbains : attirer les salariés avec des environnements les plus attractifs possible. »

    Lexique

    Open space : environnement de travail décloisonné qui s'est développé en France à partir des années 1960 avec l'essor de l'informatique.

    Flex office (ou, en français : bureau flexible) : consiste en l'absence de bureau attitré sur le lieu de travail. Chaque matin, le salarié, équipé de son smartphone et de son ordinateur portable, s'installe là où il trouve de la place.

    Coworking : espace de travail destiné aux salariés et indépendants en situation de mobilité. Le coworking permet de partager ses bureaux avec d'autres entreprises ou d'autres travailleurs.

    Bureau libre : désigne le concept général des nouveaux modes et environnements de travail nomades et collaboratifs, permettant de travailler là où l'on en a besoin, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise.