« Sarkozy n'a pas infléchi sa politique »

BERNARD THIBAULT, secrétaire général de la CGT

« Sarkozy n'a pas infléchi sa politique »

    Manifestation des profs demain, grosse mobilisation en perspective le 19 marsâ?¦ le printemps social s'annonce tendu. Le patron de la CGT, Bernard Thibault, estime que Nicolas Sarkozy n'a toujours pas répondu aux attentes des Français.

    Demain, les enseignants se mobilisent, une semaine avant la journée d'action du 19 mars. Est-ce le début d'un grand mouvement social ?

    Bernard Thibault. L'école est dans une situation équivalente à celle des urgences à l'hôpital. C'est le réceptacle de toutes les souffrances dans la société. Or, on demande aux enseignants, comme à l'ensemble des fonctionnaires, de faire toujours plus avec de moins en moins de moyens. Crise ou pas, le gouvernement maintient les 30 000 suppressions de postes en 2009 ! Il y a un ras-le-bol général.

    Mais Nicolas Sarkozy infléchit pourtant sa politiqueâ?¦

    Non, il n'a infléchi sa politique ni sur le dossier des réformes ni sur ce qu'il convient de faire en période de crise. Il y a un décalage entre l'appréciation du chef de l'Etat et l'opinion des Français, comme le montrent les sondages. Nicolas Sarkozy continue de faire comme s'il ne se passait rien. Son logiciel de référence économique a été détruit par la crise et il n'a pas de logiciel de rechange.

    Pour vous, 2,5 milliards d'euros pour la relance de la consommation, ce n'est rien ?

    Ce n'est pas à la hauteur des aspirations du 29 janvier. Et puis on n'en verra pas forcément la couleur. Un exemple, l'augmentation de la rémunération du chômage partiel, c'est très bien sur le papier. Dans les faits, il va falloir négocier entreprise par entreprise. Autant dire que cela va prendre du temps. Tout ça, c'est du saupoudrage. Ce n'est pas en donnant des primes exceptionnelles ou en accordant des exonérations fiscales temporaires que l'on relancera l'activité.

    Six semaines seulement après le succès de la journée d'action du 29 janvier, n'avez-vous pas peur que les salariés soient moins nombreux dans la rue le 19 mars ?

    On attend au moins autant de personnes que la dernière fois. Tous les ingrédients sont là. Et puis, certaines entreprises ont des comportements hyperviolents. Que des salariés soient virés du jour au lendemain comme cela se passe dans le secteur automobile, le textile, la pharmacieâ?¦ simplement sur des critères de rentabilité qui nous viennent de l'autre bout du monde, ce n'est pas acceptable. La présidente du Medef peut toujours dire que la crise, ce n'est pas la mort, les salariés en subissent les effets de plein fouet.

    La CGT continue de réclamer une hausse de 300 â?¬ pour les bas salaires. Mais est-ce tenable ?

    Le smic à 1 600 â?¬, ce n'est pas tenable selon les paramètres sociaux actuels. Il faut changer le système. Les entreprises sont en train de s'écrouler parce qu'elles ont privilégié la rémunération du capital, et pas à cause des salaires. La première raison de cette crise économique, c'est la dévalorisation du travail. Or, que fait le gouvernement ? Il donne de l'argent public sans aucune contrepartie pour entretenir le niveau des dividendes des actionnaires. C'est notamment ce qu'il fait pour les banques et l'automobile. C'est pourquoi nous demandons un droit de regard des syndicats sur l'utilisation des aides publiques.

    Le conflit des Antilles préfigure-t-il une radicalisation des mouvements en métropole ?

    La situation n'est pas comparable. Les Antilles sont gangrenées par un taux de chômage de 20 %, les prix y sont deux ou trois fois plus élevés et les salaires 15 % inférieurs à ceux de la métropole. Le conflit n'est pas transposable.