Simplon.co, l’école des ouvriers d’Internet

Alors que la demande dans les métiers du numérique explose, la fabrique Simplon.co propose des formations gratuites dans ce secteur un peu partout en France. Comme ici, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

 Après la formation de Simplon.co, 80 % des «apprenants» - ne dites pas élève - trouvent un travail dans les six mois.
Après la formation de Simplon.co, 80 % des «apprenants» - ne dites pas élève - trouvent un travail dans les six mois. LP/Arnaud Dumontier

    Il avait envie « de changer de routine », assure-t-il dans sa chemise vert bouteille. Assis devant son écran d'ordinateur, Gilles n'est pas un élève comme les autres à Simplon.co, la fabrique sociale du numérique. Ancien facteur, l'homme de 42 ans a sillonné pendant vingt ans sur son vélo la ville bretonne de Vannes (Morbihan). Aujourd'hui, il est persuadé que son métier est en voie de disparition. Il en apprend un nouveau, celui de développeur pour le Web.

    En alternance toute cette année, entre sa formation et La Poste, Gilles a été sélectionné parmi 600 salariés pour ses capacités d'adaptation, sa motivation, sa connaissance de l'informatique. Autour de lui, dans cette petite salle démunie de fenêtre dans un local du centre de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Jordan, Jean-Luc ou Sylvain, qui pianotent sur leur clavier, casque sur les oreilles, sont tous en reconversion professionnelle. Fini le courrier, les mêmes gestes, les sempiternels « Bonjour-Bonsoir ».

    «Une manière parfois de gagner au niveau salarial»

    Place à ces signes mystérieux, qui s'enchaînent en lettres multicolores sur l'écran noir face à eux : il s'agit de JavaScript, le langage de programmation principalement employé pour créer des pages Internet interactives. Dans la salle mitoyenne, d'autres salariés, des cadres de la banque BNP-Paribas, suivent le même cursus. « Toutes les entreprises en France font face au virage numérique et ont besoin de nouveaux profils, explique leur encadrant Jonathan Siffert, tee-shirt rouge sur le dos. Ces hommes sont des débutants complets. Pour eux, c'est aussi une manière parfois de gagner au niveau salarial », explique-t-il.

    Gilles, ancien facteur, veut se reconvertir dans le numérique. LP/Arnaud Dumontier
    Gilles, ancien facteur, veut se reconvertir dans le numérique. LP/Arnaud Dumontier LP/Arnaud Dumontier

    Créée il y a cinq ans dans une usine de Montreuil, la start-up Simplon.co, labellisée ESUS (entreprise solidaire d'utilité sociale) a depuis essaimé partout en France et dans le monde ses étonnantes « fabriques » du web. Ici, on apprend gratuitement, en quelques mois, à des adultes à devenir des « data artisan », « des référents digitaux ». Autant de nouveaux profils de techniciens, encore rares en France, que peinent à recruter les entreprises. Faute de candidats formés.

    80 % trouvent un travail dans les six mois

    « Ici, on accueille tous types d'élèves, du CAP au Bac + 8, mais surtout des cols-bleus du numérique, expose François Durollet, directeur général de Simplon.co. Notre école a voulu s'inspirer des bootcamps numériques, des centres de formations qui se sont créés aux Etats-Unis, dans le sillage de la crise financière de 2008. Nous sommes nés de ce constat : d'un côté, il y avait en France des milliers de demandeurs d'emploi. De l'autre, des métiers en tension ».

    Chez Simplon.co, la moyenne d'âge des « apprenants » - ne dites pas élève - est de 29 ans. 30 % seulement sont des femmes, 60 % sont détenteurs du baccalauréat, 80 % sont au chômage. Près de 80 % vivent une « sortie positive » au bout de six mois. Dans le jargon de Simplon.co, cela signifie qu'ils retrouvent du travail.

    L'année prochaine, Gilles restera salarié de La Poste. Grâce à sa formation, il gagnera entre 150 et 200 euros de plus par mois. Que fera-t-il précisément ? Il ne sait pas encore. « C'est un peu déstabilisant, parfois », reconnaît-il, du bout des lèvres. Pour lui, comme pour la vingtaine de ses camarades de promotion, ce sera en tout cas une nouvelle vie.