Inondations en Italie : la France peut-elle être aussi gravement touchée ?

Le phénomène météo à l’origine des intempéries dévastatrices qui ont frappé la région d’Émilie-Romagne peut-il se produire dans l’Hexagone ? Assurément, estiment les spécialistes, mais impossible de prévoir exactement où, ni quand.

Des sauveteurs évacuent un sinistré dans une rue inondée de Conselice, près de Ravenne, ce dimanche, après les intempéries meurtrières qui ont frappé l'Emilie-Romagne dans le nord-ouest de l'Italie. AFP/Andreas Solaro
Des sauveteurs évacuent un sinistré dans une rue inondée de Conselice, près de Ravenne, ce dimanche, après les intempéries meurtrières qui ont frappé l'Emilie-Romagne dans le nord-ouest de l'Italie. AFP/Andreas Solaro

    Près de 40 000 personnes évacuées et déplacées, 14 morts, plus de 305 glissements de terrain ayant englouti des milliers d’habitations et un demi-millier de routes coupées. Le bilan des inondations meurtrières qui frappent depuis plusieurs jours la région d’Émilie-Romagne, dans le nord-ouest de l’Italie, est lourd.

    Ce dimanche 21 mai, alors que l’alerte rouge était maintenue jusqu’en fin de journée, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni est rentrée dans son pays, écourtant sa participation au sommet du G7 à Hiroshima au Japon, pour faire face à la crise.

    La très soudaine montée des eaux, dans l’après-midi de vendredi après que des canaux ont débordé, submergés par les eaux des rivières en crue, est la conséquence directe d’un phénomène météo de plus en plus fréquent, la goutte froide.

    « C’est une poche d’air très froid située à plus de 5 000 m d’altitude, explique-t-on chez Météo France. Lorsque le courant-jet (jet-stream en anglais, courant d’air très rapide) polaire se déforme, il arrive qu’une poche se détache pour descendre jusqu’à nos latitudes, que l’on surnomme une goutte froide. Elle provoque souvent un temps perturbé, avec des averses, parfois composées de grésil jusqu’au sol, associées à de fortes rafales de vent. »

    Un phénomène rare au printemps

    C’est exactement ce qui a provoqué les très intenses chutes de pluies au-dessus de l’Italie ces derniers jours. « Après avoir traversé la France et la Suisse, la goutte froide s’est creusée en arrivant sur la région d’Émilie-Romagne et en rencontrant l’air chaud méditerranéen, provoquant de très fortes averses de pluie, jusqu’à 300 mm en seulement deux jours, explique Guillaume Séchet, météorologiste et fondateur du site meteo-villes.com.

    Ce type de phénomènes intervient plutôt à l’automne, et beaucoup plus rarement à cette période printanière de l’année où les orages peuvent être nombreux, mais pas sous cette forme extrême. »

    Aussi violent qu’inattendu en Italie, ce phénomène n’est pas étranger à la France. En juin 2010, le département du Var a payé un très lourd tribut à ce qu’on appelle un épisode méditerranéen, principalement dans le bassin-versant de la Nartuby et la basse vallée de l’Argens en zone littorale. Bilan: 27 morts et des dégâts matériels considérables.

    Quels sont alors aujourd’hui les risques de voir, dans les jours ou semaines qui viennent, une goutte froide déverser une telle quantité de pluie avec, à la clé, des inondations aux conséquences dramatiques ? « Pas dans les jours qui viennent et il est toujours difficile de prévoir à long terme, mais oui, le réchauffement climatique et ce qu’on appelle la tropicalisation du climat méditerranéen augmentent le risque de voir ce type d’événement se produire plus souvent et de manière plus intense, anticipe Guillaume Séchet.

    D’abord en France et en Espagne, deux pays qui font directement face aux remontées d’air chaud en provenance du Sahara. Les eaux méditerranéennes sont restées exceptionnellement chaudes cet hiver et l’effet de « chaudron » est déjà présent. »



    L’éventualité de très fortes pluies fait peser de très fortes inquiétudes sur la région sud-est ou sur l’Occitanie. Car, contrairement au nord de l’Italie, où les sols sont normalement humides pour la saison, ceux de ces deux régions affrontent une sécheresse historique. En cas de pluies, ils seraient incapables d’absorber des quantités énormes d’eau et une catastrophe aussi meurtrière que celle du Var en juin 2010 serait alors fortement probable.