Au procès Georges Tron, la thèse du complot FN décortiquée à la barre

Les frères Olivier, opposants à Draveil et proches de Marine Le Pen, ont témoigné ce mardi devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis. Ils représentent, selon la défense de Georges Tron, le complot ourdi par le Front national.

 Draveil, mars 2014. Philippe Olivier, beau-frère et proche de Marine Le Pen, a contesté la thèse du complot du FN.
Draveil, mars 2014. Philippe Olivier, beau-frère et proche de Marine Le Pen, a contesté la thèse du complot du FN. LP/L.D.

    Un regard. Pendant que le président Philippe Coirre cherche ses déclarations, Jacques Olivier, 57 ans, gilet noir et jean's bleu, cheveux blancs et raie sur le côté, se retourne vers Georges Tron et le fixe. Un échange de regard qui en dit long sur les rapports entre les deux hommes.

    Ce mardi après-midi, lui et son frère jumeau Philippe Olivier, ont témoigné devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis. Celle-ci juge depuis le 23 octobre le maire (LR) de Draveil, ancien secrétaire d'Etat, et Brigitte Gruel, son ex-adjointe à la Culture, pour des viols en réunion et des agressions sexuelles sur d'anciennes employées municipales.

    Les dépositions des frères Olivier étaient attendues depuis le début du procès Tron. Car chaque jour, il a été question des jumeaux et de François-Joseph Roux, ancien collaborateur de Georges Tron dont des employés municipaux de Vigneux-sur-Seine, où il a travaillé, avaient dit : « Il est à peu près incompétent en tout, sauf en coups tordus. » C'est lui qui avait payé - « avancé » selon ses termes - aux plaignantes Eva Loubrieu et Virginie Ettel le billet de train pour Marseille, où elles avaient rencontré Gilbert Collard, leur premier avocat… depuis élu député apparenté Front national.

    « Si ma femme ne s'appelait pas Marie-Caroline Le Pen, je ne serais pas là devant vous »

    La meilleure défense face à cette thèse de complot, c'est l'attaque. Philippe Olivier, beau-frère de Marine Le Pen, a décidé de charger le maire et d'exhumer les archives pour démontrer que Georges Tron est « un manipulateur », « extrêmement puissant ». Il liste : le faux déplacement d'Édouard Balladur en 1995 dans une voiture conduite par une cousine de Georges Tron; le logement social qu'il occupait dans le XVe; les « caïds » embauchés pour encadrer les conseils municipaux.

    Celui qui a quitté le Front national en 1998 avant d'y revenir en 2016 estime par ailleurs : « Ma femme s'appelle Marie-Caroline Le Pen. Si elle s'était appelée Marie-Caroline Dupont, je ne serais pas là devant vous. » Il reprend : « Le FN est un petit parti politique. Il se fiche complètement de Georges Tron. »

    Bobigny (Seine-Saint-Denis), décembre dernier. La thèse du complot fait partie de la ligne de défense de Georges Tron. AFP/JACQUES DEMARTHON
    Bobigny (Seine-Saint-Denis), décembre dernier. La thèse du complot fait partie de la ligne de défense de Georges Tron. AFP/JACQUES DEMARTHON LP/L.D.

    Jacques Olivier est aussi ancien membre du FN. Adhérent de l'association Draveil village, il se souvient : « J'avais de bons rapports avec M. Tron, il m'appelait Jacques. » En 2009, le projet Joffre scelle le divorce. « Deux élues m'ont annoncé que le maire voulait faire construire 700 logements à la place de l'hôpital Joffre. » Il reconnaît la discorde avec le maire, mais conteste le complot.

    Un certain nombre d'éléments troublants sont néanmoins soulevés. Le mail de 33 pages envoyé le 11 janvier 2012, intitulé « réflexions sur la personnalité de Georges Tron » par Virginie Ettel, usurpant l'identité d'Eva Loubrieu, à de nombreux contacts depuis l'ordinateur de Jacques Olivier ? « J'ai donné l'autorisation d'utiliser un ordinateur, répond l'intéressé. Je n'ai fait que dire oui, tu peux l'utiliser, et ça, c'est la pierre angulaire de tout le complot… »

    L'ordinateur, les enquêteurs auraient aimé le récupérer et l'analyser, mais il a gelé sous la serre. « La serre, c'est une grande verrière du XIXe, s'explique Jacques Olivier. Lors d'une tempête, des bouts de bardage sont tombés sur la verrière et ça l'a cassée. Il y a eu une pluie et je l'ai retrouvé avec une couche de glace. » Ce qui l'a rendu inexploitable.

    Des amis à l'extrême droite

    Me Eric Dupond-Moretti, l'avocat de Georges Tron, revient sur un article des « Inrocks » relatant un dîner organisé chez Jacques Olivier en décembre 2011 autour d'une omelette aux pommes de terre. Les deux frères sont là, il y a aussi Philippe Brun, François-Joseph Roux, l'ancienne secrétaire de mairie Isabelle I. et son mari, ainsi que Lucile Mignon, l'ancienne collaboratrice parlementaire qui, durant le procès, a accusé Georges Tron de trois agressions. Elle retrouve Virginie Ettel. Les deux femmes sont fâchées depuis que Lucile a menacé Virginie devant l'école de son fils.

    Jacques Olivier veut les réconcilier. « Quand je vois une bagarre, je veux séparer les gens et quand deux personnes sont fâchées, je veux les réunir », livre-t-il benoîtement. « On devait être entre 15 et 20 à ce repas. Voilà le contexte. Pour faire des complots, on fait plus discret. » Il avait qualifié auprès de nos confrères des « Inrocks » ce repas de « conseil de com».

    Cela fait tiquer Me Éric Dupond-Moretti qui s'attache ensuite à démontrer les liens que Jacques Olivier conserve avec les mouvances d'extrême droite. D'abord le fait que l'association Energie bleu Marine, soutenant la candidature de Marine Le Pen en 2012, était domiciliée chez lui. « J'ai prêté une boîte aux lettres à un ami », rétorque-t-il. L'avocat note aussi que parmi les contacts Facebook de Jacques Olivier se trouvent des identitaires. Jacques Olivier : « Vous n'avez pas cité les musulmans que je connais. »

    UN TÉMOIN TROUBLE ENTENDU CE MARDI

    Il se présente comme conseiller diplomatique auprès de la Cour pénale internationale. Noël Dubus est un acteur de l'affaire Takieddine. Il a aussi fait parler de lui dans l'affaire Adem Uzun, le responsable du Parti des travailleurs du Kurdistan arrêté en France en octobre 2012 pour trafic d'armes… A la barre, il confie également « travailler en collaboration avec la police judiciaire de Versailles ».

    L'homme, qui a été entendu ce mardi par la cour d'assises, est arrivé dans l'affaire Tron avec Thomas N. qui avait réalisé un enregistrement sauvage d'Eva Loubrieu dans lequel elle affirmait avoir « toute la machine du FN » derrière elle. Philippe Coirre, le président note : « Votre casier judiciaire est au dossier. Vous avez été condamné pour escroquerie. » Noël Dubus a même été écroué.

    S'il est intervenu dans le dossier, c'est pour monnayer l'enregistrement. Il souhaitait que Georges Tron interviennent auprès de Bercy pour obtenir le remboursement d'un crédit de TVA de 600 000 € d'un homme d'affaires. Georges Tron avait finalement adressé un courrier à Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur de l'époque. Me Frank Natali, avocat de Brigitte Gruel, co-accusée, analyse : «Vous êtes un maître chanteur professionnel.»