Héros anonymes, enfants, réfugiés : ces vies fauchées par l’attentat de Christchurch

Les attaques terroristes de vendredi ont fait 50 morts mais de nombreux blessés sont encore hospitalisés. Les survivants racontent comment certaines victimes leur ont sauvé la vie.

    Le bilan n'a cessé d'augmenter au fil des heures de ce terrible vendredi pour les musulmans de Christchurch (Nouvelle-Zélande). Informés au compte-gouttes du nombre et de l'identité des victimes des attaques terroristes contre deux mosquées - au final 50 morts et des dizaines de blessés -, nombre de proches se sont présentés près des lieux des attentats pour tenter d'obtenir des informations. Interrogés par les médias locaux, certains ont fait part de leur peine et ont ému le pays en décrivant les personnalités des défunts. Des survivants ont également raconté comment certaines victimes leur avaient permis de rester en vie par leur comportement héroïque. Retour sur quelques portraits qui ont marqué les esprits des Néo-Zélandais ce week-end.

    Daoud Nabi, mort en bouclier

    Selon ces récits, plusieurs personnes ont fait preuve d'un grand courage face au tireur principal. Abdul Aziz, un réfugié afghan de 48 ans, a par exemple saisi l'une des armes du terroriste de la mosquée de Linwood, tombée au sol, pour lui faire peur et le pourchasser jusqu'à ce qu'il entre dans sa voiture. Brenton Tarrant a été interpellé peu après, dans ce véhicule, par deux policiers. Abdul Aziz a survécu et est désormais considéré comme un héros, mais un autre réfugié afghan, Haji Daoud Nabi, 71 ans, n'a pas eu autant de chance.

    Selon le récit de son fils à NBC News, cet ingénieur qui avait fui l'invasion soviétique dans les années 1980 a essuyé une rafale de balles en se précipitant sur le terroriste. « Ton père m'a sauvé la vie ! » ont rapporté plusieurs personnes à Yama, alors qu'il cherchait encore désespérément son père sans comprendre immédiatement que c'était au prix de sa propre vie. « Je pensais qu'elles voulaient dire qu'il les avait aidées à s'échapper… » Première victime identifiée, Daoud Nabi est aussi pleuré pour le symbole qu'il représentait : ancien migrant, il était président d'une association afghane locale et très actif dans l'aide aux réfugiés.

    Le frère de Naeem Rashid, Rizwan, montre une photo de la famille. /AFP

    Naeem Rashid, héroïque en direct

    Sur la vidéo du massacre, diffusée en direct sur Facebook par Brenton Tarrant, on aperçoit un homme, Naeem Rashid, en train de tenter d'arrêter le tireur. Dans sa tentative avortée, ce Pakistanais de 50 ans a été grièvement blessé. Il a été conduit à l'hôpital mais n'a pas survécu. « C'était un homme courageux, et j'ai entendu quelques personnes là-bas, il y avait peu de témoins… Ils ont dit qu'il avait sauvé quelques vies en essayant d'arrêter ce type », a déclaré à la BBC son frère Khurshid Alam, fier de ses actions après avoir visionné la terrible vidéo. « C'est toujours un choc pour nous, quel que soit le héros qu'il devient… C'est notre fierté mais c'est comme se couper les jambes », a-t-il ajouté. Le fils de Naeem, Talha, 21 ans, est aussi décédé dans la fusillade. Dans un tweet, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a indiqué que le courage du père de famille serait récompensé par un prix national. Une cérémonie hommage sera même organisée le 23 mars, jour férié au Pakistan.

    Husna Ahmad, protectrice d'enfants

    Farid Ahmad dit être capable de « pardonner » au terroriste malgré son désarroi. Pendant des heures, il a gardé espoir que sa femme, Husna Ahmad, 44 ans, s'en sorte, en vain. Le récit de plusieurs témoins a toutefois quelque peu réchauffé son cœur. Selon eux en effet, son épouse s'est sacrifiée pour sauver nombre de fidèles. « Elle criait venez par ici, dépêchez-vous, et elle a emmené beaucoup d'enfants et de femmes vers un jardin à l'abri », a-t-il rapporté aux médias en se fondant sur ces témoignages. « Ensuite, elle est revenue pour s'enquérir de mon sort, parce que je suis en chaise roulante, et alors qu'elle s'approchait de la porte, elle a été tuée », a-t-il poursuivi avant de conclure : « Elle était occupée à sauver des vies, sans se préoccuper d'elle-même. » Lui pense s'en être sorti de justesse, réussissant à fuir tandis que le tireur semblait s'acharner sur une personne déjà morte, en la visant de plusieurs balles.

    Mucad, Abdullahi et Sayyad, les plus jeunes victimes

    La mort de plusieurs enfants est également à déplorer. Si leur nombre exact n'a pas encore été communiqué, les médias locaux dressent le portrait d'au moins trois très jeunes défunts : Mucad Ibrahim, 3 ans, Abdullahi Dirie, 4 ans, et Sayyad Milne, 14 ans. Le premier était avec son grand frère et son père au moment de l'attaque de la mosquée Al Noor. Selon le récit de ce dernier auprès du site local Stuff, son petit garçon a tenté de s'enfuir après avoir vu son père à terre. Blessé, il faisait en fait semblant d'être mort pour échapper aux tirs. La famille a d'abord espéré que Mucad ait réussi à se sauver, mais les secours l'ont trouvé gravement touché. Il est mort dans les bras de son père. « Il était si enjoué, il aimait beaucoup rire, était énergique… »

    Abdullahi Dirie était le petit dernier d'une grande famille ayant fui la famine en Somalie. Neveu du prédicateur de la mosquée Dar Al Hijrah à Minneapolis (Etats-Unis), il est mort aux côtés de son père, blessé dans la fusillade. Ses quatre frères et sœurs ont eux réussi à échapper au terroriste.

    Sayyad Milne avait lui survécu à tellement d'épreuves avant vendredi que son père n'arrive pas à croire qu'il soit mort ainsi. « Je me rappelle de lui comme bébé, lorsque nous avons déjà failli le perdre à la naissance », a-t-il raconté auprès du New Zealand Herald en référence à son état de santé fragile. « Il a dû se battre toute la vie, mais le voilà maintenant parti. Il a été très courageux, mon courageux petit soldat… » Sayyad, qui voulait fermement devenir footballeur, était avec sa mère à la mosquée. Parmi les blessés, au moins un garçon de deux ans et une fillette de quatre ans se battraient encore pour survivre, selon les médias locaux.

    Khaled et Hamza, tout juste sortis de l'enfer syrien

    Ils avaient réussi à fuir les bombardements, Daech et la répression du régime de Bachar al-Assad. Mais c'est finalement en terre a priori bien plus sûre que Khaled Mustafa et son fils Hamza, 16 ans, ont péri. Cela ne faisait que quelques mois qu'ils étaient arrivés de Syrie. Selon le porte-parole de l'association Solidarité syrienne néo-zélandaise au site Stuff, le père est mort sur le coup dans la mosquée Al Noor tandis que le décès de son adolescent n'a été confirmé que dimanche. Son frère Zaid, 13 ans, se trouve quant à lui à l'hôpital de Christchurch, où il a subi une opération de six heures. En parallèle, le pasteur principal de l'église du sud-ouest de Christchurch, Alan Jamieson, a déclaré que sa paroisse avait ainsi soutenu trois familles du Moyen-Orient par le biais d'un programme de parrainage et que quatre personnes liées à ces trois familles avaient été abattues dans les attaques de vendredi.

    Une photo d'Atta Elayyan a été déposée au milieu des fleurs à la mosquée Al Noor. /AFP

    Atta Elayyan, le sportif national

    Plusieurs victimes étaient connues au niveau local mais Atta Elayyan l'était même au niveau national parmi les amateurs de futsal (football à cinq). À 33 ans, il était en effet le gardien de l'équipe du pays et avait été sélectionné à 19 reprises.

    « Atta était un homme formidable et bien aimé de tous les membres de la communauté du futsal. Il n'y a pas de mots pour résumer ce que nous ressentons tous. Il nous manquera énormément », a notamment confié Josh Margetts, l'un des responsables de fédération. Né au Koweït, le sportif était aussi directeur général d'une entreprise en conseil en technologie, qu'il avait fondée.