Catastrophe de Brétigny : le parquet réclame un procès contre la SNCF

Si le juge d’instruction suit ces réquisitions, la SNCF sera jugée aux côtés d’un cheminot pour « homicides involontaires ».

 Le 12 juillet 2013, le déraillement d’un train Intercités à Brétigny-sur-Orge avait fait 7 morts et une trentaine de blessés.
Le 12 juillet 2013, le déraillement d’un train Intercités à Brétigny-sur-Orge avait fait 7 morts et une trentaine de blessés. SDIS 91

    La catastrophe ferroviaire avait fait sept morts et 32 blessés. Ce vendredi, le parquet d'Évry a requis un procès en correctionnel pour « homicides » et « blessures involontaires » à l'encontre de SNCF-Réseau (ex-RFF), de la SNCF-Mobilités (ex-SNCF), et d'un cheminot, six ans après la catastrophe de Brétigny-sur-Orge (Essonne).

    Dans un communiqué, le parquet justifie sa décision à l'encontre de l'entreprise ferroviaire « à raison des fautes commises par leurs organes ou représentants qui, par leur inaction ou les choix techniques ou économiques qu'ils ont pu faire, ont conduit au défaut de maintenance de l'aiguillage, à des ressources humaines insuffisantes, à une surveillance du réseau déficiente, et qui n'ont pas su imposer de limitation de vitesse sur les voies ».

    Pour le cadre dirigeant de proximité du secteur de Brétigny, le parquet estime qu'il a « exposé autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, en effectuant seul la dernière inspection des voies du 4 juillet 2013, contrairement aux préconisations et avec un niveau de diligence et d'attention manifestement insuffisant ». À l'époque, ce dernier était âgé d'à peine 24 ans. Il avait été mis en examen début 2019, quelques jours avant la clôture de cette enquête longue de cinq ans.

    « Ce cadre est un bouc émissaire »

    « Ce cadre a un chapeau bien trop grand à porter, souffle Me Xavier-Philippe Gruwez, qui défend une quinzaine de parties civiles dans cette procédure. Je suis déçu. Tous les cadres chargés de la maintenance, soit une dizaine de personnes, auraient pu être renvoyés devant un tribunal. Mais le parquet n'a pas voulu retenir le sabotage en bande organisée. »

    « Ce cadre est un bouc émissaire, estime également Jean-Luc Marissal, vice-président de l'association de victimes. Nous souhaitions que toute la chaîne de responsabilité soit jugée. Ces personnes étaient au courant des dysfonctionnements à Brétigny avant 2008 ! L'équipe de l'époque était délicate à gérer, et on y met comme responsable un jeunot qui débute. Sur ce tronçon usé et à fort trafic, c'est de l'inconscience. »

    L'enquête a exclu « toute faute du conducteur ou un quelconque acte de malveillance », poursuit le parquet. Il revient désormais aux juges d'instruction de décider de les renvoyer ou non devant le tribunal correctionnel.

    « Ces réquisitions de renvoi étaient attendues et sans surprise dans un dossier de cette nature » a réagi auprès de l'AFP l'avocat de la SNCF, Emmanuel Marsigny. La SNCF, « qui n'a jamais été convaincue par les conclusions des experts […] n'a eu de cesse d'essayer de comprendre ce qui était arrivé. Dès lors, nous attendons de prendre connaissance du réquisitoire et de ses motivations ».

    Un morceau de voie mal entretenu

    Le 12 juillet 2013 à 17h11, un train Intercités reliant Paris à Limoges déraille en gare de Brétigny. Le bilan est de sept morts et 32 blessés dans le train et sur le quai de la gare. Ce qui en fait l'une des pires catastrophes ferroviaires survenues en France ces vingt dernières années.

    La cause de l'accident est rapidement identifiée. Une éclisse, une pièce d'acier de 10 kg raccordant deux rails, maintenue, théoriquement, par quatre boulons, a sauté. Trois boulons sur les quatre ont cédé au moment du passage du train, provoquant son déraillement.

    Pendant les cinq années de l'enquête, toutes les expertises ordonnées par la justice ont conclu que le train avait déraillé à cause d'un morceau de voie mal entretenu qui s'est désagrégé au fil du temps. La SNCF estime de son côté que l'assemblage incriminé a cédé brutalement à cause d'un défaut de l'acier, et donc que l'accident était imprévisible - une hypothèse qui la dédouanerait.