Elle veut avoir un enfant de son mari décédé

Se sachant malade, un homme aujourd'hui décédé a fait une autoconservation de sperme. Sa veuve veut à présent être inséminée, ce qui lui est refusé.

Elle veut avoir un enfant de son mari décédé

    « Avoir un petit bébé d'amour. » Fabienne et Dominique Justel formulaient ainsi leur voeu le plus cher. Atteint d'un cancer, cet ingénieur a effectué par précaution une autoconservation de sperme à Rennes (Ille-et-Vilaine) en 2006. La maladie l'a emporté deux ans plus tard. Déterminée plus que jamais par ce désir d'enfant, Fabienne Justel, 39 ans, souhaite récupérer les gamètes de son époux, mais se heurte à un refus, fondé sur l'interdiction de l'insémination post mortem en France. Son avocat, M e Gilbert Collard, a assigné en justice le Centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme (Cécos) de Rennes dans l'espoir d'obtenir cette restitution.

    « On ne peut pas tuer le rêve de ce couple »

    « La mort de Dominique n'est pas une raison pour que je cesse de l'aimer. Je veux vraiment un enfant de lui », confie Fabienne, installée dans les Côtes-d'Armor. Quand elle rencontre Dominique, début 2006, ce dernier vient d'apprendre qu'il souffre d'un cancer. « Les médecins lui ont dit que les traitements très lourds par chimiothérapie et radiothérapie présentaient un risque pour sa fertilité, explique Fabienne. Ils l'ont orienté vers le Cécos de Rennes. Comme nous avions ce projet parental, on a suivi leur conseil, à titre préventif. » Le mari effectue une autoconservation de sperme à visée thérapeutique en avril 2006, la renouvelant chaque année. Fabienne est formelle : « Au Cécos, personne n'a jamais informé Dominique qu'en cas de décès il serait impossible d'utiliser ses gamètes. Si nous l'avions su, nous nous serions tournés vers un autre pays. » Et surtout, le couple ne voulait pas envisager le pire, bien décidé à surmonter la maladie. Le 30 septembre 2008, Dominique Justel s'est éteint, à 36 ans. Depuis, Fabienne a rencontré à plusieurs reprises le professeur Le Lannou qui s'était occupé de son mari au Cécos. Le médecin lui a confirmé que sa demande de restitution était impossible.

    « La loi interdit l'insémination post mortem, rappelle-t-on au CHU de Rennes, dont dépend le Cécos. On ne peut que refuser de remettre les paillettes à la conjointe d'un donneur décédé. Le professeur Le Lannou s'est en revanche engagé à ne pas détruire les gamètes dans l'attente d'une évolution éventuelle de la loi, à l'horizon 2010. » Sans ignorer la loi, Me Collard estime que le Cécos n'a pour autant aucun droit sur ce patrimoine génétique de M. Justel. « On ne peut pas tuer le rêve de ce couple », résume l'avocat en se plaçant sur le terrain de l'humain.

    Peut-on donner naissance à un enfant déjà orphelin de son père ? Consciente que l'opinion publique et celle des médecins sont prudentes et partagées sur un sujet aussi délicat, Fabienne Justel justifie son choix. « Je sais que certains sont hostiles, mais cet enfant ne naîtra pas de père inconnu. Dominique est toujours présent dans ma vie, j'en parlerai tous les jours à notre enfant, il aura un papa. » Soutenue par ses proches et sa belle-famille, Fabienne entend aller au bout de sa démarche, espérant que les récents états généraux de la bioéthique permettront de faire « bouger la loi ».