Émeutes après la mort de Nahel : un rapport détaille le profil et les motivations des condamnés

L’opportunisme, l’influence du groupe, le ressentiment vis-à-vis de l’État ou l’absence de perspectives ont exacerbé les violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel.

Les pillages, y compris dans les villes moyennes (ici à Grenoble), figurent en bonne place parmi les motivations de certains émeutiers de l'été dernier. LP/Thomas Pueyo
Les pillages, y compris dans les villes moyennes (ici à Grenoble), figurent en bonne place parmi les motivations de certains émeutiers de l'été dernier. LP/Thomas Pueyo

    Un rapport publié en toute discrétion. Le 25 août dernier, la note sur « les profils et motivations des délinquants interpellés » lors des émeutes qui ont secoué la France du 27 juin au 7 juillet était rendue publique. Elle révèle, selon les auteurs, un certain opportunisme de la part des émeutiers et des agissements sans lien évident avec la mort du jeune Nahel, tué par le tir à bout portant d’un policier lors d’un contrôle routier.

    Réalisée par l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de la justice (IGJ), l’étude montre que ces violences urbaines se sont largement étendues sur le territoire : 66 départements métropolitains et 516 communes en ont été le théâtre. Un chiffre important en comparaison avec les émeutes de 2005, 25 départements et environ 200 communes avaient alors été touchés.

    Cette extension a concerné « des secteurs périurbains, des villes moyennes, des petites communes urbaines isolées ou encore des communes rurales mais aussi des centres-villes », alors que les violences de 2005 éclataient presque uniquement dans les quartiers sensibles.

    60 % de peines de prison ferme lors des condamnations

    À la suite de la dizaine de jours d’émeutes, les instances judiciaires n’ont pas chômé : en l’espace d’un mois, 4 164 émeutiers ont fait l’objet d’une procédure judiciaire, pour un total de 5 832 infractions. 92 % d’entre eux ont fait l’objet de poursuites alors que plus de 60 % des majeurs condamnés l’ont été à une peine de prison ferme, un chiffre largement supérieur au taux moyen de l’année 2022 (38 % d’emprisonnement ferme prononcés par les tribunaux correctionnels).



    Le rapport s’attarde aussi sur le profil des condamnés. En large majorité des hommes (91 % parmi les mis en cause) dont l’âge moyen est de 23 ans, ils sont à 79 % de nationalité française, parfois issus de l’immigration. Leur structure familiale semble bien souvent identique : célibataires, sans enfant à charge et « très majoritairement hébergées à titre gratuit, essentiellement au domicile parental ». 29 % d’entre eux n’ont pas de diplôme et 38 % sont titulaires d’un diplôme inférieur au baccalauréat (BEP, CAP, brevet des collèges).

    Les motivations ? Opportunisme et adrénaline sont évoqués avant Nahel

    Les motivations des personnes interpellées posent question, relève le rapport. L’opportunisme (41 % des cas) est la première explication donnée, principalement pour les auteurs de vols. Concernant les faits de dégradation et d’affrontement avec les forces de l’ordre, le premier motif mis en avant est l’influence du groupe (29 %), talonné par la curiosité et la recherche d’adrénaline (23 %).

    Fait pour le moins étonnant, l’émotion suscitée par le décès de Nahel est invoquée dans moins de 8 % des cas, principalement par des individus résidant à Nanterre ou en région parisienne. Certains mettent en avant leur volonté de « rendre justice à Nahel, car ça aurait pu être moi », écrivent les auteurs.



    L’association en charge des enquêtes sociales rapides (ESR) dans les Hauts-de-Seine, citée dans le rapport, souligne enfin le « ressentiment exprimé par certains prévenus face à l’absence de perspectives, mais aussi de la colère vis-à-vis de l’État et d’un certain nombre de ses institutions – la justice, la police – dont ils contestaient la légitimité et l’autorité ».