Immigration : l’enfermement se banalise dans les centres de rétention

Selon un rapport, les personnes étrangères sont de plus en plus retenues, et de plus en plus longtemps, souvent sans perspective d’éloignement.

 Le centre de rétention de Paris-Vincennes.
Le centre de rétention de Paris-Vincennes. LP/C.N.

    45 851 personnes ont été enfermées dans des centres de rétention administrative (CRA) français en 2018. Un chiffre qui confirme la triste place qu'a acquise la France ces dernières années comme pays de l'Union européenne qui enferme le plus en rétention. Voilà le constat des six associations* qui interviennent dans ces lieux d'enfermement pour les étrangers en situation illégale.

    Dans leur rapport 2018, ces associations dénoncent une banalisation de l'enfermement de ces personnes, qui sont retenues de plus en plus longtemps, parfois jusqu'au délai légal de rétention et pour certains à plusieurs reprises, pointe encore le rapport. Ainsi, en 2018, 2000 personnes ont été enfermées plus de quarante jours dans des CRA métropolitains avant d'être relâchées, soit 20 à 30 % d'augmentation par rapport à 2016 et 2017.

    Moins d'expulsions

    Surtout, le taux d'éloignement est en baisse par rapport à 2016 : en 2017 et 2018, seules quatre personnes sur dix étaient éloignées. En clair, les CRA qui sont traditionnellement destinés à retenir les migrants pour organiser leur retour vers le pays de leur nationalité ou vers celui par lequel ils sont entrés en UE remplissent de moins en moins leur fonction originelle. Ils ne font plus qu'enfermer, sans expulser. C'est pire dans les centres d'outre mer, où le taux d'éloignement a reculé entre 2017 et 2018, de 59 à 45 %. En métropole, 40 % des personnes ont été éloignées, dont 17 % vers un pays de l'Union européenne.

    Les taux de libération ont en revanche progressé. En métropole, 56,2 % des personnes enfermées ont été libérées, et 49,8 % en outre-mer. Selon les associations, cela confirme « l'usage abusif de la rétention par les préfectures ».

    Cette politique d'intensification des enfermements engendre des conditions de vie dégradées dans ces centres, note encore le rapport. « En 2018, les tensions se sont accrues : affrontements et violences physiques, envers les personnes elles-mêmes ou envers d'autres acteurs intervenant dans les CRA ; augmentation du stress, de la pression et du sentiment d'injustice des personnes enfermées ; multiplication des gestes désespérés, tels que des tentatives de suicide ou des automutilations », énumèrent les associations.

    1429 mineurs enfermés

    En septembre 2018, un migrant s'est donné la mort dans le centre de Toulouse-Cornebarrieu (Haute-Garonne). Sa rétention venait d'être prolongée de 15 jours.

    Un constat qui inquiète, d'autant plus que depuis le 1er janvier 2019, la durée légale maximale de rétention est passée de 45 à 90 jours. « Aucun gouvernement français n'avait jusque-là proposé une telle durée de privation de liberté pour tenter d'éloigner des personnes étrangères », commentent les associations.

    Enfin, ce rapport dénonce l'enfermement fréquent des mineurs. En 2018, 1 429 enfants ont été enfermés en rétention : 114 familles, dont 208 enfants en métropole. 86,1 % d'entre eux étaient âgés de moins de 13 ans. « 59 % de ces familles étaient visées par une mesure d'éloignement vers un pays européen dans le cadre du règlement Dublin ou du code frontière Schengen », précise le rapport.

    Les associations appellent ainsi le gouvernement à « tirer les conséquences du constat, objectif, d'une pratique trop souvent irrespectueuse des droits fondamentaux des personnes portant atteinte à leur dignité et leur intégrité servir les buts affichés. » « Pour que cessent le recours prioritaire à l'enfermement dans la politique d'éloignement des personnes étrangères et la violation des droits qui s'attachent, en toutes circonstances, à la privation de liberté. »

    *Rapport réalisé par l'Assfam-groupe SOS Solidarités, Forum-Réfugiés-Cosi, France terre d'asile, La Cimade, Ordre de Malte France, Solidarité Mayotte.