Le Royaume-Uni en proie à de violents rassemblements organisés par des mouvements anti-immigration

Des scènes de violence se sont déroulées dans plusieurs villes d’outre-Manche ces derniers jours. Le gouvernement a mis les forces de l’ordre en état d’alerte et a déclaré qu’il ferait preuve de fermeté contre les auteurs d’échauffourées.

    Chaises, briques et divers projectiles lancés sur les forces de l’ordre volaient dans les airs ce samedi en début de soirée à Liverpool laissant augurer une nouvelle soirée de violences et d’émeutes après une semaine sous tension au Royaume-Uni qui a mis toutes les forces du pays en état d’alerte. Des échauffourées éclataient au même moment dans plusieurs villes et même à Belfast, en Irlande du Nord.

    Plus de trente appels à manifester avec des mots d’ordre anti-immigration et anti-musulmans avaient été lancés à travers le Royaume-Uni, la plupart avec ce slogan « Enough is enough » (Trop c’est trop), diffusé sur les réseaux sociaux, selon un recensement de l’association de lutte contre le racisme Hope Not Hate (L’espoir pas la haine).



    Ces émeutes et ces violences ne font pas l’unanimité. Plus tôt dans l’après-midi, des dizaines de volontaires s’étaient réunies à Sunderland dans le nord-est du pays, presque spontanément pour nettoyer les dégâts de vendredi soir. La police y a dénoncé de « graves niveaux de violences ». Quatre agents ont dû être hospitalisés, tandis que dix personnes ont été arrêtées. Un poste de police a aussi été incendié et la mosquée de la ville prise pour cible.

    Le meurtre des petites filles a servi d’étincelle

    Le visage plein de cambouis, balai à la main, Irène, âgée de 64 ans, contemplait sa ville. Des canettes de bière jonchaient encore le sol : « C’est notre ville et ils ne gagneront pas », affirme-t-elle. À Manchester, des « centaines de personnes » se sont rassemblées dans le centre-ville à l’appel de groupes antiracistes, en réponse à une manifestation dont l’appel est attribué à des « militants d’extrême droite », a indiqué le mouvement antiraciste Stand Up To Racism sur X.

    Ce sont apparemment les sympathisants du mouvement islamophobe et d’extrême droite English Defence League (EDL), qui, depuis l’attaque au couteau à Southport lundi dernier ayant coûté la vie à trois fillettes, sèment le trouble dans plusieurs villes, organisent des rassemblements et participent aux échauffourées. « Ce sont des personnes violentes qui veulent semer le chaos, nous explique Martin Brunt, journaliste de Sky News, ils veulent montrer qu’ils ne veulent pas d’immigrants. Ils sont très à droite, opposés à l’islam et en particulier à ce qu’ils considèrent comme l’islamisation de la Grande-Bretagne. » Martin Brunt est spécialiste criminel pour la chaîne de télévision et, depuis mardi dernier, il voit la situation empirer.

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    Le meurtre sauvage des petites filles a servi d’étincelle pour raviver les tensions dans le pays et ce tragique fait divers a été visiblement exploité dès le départ. Quelques heures seulement après l’attaque, alors que les enquêteurs commençaient à peine à travailler, un nom — faux — circulait sur X pour désigner l’agresseur : Ali-Al-Shakati. Des détails sur ce suspect fictif ont été relayés des milliers de fois. Il s’agissait selon ces posts d’un demandeur d’asile, arrivé au Royaume-Uni par bateau l’année dernière qui serait même sur une liste de surveillance du MI-6.

    Des fausses informations, démenties par la police, qui ont poussé le juge chargé de l’affaire à lever exceptionnellement l’anonymat du suspect, mineur, tentant ainsi d’apaiser les tensions. Le véritable mis en cause, Axel R. est un citoyen britannique de 17 ans, né au Pays de Galles, originaire du Rwanda. Le juge a décrit le garçon comme discret, ne sortant jamais de chez lui, et présentant des troubles autistiques.

    L’an dernier, près de 40 000 migrants sont arrivés illégalement au Royaume-Uni

    Mais il était déjà trop tard. « C’était juste le catalyseur, peu importe si le suspect a été mal nommé ou mal identifié, poursuit Martin Brunt. Cette affaire a juste été le déclencheur pour que les gens expriment leurs inquiétudes sur le niveau d’immigration en Grande-Bretagne. » L’an dernier, près de 40 000 migrants sont arrivés illégalement au Royaume-Uni, principalement sur des bateaux de fortune en traversant la Manche. Un nombre qui augmente presque chaque année et est devenu l’un des casse-tête des autorités et un levier de campagne.

    Le précédent gouvernement — conservateur — avait promis de venir à bout de cette immigration illégale en envoyant ces migrants vers le Rwanda. Un projet extrêmement controversé et très difficile à mettre en place, enterré par les Travaillistes dès leur arrivée au pouvoir le mois dernier. Une décision non sans conséquence : « Derrière ces violences, il y a aussi des préoccupations légitimes de nombreuses personnes qui estiment que l’immigration doit être mieux gérée », ajoute Martin Brunt.

    Un premier test pour Keir Starmer

    Mercredi dernier en soirée, plusieurs centaines de personnes, drapeaux anglais en main, se sont massées devant les grilles de Downing Street pour scander « Stop the Boats » (arrêtez les bateaux). Les gens qui manifestent ne sont pas les seuls activistes très minoritaires de EDL, d’autres scandent également le nom de Nigel Farage. À la tête du parti anti-immigration Reform UK, ce député a gagné pour la première fois aux récentes législatives un siège au Parlement et a recueilli 14 % des suffrages, l’un des scores les plus élevés pour un parti à l’extrême droite sur l’échiquier politique britannique.

    Ces violences sont un premier test pour Keir Starmer, le nouveau Premier ministre, qui a déclaré qu’il ferait preuve de fermeté. La ministre de l’Intérieur Yvette Cooper a promis que les émeutiers « paieront le prix de leur violence et de leur comportement de voyous ». La maire pour la région du nord-est Kim McGuinness a condamné des « groupes d’extrême droite ». Quant à l’ancienne ministre de l’Intérieur conservatrice Priti Patel, candidate pour prendre la tête du parti, elle a jugé les violences « totalement inacceptables ». Depuis jeudi soir, Downing Street est illuminé en rose en mémoire aux fillettes tuées.