Mort de Clément Méric : l’ex-skinhead, «désolé», décrit un «guet-apens»

Condamnés en première instance à sept et onze ans de prison, deux anciens skinheads comparaissent en appel depuis mardi 25 mai 2021 devant les assises de l’Essonne, dans l’affaire de la mort de Clément Méric, en 2013. Le principal accusé invoque la légitime défense.

Esteban Morillo, l'un des deux militants d'extrême droite impliqués dans la mort de Clément Méric, ici à Paris, avant l’audience d’ouverture de son procès le 4 septembre 2018. AFP / Eric Feferberg
Esteban Morillo, l'un des deux militants d'extrême droite impliqués dans la mort de Clément Méric, ici à Paris, avant l’audience d’ouverture de son procès le 4 septembre 2018. AFP / Eric Feferberg

    « Il aurait pu faire tellement de choses dans sa vie, c’est vraiment horrible », regrette Esteban Morillo, qui a fait recouvrir ses tatouages nazis, devant la cour d’assises de l’Essonne. Au sixième jour de son procès en appel, l’ex-skinhead accusé d’avoir porté à Clément Méric des coups mortels lors d’une rixe en 2013 a assuré être « désolé » mais a maintenu s’être défendu d’un « guet-apens ».

    Condamné en première instance en 2018 à onze ans d’emprisonnement pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, Esteban Morillo a fait appel. Dans ce nouveau procès, dont le verdict sera rendu le 4 juin, l’ancien skinhead, aujourd’hui marié, encourt vingt ans de réclusion.

    La carrure imposante sous son costume sombre, les cheveux attachés en queue de cheval, Esteban Morillo assure avoir « frappé par réflexe », s’estimant « attaqué » le jour du drame : le 5 juin 2013, à Paris, quand une bagarre a éclaté en pleine rue entre deux petits groupes de jeunes, skinheads et antifascistes, en marge d’une vente privée de la marque Fred Perry. Sept secondes qui furent fatales pour Clément Méric. Frappé au visage, le jeune de 18 ans s’est effondré sur le bitume.

    « C’est quelque chose qui me désole énormément », se défend Esteban Morillo devant le tribunal. « On est d’accord que Clément Méric ne vous a porté aucun coup ? », lui demande l’avocate de la famille, Cosima Ouhioun. « Il a essayé », répond l’ex-skinhead, 20 ans au moment des faits. « Je l’ai vu s’avancer et par réflexe je l’ai frappé. J’étais encerclé ».

    Le procès en appel dans l’affaire Clément Méric s’est ouvert mardi 25 mai dernier. AFP / Bureau
    Le procès en appel dans l’affaire Clément Méric s’est ouvert mardi 25 mai dernier. AFP / Bureau AFP or licensors

    Esteban Morillo reconnaît deux coups portés à Clément Méric. D’abord pour « se dégager » alors que le militant antifasciste était « au milieu ». Puis quand il voit Clément Méric « prêt à (le) frapper », derrière lui. Cette fois, la victime tombe.

    « Pourquoi le frappez-vous au visage ? C’est dangereux… Pourquoi vous ne mettez pas plutôt des coups de pied pour le repousser ? », l’interroge Me Ouhioun. « J’essayais de me débattre, je ne faisais pas attention à où je frappais », se défend l’accusé.

    Menace « toute relative »

    Depuis le début des audiences, la cour a cherché à déterminer les circonstances du drame, notamment ce qui avait déclenché l’affrontement. De nombreuses incertitudes persistent.

    L’usage d’un poing américain par exemple : des expertises médicales des blessures de Clément Méric mentionnent des plaies infligées avec « un objet », mais ne peuvent certifier qu’il s’agissait d’un poing américain. Pourtant, des témoins, sans lien avec les protagonistes de l’affaire, rapportent avoir vu Esteban Morillo en porter un.

    Ce jour-là, Esteban Morillo est appelé par un autre skinhead, Samuel Dufour, lui aussi jugé en appel pour la mort de Clément Méric. « Il semblait stressé. Il m’a dit qu’il y avait des problèmes » avec des militants antifascistes, à une vente de la marque Fred Perry, se souvient Esteban Morillo.

    Ce dernier s’y rend sans intention belliqueuse, assure-t-il. Sur place, ses camarades lui montrent depuis l’immeuble des militants antifascistes « qui les avaient menacés » et les « attendaient » dans la rue. Une « menace somme toute très relative », tacle l’avocat général, mentionnant la mince corpulence de Clément Méric.

    « Ils étaient plus nombreux », lui rétorque Esteban Morillo. « On avait peur. On les voyait le téléphone à l’oreille, on ne savait pas s’ils appelaient des gens, s’il y en avait d’autres dans les rues » alentour. « C’était un guet-apens », insiste-t-il.

    Jeudi dernier, un témoin a expliqué avoir conseillé aux skinheads de sortir par la droite pour éviter toute rencontre. Mais ces derniers sont partis à gauche. Aujourd’hui, Esteban Morillo explique ce choix par une méconnaissance de Paris, et non une volonté d’en découdre.

    Dehors, c’est d’ailleurs Clément Méric qui les insulte en premier, assure Esteban Morillo. « J’ai vu la menace. Je ne voulais pas qu’on se fasse courser ensuite. Alors j’y suis allé pour calmer les choses », martèle-t-il. « Manifestement, ça a été efficace », ironise le président.