Marseille : détention provisoire requise pour quatre policiers soupçonnés de « violences en réunion »

Soupçonnés d’avoir blessé gravement Hedi, un homme de 21 ans, par un tir de flash-ball puis de l’avoir passé à tabac, au début du mois pendant les émeutes, les quatre policiers, déférés ce jeudi, devaient être mis en examen.

La justice reproche aux quatre policiers d’avoir tiré au flash-ball et roué de coups un jeune homme dans la nuit du 1er au 2 juillet. LP/Olivier Lejeune
La justice reproche aux quatre policiers d’avoir tiré au flash-ball et roué de coups un jeune homme dans la nuit du 1er au 2 juillet. LP/Olivier Lejeune

    Quatre policiers de la BAC de Marseille (Bouches-du-Rhône) ont été déférés ce jeudi 20 juillet en vue d’une mise en examen pour « violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours ». Ils étaient en garde à vue depuis mardi. Le parquet, qui avait confié l’enquête à la PJ et à l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), a requis le placement en détention provisoire de ces quatre fonctionnaires pour empêcher toute concertation. Une première dans un dossier de violences policières dans la cité phocéenne.

    Quatre autres fonctionnaires, dont une commandante, ont été remis en liberté sans poursuites à ce stade.

    La justice reproche aux suspects d’avoir tiré au flash-ball à courte distance sur un jeune homme, Hedi, un employé de restauration de 21 ans. L’impact s’est logé dans la tempe. On leur reproche aussi de l’avoir roué de coups avant de le « laisser pour mort » dans la rue. La scène s’est produite lors des émeutes dans le centre-ville de la cité phocéenne, dans la nuit du 1er au 2 juillet, après la mort du jeune Nahel à Nanterre.

    Une reconnaissance a minima de leur participation

    Selon nos informations, les policiers ne seraient pas montrés très coopératifs en garde à vue. La justice s’appuie notamment sur une vidéo qui montre le tabassage de la victime présumée par des policiers. Une vidéo dont les policiers ont dénoncé, dans un premier temps de leur garde à vue, la mauvaise qualité pour contester leur implication présumée dans ces violences. Dans un second temps, ils ont reconnu a minima leur participation.

    Dans le coma pendant plusieurs jours, victime d’un grave traumatisme crânien parmi d’autres blessures, et toujours hospitalisée à ce jour, la victime a mis en cause un équipage de la BAC centre qu’il aurait reconnu sur photos présentées par les enquêteurs.

    Le jeune homme, qui doit subir de nouvelles opérations, a expliqué qu’il se trouvait en ville ce soir-là avec un de ses amis qu’il avait retrouvé après son travail et qu’il devait plus tard rejoindre sa petite amie quand il a croisé l’équipage de police qui l’a agressé.

    Une cagnotte ouverte

    Devant le tribunal de Marseille jeudi, une dizaine de policiers, en tenue ou en civil, ainsi que des proches des fonctionnaires interpellés attendaient depuis le matin la décision du juge des libertés et de la détention. Mardi soir, alors que les fonctionnaires gardés à vue quittaient les locaux de l’IGPN (la police des polices) situés dans les locaux de la préfecture, pour être transportés dans des commissariats de la ville en vue d’être interrogés, ils avaient été applaudis par ceux venus les soutenir. Un soutien qui pourrait se transformer en grève du zèle.

    « On a déjà plusieurs centaines d’arrêts maladie déposés par des collègues marseillais », menaçait un policier en attendant la décision de la justice. « C’est chaud pour les mandats de dépôt. S’ils vont en prison, il y aura encore beaucoup plus d’arrêts maladie et ça fera de gros dégâts. » D’ores et déjà, une cagnotte a été ouverte sur le site GoFundMe afin de réunir des fonds pour les soutenir.

    Pour plaider contre la demande d’incarcération du parquet, la défense des policiers a mis en avant « la pression médiatique et politique sur ce dossier avec le cabinet du ministère de l’Intérieur qui suit de très près les auditions », en insistant sur le fait que « ces fonctionnaires au casier vierge disposaient de toutes les garanties de représentation ».

    « On est déjà tombé sur des cow-boys mais ça, jamais »

    Au contraire, l’avocat d’Hedi, Me Jacques Preziosi relevait le caractère « odieux » des faits reprochés et « le besoin de justice de la famille ». « Ce sont des actes indignes de policiers français qui agissent au nom de la République », estime l’avocat spécialiste des dommages corporels.

    « Il est grand temps que la hiérarchie fasse le ménage, ils ne se rendent pas compte de l’impact de ces images. Mon client et sa famille, qui ont toute confiance en la justice, sont bouleversés, insiste-t-il. Des policiers applaudissent d’autres policiers qui vont être poursuivis et peut-être condamnés, sans même connaître le dossier. Ils ne respectent pas la justice et le message qu’ils font passer est qu’ils sont complices ou irresponsables. »

    Hedi, qui était venu à Marseille pour retrouver un ami et boire un verre avec lui, a raconté avoir été victime d’un tir de LBD en pleine tête sur le cours Lieutaud avant de recevoir de multiples coups. « Ils m’ont tiré par les habits et m’ont traîné dans une ruelle, ils m’ont mis sur le dos, l’un d’eux a mis ses genoux sur mes jambes pour les bloquer. J’essayais de me protéger, mais je sentais le sang couler de ma tête, je pensais que j’avais toujours la balle dessus », avait-il témoigné dans La Provence. « Et puis un des hommes a dit de me laisser tranquille et ils sont partis. »

    « C’était la police, maintenant vous voulez avoir confiance en qui ? », s’interrogeait le jeune homme sur son lit d’hôpital. « On est déjà tombé sur des cow-boys mais ça, jamais. Quand ils m’ont tiré dessus, ils étaient à trois, quatre mètres, on n’a même pas eu le temps de parler. »

    Une autre information judiciaire sur la mort de Mohamed, livreur Uber de 27 ans

    Le parquet de Marseille a également ouvert le 4 juillet dernier une autre information judiciaire pour des violences policières, cette fois mortelles, là aussi confiée à l’IGPN et à la PJ. Mohamed, un livreur Uber de 27 ans, était décédé la même nuit sur le cours Lieutaud d’une crise cardiaque après avoir reçu un tir de LBD en pleine poitrine. Selon nos informations ces deux dossiers n’ont aucun lien entre eux.

    Par ailleurs, le 7 juin dernier, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a annulé le non-lieu et relancé l’enquête sur les violences policières dont avait été victime « Maria », une vendeuse rouée de coups le 8 décembre 2018 lors d’une manifestation des Gilets jaunes à laquelle elle ne participait pas. La jeune femme de 19 ans à l’époque avait été touchée à une cuisse par un tir de LBD avant d’être violemment frappée à la tête.