Gestion de l’épidémie en Italie : la justice va entendre le Premier ministre

Le parquet de Bergame va entendre Giuseppe Conte et deux de ses ministres, auxquels il est reproché d’avoir tardé à instaurer des « zones rouges » dans les localités les plus durement touchées par le virus.

 Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte devant le Sénat, à Rome, le 26 mars dernier.
Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte devant le Sénat, à Rome, le 26 mars dernier. REUTERS/Alberto Lingria

    Le parquet de Bergame va entendre le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, dans le cadre d'une enquête sur la gestion de l'épidémie de Covid-19. Les magistrats souhaitent aussi écouter les témoignages des ministres de la Santé et de l'Intérieur, Roberto Speranza et Luciana Lamorgese.

    Selon les sites Internet du Corriere della Sera et d'Il Sole-24 Ore, les interrogatoires pourraient commencer dès mercredi dans la capitale italienne. Bergame a été la ville martyre de la région de Lombardie et l'épicentre de l'épidémie qui a frappé le pays de début février à mai.

    Le parquet local mène plusieurs enquêtes distinctes liées à cette tragédie. Les magistrats souhaitent entendre Giuseppe Conte et ses deux ministres dans celle qui concerne les retards de mise en place d'une « zone rouge » comprenant deux communes du département, Nembro et Alzano Lombardo, particulièrement touchées par le Covid-19.

    Système sanitaire saturé, hausse de la mortalité

    Ce retard a eu un impact dramatique avec la saturation du système sanitaire, la hausse de la mortalité et la progression du nouveau coronavirus dans cette région. Toute la question porte sur qui aurait dû, entre le 3 et le 9 mars, mettre en place une « zone rouge », le gouvernement central et la Lombardie s'en rejetant la responsabilité.

    Fin mai, le président de la Lombardie, Attilio Fontana, et son responsable régional de la Santé, Giulio Gallera, avaient affirmé devant le parquet de Bergame que la décision revenait au gouvernement à Rome. Le ministre des Affaires régionales, Francesco Boccia, avait rétorqué que « même la région aurait pu l'instaurer, il existe une loi le permettant ».

    Une unité de soins intensifs dédiée aux malades du Covid-19 à l’hôpital Jean XXIII de Bergame le 12 mai/REUTERS
    Une unité de soins intensifs dédiée aux malades du Covid-19 à l’hôpital Jean XXIII de Bergame le 12 mai/REUTERS REUTERS/Alberto Lingria

    Les premières « zones rouges » ont été établies fin février sur décision du gouvernement à Rome. Elles ont concerné une dizaine de municipalités lombardes, notamment Codogno, la ville du « patient numéro un ». Début mars, l'épidémie a continué de se propager, avec deux foyers plus importants à Nembro et d'Alzano.

    Une perte de temps précieux

    Le Comité technique et scientifique, qui conseille le gouvernement, a alors proposé d'y imposer une « zone rouge », jugeant que la situation « s'aggravait dans toute la Lombardie ». Le lendemain, l'Institut supérieur de la santé préconisait la même mesure dans ces deux communes.

    Selon le Corriere, Giuseppe Conte a une nouvelle fois rencontré les experts du CTS et de l'ISS le 6 mars. Il a finalement choisi de proclamer le pays entier en « zone rouge », par un décret signé le 7 mars, entré en vigueur le surlendemain, perdant ainsi un temps précieux pour contenir la pandémie.

    « Après tant de mensonges et d'attaques honteuses, justice est faite : ceux qui ont commis des erreurs doivent payer », s'est félicité mercredi Matteo Salvini, le chef de la Ligue (extrême droite), à laquelle appartient le président de la Lombardie, lui-même sévèrement critiqué pour sa gestion de la crise.

    Cette enquête est distincte du recours collectif introduit mercredi matin, également à Bergame, avec le dépôt auprès du parquet local d'une cinquantaine de plaintes par des proches de victimes.

    Ces plaintes exposent les drames vécus par chacune de ces familles (absence d'informations, soins ou prises en charge déficients, etc.). Le bureau du procureur les examinera et décidera d'éventuelles poursuites et, le cas échéant, de la qualification des faits.

    La pandémie de coronavirus a fait plus de 34 000 morts en Italie, quatrième pays le plus touché au monde derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Brésil.

    Des membres du comité « Noi Denunceremo » (« Nous dénoncerons ») sont venus déposer leurs plaintes auprès du parquet de Bergame/AFP
    Des membres du comité « Noi Denunceremo » (« Nous dénoncerons ») sont venus déposer leurs plaintes auprès du parquet de Bergame/AFP REUTERS/Alberto Lingria