Israël : un gouvernement d’union nationale, mais jusqu’à quand ?

    Si Benny Gantz et son rival Benyamin Netanyahou ont réussi à former un gouvernement d’urgence face à la crise du coronavirus, les motifs de rupture entre les deux hommes sont nombreux.

     Après de longues semaines de négociations, Benyamin Netanyahou (à droite) et son rival Benny Gantz (à gauche) ont conclu un accord pour former un gouverner d’union nationale en Israël.
    Après de longues semaines de négociations, Benyamin Netanyahou (à droite) et son rival Benny Gantz (à gauche) ont conclu un accord pour former un gouverner d’union nationale en Israël. Reuters/Amir Cohen/Areil Schalit

      In extremis, les Israéliens ont échappé à une quatrième consultation électorale en l'espace de dix-huit mois. Après des semaines de laborieuses négociations, Benyamin Netanyahou et son rival Benny Gantz ont conclu un accord pour la formation d'un gouvernement d'union nationale, mettant fin à la plus longue crise politique qu'ait connue le pays.

      Selon le document publié ce mardi matin, l'actuel Premier ministre reste en poste mais il devra céder la place à Gantz d'ici un an et demi. Leurs partisans se sont partagé les principaux ministères et les deux partis religieux orthodoxes participeront également à la coalition. «Nous avons évité un quatrième scrutin. Nous préserverons la démocratie», s'est félicité Benny Gantz dans un tweet.

      Un satisfecit lapidaire après une volte-face pour le moins audacieuse. L'ancien chef d'Etat-major de Tsahal avait axé ses trois campagnes électorales successives sur le rejet radical de Benyamin Netanyahou, jugé extrémiste et corrompu. A plusieurs reprises, il avait formellement exclu de gouverner avec lui. Incapable de former une coalition malgré le soutien de la gauche et des partis arabes, Gantz a invoqué la crise du coronavirus et la nécessité d'un gouvernement «d'urgence nationale» pour justifier son revirement.

      Durant les six prochains mois, le nouveau gouvernement se consacrera essentiellement aux conséquences d'une épidémie d'ores et déjà dévastatrice pour l'économie du pays. «Face à la détresse sociale de plus d'un million de sans-emploi israéliens, ils se devaient de ravaler leur ego avant d'aller l'un au-devant de l'autre pour tenter de faire, envers et contre tout, un petit bout de chemin ensemble, conformément aux aspirations de millions d'Israéliens confinés», estime le journaliste franco-israélien Daniel Haïk.

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      Sommés de s'entendre par le président de l'Etat, Reouven Rivline, les deux hommes divergeaient sur un dossier majeur : l'annexion d'une partie substantielle de la Cisjordanie par Israël, le grand projet de Benyamin Netanyahou. Benny Gantz a finalement consenti à ne pas s'opposer à une future loi d'annexion, programmée pour cet été., a prévenu : «Ne pensez pas que nous avons oublié l'annexion à cause du coronavirus. Nous avons l'intention de continuer à nous battre contre l'occupation.»

      Le maintien de Benyamin Netanyahou à la tête du gouvernement israélien scandalise toute une partie la gauche israélienne qui rêvait de le voir quitter la scène politique sous les coups de boutoir des juges. Impliqué dans trois procédures judiciaires pour corruption, abus de confiance et fraude, le Premier ministre israélien crie depuis des mois au complot médiatico-judicaire.

      Son accord avec Benny Gantz lui permet d'échapper à une tentative de destitution entamée par la Knesset mais ne met pas fin aux poursuites. Du reste, les motifs de rupture ne manqueront pas pour cet attelage improbable formé de «deux entités qui ne se font pas confiance et qui continueront de se détester comme avant», comme le notait ce mardi matin un éditorialiste du quotidien Haaretz. L'ère de l'après-coronavirus s'annonce mouvementée en Israël.