Pourquoi est-il si difficile d’acheminer l’aide humanitaire dans la bande de Gaza ?

Alors que l’opération militaire israélienne est toujours en cours dans le territoire palestinien, des milliers de civils gazaouis meurent de faim et attendent l’aide humanitaire, péniblement acheminée par camions.

Un membre de la sécurité israélienne inspecte un camion d'aide humanitaire arrivé depuis l'Egypte par le point de passage de Kerem Shalom dans le sud de la bande de Gaza. AFP/JACK GUEZ
Un membre de la sécurité israélienne inspecte un camion d'aide humanitaire arrivé depuis l'Egypte par le point de passage de Kerem Shalom dans le sud de la bande de Gaza. AFP/JACK GUEZ

    Construction par les Américains d’un port temporaire à Gaza, annonce de l’ouverture d’un corridor maritime entre Chypre et l’enclave… La question de l’accès de l’aide humanitaire est lancinante depuis le début de la guerre dans le territoire palestinien, en proie à une crise humanitaire majeure et menacé par la famine.

    Par où l’aide entre-t-elle à Gaza ?

    Depuis le début de la guerre le 7 octobre, la grande majorité de l’aide parvenue dans le territoire palestinien a été acheminée par des camions et par deux points de passage. Celui de Rafah, tout au sud de la bande de Gaza, permet le passage des camions venus d’Égypte. Il a été le premier à rouvrir le 21 octobre après des bombardements israéliens dans cette zone. Celui de Kerem Shalom, également situé dans le sud de la bande de Gaza, a ouvert le 17 décembre et permet l’entrée des camions depuis Israël.

    VIDEO. Gaza : cinq personnes tuées par un largage d’aide humanitaire

    Selon les derniers chiffres arrêtés au 6 mars, 14 477 camions ont pu pénétrer dans le territoire palestinien par ces deux passages depuis le 21 octobre, selon l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA. Selon Israël, 16 093 camions sont entrés. Soit une moyenne de 105 par jour, très éloignée des 500 camions qui entraient en moyenne quotidiennement dans Gaza avant la guerre déclenchée le 7 octobre par l’attaque du Hamas.

    Qu’est-ce qui peut entrer dans Gaza ?

    Sur les 297 000 tonnes d’aide entrées jusqu’ici, 200 000 sont de la nourriture : farine, lait, pain, lentilles, riz. Quelque 176 camions-citernes de carburant sont également entrés, et 18 000 tonnes de matériel médical notamment.

    Mais selon Alexandre Fort, coordinateur logistique pour Médecins Sans Frontières (MSF) dans les territoires palestiniens, « tout ce qui peut servir à la production d’énergie, les panneaux solaires et les générateurs par exemple, c’est pratiquement tout le temps refoulé », la plupart du temps sans explication.



    Pareil pour le matériel électronique, les bouteilles d’oxygène, les réfrigérateurs pour médicaments ou les respirateurs artificiels, selon une source humanitaire, alors que le système de santé de Gaza est exsangue.

    Avant la guerre, Israël restreignait déjà depuis la prise du pouvoir en 2007 du Hamas à Gaza, l’entrée de matériel dit à « double usage », c’est-à-dire pouvant, à ses yeux, servir à des fins militaires.

    Pourquoi les embouteillages de camions ?

    Les contrôles drastiques des camions par Israël constituent la principale raison de la lenteur de l’acheminement, selon les organisations humanitaires. L’organisme du ministère israélien de la Défense chargé des affaires civiles palestiniennes (Cogat) explique que le volume pouvant entrer est notamment « déterminé par la capacité des organisations humanitaires dans la bande de Gaza à absorber cette aide ».

    Selon Alexandre Fort, « des centaines » de camions attendent en permanence d’être inspectés du côté égyptien de la frontière. Les ONG doivent fournir une liste précise du chargement qu’elles souhaitent faire entrer et si un produit ne répond pas aux critères, tout le chargement est rejeté, explique-t-il.



    Quand les camions arrivent à passer, leur chargement est transféré dans d’autres camions palestiniens pour être ensuite distribué dans la bande de Gaza. Mais l’accès au nord du territoire, dévasté par l’offensive israélienne, n’est pas garanti. Un autre check-point tenu par les troupes israéliennes à Wadi Gaza (nord), n’est ouvert que par intermittence.

    Mardi, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé qu’un de ses convois à destination du nord avait été bloqué à Wadi Gaza et avait dû faire demi-tour avant d’être pillé par « une foule désespérée ».

    Quelles sont les alternatives ?

    En désespoir de cause, les États-Unis, la Jordanie, la France ou l’Égypte ont recours à des largages aériens. Vendredi, l’un de ces largages a entraîné la mort de cinq personnes à l’ouest de la ville de Gaza, selon une source hospitalière.

    Pour le Programme alimentaire mondial (PAM), le volume d’aide livré par voie aérienne est insignifiant par rapport à l’ampleur de la crise. « Nous parlons de centaines de milliers de personnes. Et à cet égard, les largages aériens ne sont pas une option pour éviter la famine », a souligné le directeur exécutif adjoint du PAM, Carl Skau, dans un entretien avec l’AFPTV.



    Un corridor maritime entre Chypre et Gaza pourrait être par ailleurs ouvert dès dimanche, a indiqué vendredi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Et le président américain Joe Biden a affirmé avoir ordonné à l’armée américaine d’établir un port à Gaza permettant « une augmentation massive » de la quantité d’aide livrée mais ce projet prendra plusieurs semaines.

    Pour les responsables humanitaires, faciliter le passage des camions reste cependant le moyen le plus efficace. « Il y a une solution très simple, (…) c’est l’ouverture des passages terrestres vers Gaza, particulièrement depuis le nord », a insisté le commissaire de l’UE chargé des crises humanitaires, Janez Lenarcic, mercredi à Jérusalem.