Chapitre 3 : Kiev reprend la main
Portée par l’aide occidentale, l’Ukraine lance une contre-offensive sur le terrain militaire.
Le 24 février 2022, les chars de l’armée russe envahissent l’Ukraine. Après une attaque éclair et des semaines marquées par la résistance ukrainienne, voici venu le temps de la contre-offensive pour Kiev, symbolisée par la reprise de 3 000 km² de territoire. En difficulté, la Russie annexe des régions qu’elle ne contrôle pas vraiment et lance une grande mobilisation.
Découvrez l’épisode 3 de notre grand récit interactif sur cette année de guerre.
Le 8 septembre 2022
La reconquête ukrainienne
Zelensky annonce des « avancées » dans les régions de Kharkiv (Nord-Est), dans le Sud et dans le Donbass (Est), perçant les défenses russes de plusieurs dizaines de kilomètres.
Crédit : Le Parisien / Infographie
Crédit : Le Parisien / Infographie
Cette première offensive ukrainienne depuis le 24 février a permis de reconquérir des territoires au Sud, vers Kherson, et des villes très stratégiques à l’Est, comme Izioum.
Les Ukrainiens annoncent une contre-offensive dans le Sud, poussant les Russes à se masser à Kherson. Pendant ce temps, les soldats ukrainiens basés vers Kharkiv reçoivent les meilleures armes occidentales. Ils lancent simultanément une contre-attaque éclair dans cette région du Nord-Est.
Au total, l’armée ukrainienne reprend plus de 3 000 km² aux forces russes.
L’Ukraine préparait cette contre-offensive depuis des mois. Elle n’aurait pas été possible sans la collaboration des civils, la stratégie militaire ukrainienne, mais aussi les renseignements des Américains.
La stratégie d’une double offensive s’est avérée payante. Les Russes ont été victimes d’une mesure de déception (d’intoxication) très perfectionnée : ils ont cru à une seule et unique contre-attaque dans le Sud. L’Ukraine l’a fait, mais sans perdre sa capacité de frapper ailleurs simultanément.
Le 15 septembre 2022
L’horreur d’Izioum
Dans les sous-bois qui entourent cette localité de l’Est récemment libérée par Kiev, les soldats ukrainiens remarquent des centaines de tombes improvisées.
Zelensky se rend sur place et accuse une nouvelle fois les Russes d’avoir commis un massacre de civils puis d’avoir enterré les corps dans une fosse commune.
Crédit : Le Parisien / Infographie
Reprise aux Russes mi-septembre, cette ville comptait 45 à 50 000 habitants avant la guerre.
Le 15 septembre, environ 200 croix en bois plantées les unes à côté des autres attirent l’attention des soldats ukrainiens dans la périphérie de la ville.
Dans les jours qui suivent, 436 cadavres sont exhumés, dont 30 présentent des signes de torture : mains liées, os brisés, cordes autour du cou.
La Russie nie évidemment être à l’origine du charnier et le porte-parole du Kremlin accuse l’Ukraine d’avoir mis en scène le massacre, suivant «le même scénario qu’à Boutcha».
Le 21 septembre 2022
Pour stopper l’hémorragie, la mobilisation de 300 000 réservistes russes
Le rapport de force a radicalement changé depuis début septembre et pour tenter d’inverser la tendance, Vladimir Poutine ordonne la mobilisation de 300 000 réservistes de l’armée.
Certains médias d’investigation affirment que le pouvoir pourrait en réalité recruter près d’un million de Russes, même ceux qui n’ont jamais tenu une arme.
Dès la fin du discours, des hommes en âge de se battre se ruent vers les frontières ou sur les billets d’avion, espérant échapper à la conscription. Le nombre de recherches Google « quitter la Russie » ou « comment se casser le bras ? » explosent.
Le soir même, des manifestations éclatent dans une trentaine de villes du pays. Plus de 1 300 personnes sont arrêtées.
Pour la première fois depuis le début de l’offensive, la grogne se fait sentir au sein du peuple russe. Certains craignent que les minorités ethniques du Daghestan ou de Bouriatie ne servent de chair à canon, car la mobilisation semble surtout piocher dans ces régions. Les appelés se rebellent contre leurs instructeurs, estimant que leur équipement est vétuste…
Le 30 septembre 2022
Moscou annexe les territoires ukrainiens occupés
Sentant le vent tourner, les séparatistes prorusses des régions de Louhansk et Donetsk dans l’est de l’Ukraine décident d’organiser des référendums du 23 au 27 septembre pour entériner leur rattachement à la Russie.
Ils sont immédiatement suivis par les autorités des territoires occupés du sud de Zaporijjia et Kherson.
Crédit : Le Parisien / Infographie
Or Moscou ne contrôle pas la totalité de ces quatre régions.
Un Ukrainien dépose son bulletin dans l’urne lors du référendum à Marioupol, dans la région de Zaporijjia. « Nous rentrons chez nous », indique la pancarte.
Le 30 septembre, Vladimir Poutine annonce officiellement que les quatre zones partiellement occupées font désormais partie du territoire russe.
La communauté internationale condamne fermement ces « simulacres » de référendums, considérés comme truqués, et ne reconnaît pas l’annexion des quatre régions. Dans un discours devant les Nations Unies, Emmanuel Macron dénonce « un retour à l’âge de l’impérialisme et des colonies ».
Le 1er octobre 2022
Le drapeau ukrainien flotte de nouveau à Lyman
À peine 24 heures après avoir annexé la région de Donetsk, Moscou subit un nouveau revers militaire dans cette région de l’Est. La ville stratégique de Lyman, occupée depuis fin mai par les Russes, se retrouve encerclée par les bataillons de Zelensky.
Crédit : Le Parisien / Infographie
Ville de 20 000 habitants avant la guerre, Lyman est un nœud ferroviaire important pour les forces russes, essentiel pour l’approvisionnement en hommes et en munitions.
La manœuvre d’encerclement ukrainienne force les Russes à se retirer de la ville et, le 2 octobre, Lyman est prise.
Les libérateurs posent dans le centre-ville. L’armée russe admet avoir retiré ses troupes « vers des positions plus favorables ».
À l’annonce du retrait russe, un Zelensky galvanisé promet que « de nouveaux drapeaux ukrainiens flotteront bientôt dans le Donbass ». Poutine, qui avait juré de défendre coûte que coûte les territoires annexés, quitte à utiliser l’arme nucléaire, ne bronche pas. La victoire est totale.
Le 8 mars 2022
L’explosion du pont de Crimée
Dans la nuit du 7 au 8 octobre, une gigantesque explosion fait vaciller le pont de Kertch, édifice reliant la péninsule de Crimée - annexée en 2014 - à la Russie. Ce point de passage stratégique se retrouve en flammes le lendemain de l’anniversaire de Poutine, qui accuse les Ukrainiens d’avoir saboté le pont.
Crédit : Le Parisien / Infographie
Crédit : Handout / Satellite image ©2019 Maxar Technologies / AFP
Crédit : AFP
Inauguré en 2018, ce pont est le symbole de l’expansionnisme russe et de la mainmise de Poutine sur ce territoire.
L’édifice est situé sur l’un des deux seuls itinéraires menant à Kherson, ville prise par les Russes en mars et menacée par la contre-offensive ukrainienne.
Depuis le début de l’offensive, la Russie se sert de ce pont, à la fois routier et ferroviaire, pour acheminer hommes et munitions dans la région de Kherson.
Vers 6 heures du matin le samedi 8 octobre, une violente explosion pulvérise la partie routière du pont.
Selon les Russes, un camion a explosé sur les deux voies extérieures, dans le sens Russie-Crimée.
Les dégâts sont terribles : un morceau de la route s’effondre.
Pire : un train transportant du carburant passait au même moment sur la partie ferroviaire. Une voie sur deux est détruite par les flammes.
Début décembre, Poutine s’affiche fièrement sur la partie routière du pont, réparée. La restauration de la deuxième voie ferrée est prévue pour juillet 2023.
Même si le pont n’est que partiellement détruit, le ravitaillement russe se retrouve considérablement ralenti au pire moment pour le Kremlin : Kiev engage une manœuvre pour reprendre la ville de Kherson.
Le 11 novembre 2022
Kherson libérée, les atrocités révélées
Le pont détruit, Kherson, seule capitale régionale conquise par Moscou au début de la guerre, est désormais une cible à la portée des forces ukrainiennes.
Crédit : Le Parisien / Infographie
Avec près de 300 000 habitants avant guerre, Kerson est tout simplement la plus grande ville conquise par les Russes depuis le début du conflit.
Les hommes de Poutine se sont repliés sur la rive droite du fleuve Dniepr. Rive gauche, seule la ville résiste.
Et le 11 novembre, c’est la libération : les Russes abandonnent Kherson qui est reprise sans combats. Des scènes de liesse éclatent partout.
Trois jours plus tard, Zelensky est sur place, rendant hommage aux soldats qui ont payé de leur vie la libération de Kherson. Il affirme également que des crimes de guerre y ont été commis.
Plusieurs jours après la libération de la ville, le parquet général ukrainien affirme avoir découvert au moins quatre centres de détention où des centaines de civils auraient été torturés.
L’humiliation est totale pour le Kremlin qui perd sa plus grosse prise de guerre depuis le début de son « opération militaire spéciale » et surtout la capitale de la région de Kherson, tout juste annexée par Moscou.
La prise de la ville marque la fin de la percée ukrainienne dans le Sud. Les deux camps sont désormais séparés par la barrière naturelle que constitue le fleuve Dniepr. À l’Est, le front se fige aussi.