Taïwan : cinq minutes pour comprendre les « inquiétantes » opérations militaires chinoises

La Chine a lancé des manœuvres militaires à Taïwan, deux jours après le discours d’investiture du nouveau président Lai Ching-te, que Pékin perçoit comme une « déclaration d’indépendance ».

Huang Wen-chi, chef adjoint du renseignement du ministère de la Défense de Taïwan, s'exprime lors d'une conférence de presse, après que l'Armée populaire de libération (APL) de la Chine a mené des exercices militaires dans les régions autour de Taïwan, le 23 mai 2024. REUTERS/Annabelle Chih
Huang Wen-chi, chef adjoint du renseignement du ministère de la Défense de Taïwan, s'exprime lors d'une conférence de presse, après que l'Armée populaire de libération (APL) de la Chine a mené des exercices militaires dans les régions autour de Taïwan, le 23 mai 2024. REUTERS/Annabelle Chih

    Le détroit de Taïwan de nouveau secoué. Ce jeudi matin, la République populaire de Chine a entamé de nouvelles opérations militaires dans la zone, dans le but d’infliger, selon ses termes, une « punition sévère » au gouvernement taïwanais. En réponse, Taïwan a « condamné fermement ces exercices » et la présidence de l’île a affirmé qu’elle « défendra les valeurs de liberté et de démocratie ».

    Après quelques mois d’accalmie, c’est le discours d’investiture du nouveau président de Taïwan Lai Ching-te, ce lundi, qui a remis le feu aux poudres dans la région. Le régime de Pékin a interprété cette prise de parole comme une déclaration d’indépendance.

    « Toutes les forces séparatistes en faveur de l’indépendance de Taïwan finiront dans le sang », est allé jusqu’à déclarer Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise. Bien que Taïwan dispose d’un gouvernement, d’un drapeau, ou encore d’un pouvoir judiciaire propre, la Chine considère qu’il s’agit d’une province sécessionniste et souhaite « réunifier » le territoire national.

    « Une légère évolution » du discours Taïwanais

    « Il y a une légère évolution dans le discours officiel taïwanais », reconnaît Marc Julienne, directeur du Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI). « En parlant de Taïwan d’un côté et de la Chine de l’autre, Lai Ching-te a eu un discours plus tranché que sa prédécesseure. Tsai Ing-wen (l’ex-présidente) avait une position plus subtile qui consistait à rester floue sur le statut des deux entités politiques de part et d’autre du détroit », développe le chercheur.

    « Mais il ne s’agit en aucun cas d’une provocation ou d’un virage du président taïwanais vers une déclaration d’indépendance », prévient-il.



    En réalité, la réaction chinoise tient davantage à la symbolique qu’à la teneur des propos du président taïwanais. « C’est traditionnel, de la part de la Chine, de déconsidérer la légitimité d’un président à Taïwan », fait savoir Jean François di Meglio, président du think tank Asia Centre. « Ces exercices militaires arrivent régulièrement à l’approche d’élections ou à postériori », appuie de son côté Marc Julienne.

    Des manœuvres d’une « grande ampleur »

    Dans le cadre de ces manœuvres, débutées à 7h45 heure locale, des avions et des navires militaires ont été déployés « dans le détroit de Taïwan, au nord, au sud et à l’est de l’île de Taïwan ainsi que dans les zones situées autour des îles de Kinmen, Matsu, Wuqiu et Dongyin », indique un communiqué de l’armée chinoise.

    « Kinmen et Matsu, qui se situent sur le littoral de la Chine continentale, étaient restés à l’écart de ce type d’exercice militaire par Pékin ces dernières années », souligne le chercheur de l’IFRI.

    VidéoTensions à Taïwan : l'île encerclée par des exercices militaires chinois

    Selon Marc Julienne, il s’agit là d’une opération d’une « grande ampleur », relativement « inquiétante ». « La dernière fois qu’il y a eu des exercices aussi importants, c’était en août 2022, après la visite de Nancy Pelosi », compare-t-il. Furieux de la venue de la présidente démocrate de la Chambre des représentants des États-Unis, le régime avait enclenché trois jours d’exercices militaires.

    Vers un conflit armé entre la Chine et Taïwan ?

    Reste à savoir si ces pressions chinoises doivent faire craindre une invasion de Taïwan. « Le risque est faible, mais les conséquences seraient incommensurables », résume Marc Julienne.

    Sur le plan économique, un tel conflit armé aurait un impact majeur pour les deux parties concernées, notamment la Chine qui fonctionne en grande partie sur l’exportation. Mais aussi pour « le Japon, la Corée et l’ensemble des puissances qui ont besoin d’emprunter le détroit de Taïwan », affirme Jean-François di Meglio.

    Au-delà du pacifique, Taïwan est le premier producteur au monde de puce de haute performance de type semi-conducteur. Une mise à l’arrêt de son économie « poserait problème dans de nombreuses industries à l’international, de l’automobile à l’intelligence artificielle », met-il en garde.



    Le risque est aussi celui d’un embrasement international avec « une intervention des États-Unis, allié historique de Taïwan ou encore, de la Corée, du Japon ou de l’Australie » qui ont des intérêts géostratégiques dans la région, s’inquiète Marc Julienne.

    Pour l’heure, le gouvernement chinois a annoncé la fin des opérations militaires ce vendredi.