« Je suis une femme forte » : la boxeuse algérienne Imane Khelif décroche l’or en réponse à la polémique

La boxeuse algérienne Imane Khelif, au cœur d’une controverse depuis le 1er août ciblant son identité de genre jusqu’à être accusée d’être un homme sur les réseaux sociaux, a remporté la médaille d’or en catégorie des moins de 66 kg. Une réponse sur le ring.

L'Algérienne Imane Khelif célèbre son titre olympique acquis vendredi soir à Roland-Garros. Reuters/Peter Cziborra
L'Algérienne Imane Khelif célèbre son titre olympique acquis vendredi soir à Roland-Garros. Reuters/Peter Cziborra

    En début de semaine, après sa qualification en demi-finale, Imane Khelif, 25 ans, émettait un vœu devant les caméras : « Si Dieu le veut, tout ça va me mener à une médaille d’or et cela constituerait la meilleure réponse. » Au cœur, malgré elle, d’une polémique planétaire depuis le début du tournoi olympique visant son identité de genre et mettant en doute sa féminité, jusqu’à être accusée par les réseaux sociaux d’être un homme, la boxeuse algérienne a obtenu la riposte dont elle rêvait : monter sur la plus haute marche du podium ce vendredi à 23h45 au stade Roland-Garros.

    Quelques minutes plus tôt, la fille des hauts plateaux au physique androgyne a vaincu dans la finale des poids welters (moins de 66 kg) la Chinoise Liu Yang, 32 ans, à l’unanimité des cinq juges (cinq fois 30-27). Un destin « or » normes, donc, pour celle qui, ado, devait vendre de la ferraille de récupération et du couscous cuisiné par sa mère pour financer ses trajets en bus la conduisant à ses entraînements, dans la salle de boxe de la protection civile à Tiaret, cité à 280 km au sud-ouest d’Alger.



    L’arène, jusque-là dominée par les supporters ouzbeks en matière d’ambiance, s’est mise à l’heure algérienne lors de l’entrée en scène de « Imaaaaaaaaaane Khelif », comme s’amuse le maître de cérémonie médaille d’or des voyelles qui s’éternisent. Les Algériens de France, d’Alger, de Kabylie, d’Oran… dansent dans les loges comme aux derniers rangs des tribunes hautes, sifflant et huant la prétendante de l’Empire du Milieu.

    Deuxième breloque en or pour l’Algérie

    Après un début de premier round d’observation sous un concert de youyous et au rythme des « One, two, three, viva l’Algérie ! », l’athlète longiligne au débardeur rouge prend le dessus, sans jamais être mise en difficulté. Comme Mohamed Ali, son modèle, elle esquive toutes les attaques de son adversaire.

    Avant même le verdict final, le coach saute de joie, sa protégée lève le poing de la victoire puis agite ses mains, comme libérée. L’arbitre confirme ce succès facile. Imane Khelif, licenciée depuis le printemps en France, au Nice Azur Boxe, là même où son manager est directeur sportif, est alors portée en triomphe sur les épaules de son coach au son d’un tube des rois du raï Khaled-Faudel-Rachid Taha, époque « 1, 2, 3 Soleils », puis d’une mélodie tellement entraînante des Jackson Five.

    VidéoLe père de la boxeuse algérienne Imane Khelif dément les accusations sur le genre de sa fille

    Vient ensuite l’heure de la remise des médailles. Ses milliers de fans qui sont descendus des rangs supérieurs se rapprochent du ring et du podium, faisant du vent avec leurs drapeaux au croissant et étoile rouges. C’est la deuxième breloque en or pour l’Algérie lors de ces JO de Paris, après celle de la gymnaste de 17 ans Kaylia Nemour aux barres asymétriques.

    Une « médaille d’honneur » pour « le peuple algérien »

    La « Lionne de Tiaret », comme l’a baptisée un YouTubeur, championne olympique après une cinquième place aux Jeux de Tokyo, en 2021, embrasse sa médaille puis rugit de bonheur. La main sur le cœur au beau milieu du court central, elle entonne l’hymne national puis multiplie les accolades et les selfies avec les autres médaillées, à mille lieues des pics malsains des deux premiers tours à l’issue desquels ses rivales criaient au combat déloyal.

    En zone d’interviews, l’or au cou, la fille d’un soudeur et d’une mère au foyer qui a élevé neuf enfants est sur un petit nuage. « Je ne peux décrire toute la joie et la fierté que j’ai dans mon cœur », réagit-elle devant son entraîneur enveloppé dans un étendard algérien. « Le monde entier était contre moi, mais malgré cela, j’ai décroché l’or, je lui ai répondu sur le ring, je suis une femme forte », martèle-t-elle tout en remerciant « le peuple algérien » qui mérite cette « médaille d’honneur » et qui va la « fêter dans les rues ».

    Elle a quelques mots pour le président algérien Abdelmadjid Tebboune, « mon supporter numéro 1 ». « Il m’a dit qu’il allait m’offrir tout ce dont j’ai besoin », sourit-elle. Enfin, elle est revenue sur l’hymne national qui a retenti dans l’arène de Roland-Garros. « Les Algériens ont chanté avec moi et c’était mon rêve… »