JO Paris 2024 : face au prix des billets, la colère monte chez les athlètes

Du demi-fondeur Jimmy Gressier à la judokate Amandine Buchard, les sportifs français sont de plus en plus nombreux à protester sur les réseaux sociaux contre le coût jugé trop élevé des places pour assister aux Jeux olympiques.

« En fait, il faut faire des crédits à la banque pour que les familles et proches puissent avoir la chance de venir nous voir. Enfin, si, d’ici là, il reste des billets… » s'est indignée Amandine Buchard sur Twitter cette semaine. AFP/Karim Jaafar
« En fait, il faut faire des crédits à la banque pour que les familles et proches puissent avoir la chance de venir nous voir. Enfin, si, d’ici là, il reste des billets… » s'est indignée Amandine Buchard sur Twitter cette semaine. AFP/Karim Jaafar

    En mars, 82 % des Français estimaient inaccessibles le prix des places pour les JO de Paris en 2024, selon un sondage Odoxa. Mais le grand public est aussi rejoint sur ce sujet par les athlètes susceptibles d’être acteurs de l’événement. Nafissatou Thiam, l’heptathlète belge, double championne olympique (Rio 2016 et Tokyo 2021), s’était offusquée au moment de la première phase de vente : « Je ne suis même pas sûre que ma famille pourra venir me voir tellement c’est cher. Il y a le prix des tickets, le voyage, le logement sur place. »

    L’ouverture de la deuxième phase de ventes de billets à l’unité (depuis le 11 mai) a de nouveau versé de l’huile sur le feu. Cette fois, ce sont des sportifs français qui ont pris la parole. La dernière en date est la judokate Amandine Buchard, vice-championne olympique à Tokyo chez les moins de 52 kg.

    Sur son compte Twitter, elle a diffusé mardi un message clair : « Jeux olympiques accessibles pour tous, vous aviez dit… En fait, il faut faire des crédits à la banque pour que les familles et proches puissent avoir la chance de venir nous voir. Enfin, si, d’ici là, il reste des billets… » Les hashtags « honte » et « dégoûtée » qui l’agrémentent laissent deviner son état d’esprit.

    Dimanche dernier, c’est le demi-fondeur Jimmy Gressier, quatrième du Championnat d’Europe sur 10 000 m l’été dernier, qui s’était exprimé sur ses réseaux : « J’ai vu que les places pour l’athlétisme étaient vendues à un tarif astronomique (de 290 euros à 995 euros la place). Je trouve ça vraiment abusé. Comment peut-on mettre des tarifs aussi élevés pour notre sport ? Qui est, à la base, un sport abordable pour tous et accessible. »

    « Ça coûtera moins cher devant la télé avec cinq bières et cinq pizzas »

    Il regrette également que les athlètes n’aient pas de « passerelle spécifique » pour acheter des billets aux membres de leur famille. Deux places leur sont allouées par le CIO et quatre par « Gagner en France », le dispositif de l’Agence nationale du sport.

    « On doit passer par la billetterie comme tout le monde. Alors qu’on va représenter les couleurs de la France et de notre pays. J’ai fait le calcul : si je veux faire venir dix personnes de ma famille, cela me coûtera entre 6 000 euros et 7 000 euros. C’est totalement hors budget », a-t-il poursuivi. Joint par nos soins ce jeudi 18 mai, il n’a pas souhaité réagir, expliquant « ne pas vouloir polémiquer ».



    L’ancienne internationale française de cross-country Maëva Danois en a plaisanté dans les commentaires : « Ça coûtera moins cher d’être devant la télé avec cinq bières et cinq pizzas chèvre-miel. Tristesse. » Remarque à laquelle le champion d’Europe du 3 000 m steeple de 2014, Yoann Kowal, qui visera une qualification sur marathon, a répondu ironiquement : « Mort de rire, effectivement et puis en plus tu as les ralentis ! »

    Dans le même sport, la coureuse de 3 000 m steeple, Alice Finot, n’y est pas allée de main morte non plus sur son compte Instagram : « Au vu des prix en ligne, je déconseille à mes proches de profiter du soi-disant chanceux tirage au sort. »

    « Plus facile de participer aux Jeux olympiques que d’y assister en tant que spectateur »

    Les gymnastes aussi ont du mal à digérer la grille tarifaire. Marine Boyer, présente à Rio et à Tokyo, a même décrit en six étapes, sur son compte Instagram, sa réaction au moment où elle a été tirée au sort pour acheter ses places : « 1 : go vendre un rein ; 2 : mais il n’y a plus de places pour les finales de gym ; 3 : attendre la dernière billetterie pour espérer avoir des places accessibles ; 4 : j’espère que des personnes revendront leurs places ; 5 : sinon ce sera à la télé… ; 6 : SNIF. » La spécialiste de la poutre s’est résolue : « C’est sûr que la meilleure option serait d’être dans l’équipe. Et je ferai tout pour y être ! »



    Mais cette option n’est pas envisageable pour tous. Jérôme Clavier, ancien perchiste de l’équipe de France, a adressé un message à Tony Estanguet sur son compte Facebook : « Mon porte-drapeau et capitaine de Pékin 2008, nous étions dans la même équipe, mais nos routes et nos valeurs sont maintenant très éloignées. »

    Devenu professeur d’EPS et entraîneur, le médaillé d’argent des Championnats d’Europe en salle de 2011 est coincé entre l’amour des Jeux et leur prix excessif : « J’ai participé à la labellisation de mon ancien établissement au label génération 2024. Je vends chaque jour les Jeux olympiques car ça reste une expérience extraordinaire, un spectacle à vivre. Comment puis-je être crédible devant mes élèves et mes athlètes en leur disant que cet événement sera magnifique et qu’ils pourront le vivre ? Leurs parents doivent investir minimum 2 000 euros pour voir une finale d’athlétisme (à 4 personnes). »

    La gymnaste retraitée Marine Debauve dresse un constat qui provoquera certainement le rire jaune de certains dans un post Instagram : « Petite ironie : il pourrait être plus facile de participer aux Jeux olympiques que d’y assister en tant que spectateur dans mon propre pays… Ça me rend folle. »