Une entreprise pour 40 projets: dans l’Oise, des demandeurs d’emploi ont pris leur destin en main

Maraîchage, artisanat, communication, services en tous genres... Une quarantaine de chômeurs de longue durée du Compiégnois vont être embauchés en CDI par une société créée par eux et pour eux.

Le dispositif Territoire Zéro Chômage longue durée va permettre à des demandeurs d'emploi de créer leur activité, du maraîchage à la création de sacs en tissu recyclé. LP/H.S.
Le dispositif Territoire Zéro Chômage longue durée va permettre à des demandeurs d'emploi de créer leur activité, du maraîchage à la création de sacs en tissu recyclé. LP/H.S.

    La longue période de chômage ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir pour la quarantaine de futurs salariés de l’Entreprise à but d’emploi en train de se créer dans le Compiégnois. Dans ce dispositif du programme Territoire Zéro chômeur longue durée (TZCLD), les volontaires auront en plus la satisfaction d’avoir créé leur propre job, tout un panel d’activités de services pour les collectivités, les entreprises ou les particuliers.

    Maraîchage, confection de sacs, conciergerie… La future société, subventionnée par l’Etat, aura pour unique objet de salarier en CDI tous ces entrepreneurs en herbe, d’offrir un cadre à ces personnes éloignées du monde du travail, qu’elles puissent créer sereinement leurs activités.

    «Nous sommes fin prêts»

    « Nous sommes fin prêts, nous attendons plus que le décret d’application, annonce Vincent Cacheur, chef de projet à l’association Partage Travail, qui accompagne les volontaires. Il y a aussi l’examen de notre candidature, mais je ne suis pas inquiet car, sur les 20 territoires bénéficiant du programme dans les Hauts-de-France, nous sommes parmi les trois plus avancés. »



    La préparation a de fait commencé en mars 2019, pour sélectionner parmi 300 personnes, les premiers bénéficiaires et leurs projets. Une association a déjà été créée, bénéficiant de locaux à Margny-lès-Compiègne et Saint-Sauveur, deux communes faisant partie du périmètre retenu avec les quartiers prioritaires de Compiègne.

    Une fois l’entreprise à but d’emploi lancée, l’Etat versera 18 000 € par an et par salarié à cette société d’ex-demandeurs d‘emploi. « C’est l’équivalent de 70 % du smic, le chiffre d’affaires de l’entreprise devra apporter le complément », précise Vincent Cacheur. Sous l’égide d’un directeur qui a déjà été recruté, la société composée de multiples petites activités de service, devra donc générer des ressources pour atteindre l’équilibre.

    Une aide d’Etat de 18 000 euros par an et par salarié

    Chaque projet présenté par les demandeurs d’emploi aura fait préalablement l’objet d’une étude et d’un business plan. « Ce qui est important, c’est que cela part des personnes elles-mêmes, elles auront la charge du développement de leur activité », souligne Claude Lebon, maire de Saint-Sauveur, qui a fourni des locaux à ce projet original de retour à l’emploi. Un cadre parfait pour concrétiser l’idée d’Amandine, l’une des premières à avoir rejoint le programme. Son projet, MYA (acronyme de Move your ass), consiste en la confection de sacs à partir de vêtements recyclés.

    Amandine, l’une des premières à avoir rejoint le programme. Son projet, MYA (acronyme de Move your ass), consiste en la confection de sacs à partir de vêtements recyclés.
    Amandine, l’une des premières à avoir rejoint le programme. Son projet, MYA (acronyme de Move your ass), consiste en la confection de sacs à partir de vêtements recyclés.

    « On récupère des jeans, et on les transforme en sacs à main de différentes formes. Nous sommes cinq sur ce projet et nous avons aussi imaginé un sac pour transporter les bouteilles de la Brasserie Saint-Médard, dans le cadre d’un partenariat avec eux. J’ai travaillé dix ans au service d’une dame âgée et à son décès, je me suis retrouvée sans emploi, détaille-t-elle. J’ai fait des petits boulots mais je voulais aussi m’occuper de ma fille. Aujourd’hui, elle est plus grande et donc plus autonome et je peux me consacrer à cette idée que j’avais depuis un moment. Je ne me serai sans doute pas lancée seule par manque de confiance mais là, je me sens prête. »

    Non loin de là, toujours à Saint-Sauveur, une autre équipe se démène sur une parcelle de jardin, la base d’un projet de maraîchage dont Christine est l’une des principales animatrices. « J’ai toujours fait des plantations mais jusqu’à présent, j’ai surtout travaillé dans la peinture ou le bâtiment. Ici, on va cultiver des légumes qui pourront ensuite être vendus dans une épicerie bio qui va aussi être créée. »

    « Ce qui m’a plu, c’est vraiment la dynamique de groupe »

    L’entraide est l’une des caractéristiques de la future entreprise. Sous le soleil, Catherine s’active aussi au rude désherbage et pourtant, son projet n’est pas celui du maraîchage. « Je travaille sur la mise en place d’une conciergerie, mais cela fait du bien de venir donner un coup de main au jardin. L’entreprise, je connais car j’en ai eu une avec mon ex-mari, qui s’est arrêtée avec la séparation. Ce qui m’a plu dans ce dispositif, c’est vraiment la dynamique de groupe. »

    Les profils sont aussi différents que les parcours de chacun, ce qui se traduit aussi dans la diversité des projets. « J’ai depuis longtemps un projet d’atelier destiné aux parents, pour faciliter la communication avec leurs enfants, aider à résoudre les conflits, explique Pascale, titulaire d’un master en communication. Seule, avec les charges d’un local, c’est quelque chose qui aurait peu de chance d’être rentable. Je veux aussi travailler à temps partiel pour pouvoir m’occuper de mon garçon. Je n’arrivais pas à trouver d’emploi dans ces conditions, j’étais presque surqualifiée pour certains postes. »

    Attention, l’entreprise à but d’emploi n’a pas pour vocation de venir concurrencer des activités déjà existantes sur un territoire. « Si cela arrive, nous nous retirerons ou nous essayerons de travailler en collaboration avec les autres sociétés », souligne Vincent Cacheur. Elle ne sera pas non plus une fin en soi. Ceux qui souhaiteraient par la suite voler de leurs propres ailes, avec leur propre entreprise, pourront le faire à tout moment. « Nous espérons pouvoir démarrer après l’été et l’ambition est d’embaucher 200 personnes d’ici cinq ans », conclut le chef de projet.