Alexandre Benalla : «J’ai le sentiment d’avoir commis une faute»

Dans l’œil du cyclone depuis une semaine, l’ancien chargé de mission s’est exprimé pour la première fois dans un entretien au Monde.

 « Il y avait en premier une volonté d’atteindre le président de la République, c’est sûr et certain », affirme Alexandre Benalla.
« Il y avait en premier une volonté d’atteindre le président de la République, c’est sûr et certain », affirme Alexandre Benalla. REUTERS/Philippe Wojazer

    Depuis les premières révélations du Monde, Alexandre Benalla s'était fait très discret, laissant le soin à ses avocats de s'exprimer, que ce soit sur les plateaux de télévision ou par le biais d'un communiqué de presse. L'ancien chargé de mission de l'Elysée a finalement choisi de sortir de l'ombre en accordant une interview au quotidien.

    Benalla a commis « une grosse bêtise » et « une faute ». « Je n'ai pas le sentiment d'avoir trahi le président de la République, j'ai le sentiment d'avoir fait une grosse bêtise. Et d'avoir commis une faute », déclare Alexandre Benalla au début de cet entretien. « Mais cette faute, elle est plus d'un point de vue politique : je n'aurais jamais dû aller sur cette manifestation en tant qu'observateur, puis j'aurais, peut-être, dû rester en retrait. »

    Pour lui, cette affaire représente surtout « l'opportunité d'atteindre le président de la République ». « Les faits, je les assume, je ne suis pas dans la théorie du complot, c'est la réalité. Sur ce qui s'est passé après, je suis beaucoup plus réservé, affirme Alexandre Benalla. Il y avait en premier une volonté d'atteindre le président de la République, c'est sûr et certain. Et je suis le maillon faible, je le reconnais. »

    Le 1er mai, il n'a « pas demandé à être observateur ». Comment Alexandre Benalla s'est-il retrouvé place de la Contrescarpe le 1 er mai? Il assure ne pas avoir fait cette demande mais avoir été invité par Laurent Simonin, chef d'état major à la préfecture de police. « C'est très bien, c'est une bonne expérience », lui aurait ensuite dit Patrick Strzoda, le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron.

    Une intervention « vigoureuse ». Alexandre Benalla revient longuement sur ce qui s'est passé le soir du 1 er mai. Il insiste sur le comportement des deux manifestants visibles sur la première vidéo, « les plus agités de la bande ». « La faute que je commets à ce moment-là, c'est d'y aller. Et de laisser de côté mes fonctions à l'Elysée », estime Benalla. Citant l'article 73 du Code de procédure pénale, il assure ne pas avoir commis de délit. « Si je n'étais pas collaborateur de l'Elysée, je referais la même chose », explique-t-il, évoquant une intervention « vigoureuse », comme c'était le cas dans le communiqué de presse de ses avocats.

    Comment s'est-il fourni l'équipement porté le 1er mai ? « Un casque, un ceinturon en cuir, un masque à gaz, un brassard police et une cote bleue marquée police et un grade de capitaine dessus » ont été fournis deux jours avant la manifestation par un officier de liaison de l'Elysée, affirme Alexandre Benalla. Sur place, un policier lui aurait dit de mettre le brassard pour ne pas être confondu avec un manifestant. « Le casque, on me dit de le porter, c'est pour ma sécurité personnelle » ajoute-il.

    Bennala « n'a pas regardé » les images de vidéosurveillance. Le soir du mercredi 18 juillet, après la publication de l'article du Monde, Alexandre Benalla raconte avoir reçu un appel de quelqu'un à la préfecture de police lui demandant s'il souhaitait obtenir les images de vidéosurveillance de la manifestation du 1 er mai. « Je suis en train de dîner dans un restaurant près du Palais et quelqu'un vient me donner un CD », détaille-t-il. Mais ce CD, il ne l'aurait même pas regardé et l'aurait remis à l'Elysée à un conseiller communication. Que sont-elles devenues? « Je crois qu'ils ont essayé de la diffuser et de la fournir à des gens, pour montrer la réalité des faits. »

    Un badge pour aller « à la salle de sport de l'Assemblée ». Alexandre Benalla reconnaît avoir demandé une carte d'accès à l'Assemblée. Mais à l'en croire, rien à voir avec ses fonctions : « Je l'ai demandée tout simplement parce que j'aime aller à la salle de sport de l'Assemblée. C'est peut-être un caprice de ma part, je l'admets ». Il assume aussi avoir demandé à bénéficier d'un logement de fonction de « 80 m², pas 300 comme ça a été dit » le 8 ou 9 juillet. « Il y a un appartement qui est en train d'être rénové, je vous l'attribue… », lui aurait répondu Patrick Strzoda.

    Des « frictions » avec le GSPR. Entre le Groupement de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et Alexandre Benalla, l'ambiance n'était pas au beau fixe d'après ce dernier. Il mentionne des frictions, « sous forme de non-dits ». « Moi, j'ai toujours fait les choses, non pas pour ma personne, mais dans l'intérêt du président. Mais il y a des gens qui sont formatés d'une autre façon », déclare Benalla. « La vérité, c'est que ma nomination à ce poste, ça a fait chier beaucoup de gens. Parce qu'un gamin de 25 ans, qui n'a pas fait l'ENA, qui n'est pas sous-préfet […] et en plus qui dit les choses, là où il n'y a que des non-dits, évidemment, ça suscite des rancœurs… »