Commémorations : la mémoire sélective du président Macron

Le chef de l'Etat, qui choisit soigneusement ses symboles, sera vendredi en Alsace pour lancer la dernière vague des célébrations de la Grande Guerre.

Paris (VIIIe), lundi. Emmanuel Macron assume de faire le tri : « Le président n’est pas l’ancien combattant de toutes les guerres », dit-on à l’Elysée.
Paris (VIIIe), lundi. Emmanuel Macron assume de faire le tri : « Le président n’est pas l’ancien combattant de toutes les guerres », dit-on à l’Elysée. AFP/LUDOVIC MARIN

    « On ne célèbre pas tout », préviennent d'emblée les conseillers du président. A l'Elysée, l'année 2018, point d'orgue du centenaire de la Grande Guerre donne du fil à retordre à Sylvain Fort, le Monsieur Mémoire chargé des grands discours du chef de l'Etat. Mais ce n'est pas le trop-plein d'anniversaires qui embarrasse la présidence. L'Elysée assume de faire le tri. Quitte à donner l'impression d'un président à la mémoire sélective...

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    Vendredi, Emmanuel Macron inaugurera l'historial du Hartmannswillerkopf au côté du président allemand Frank-Walter Steinmeier, pour célébrer la réconciliation franco-allemande. Ce sommet des Vosges que les armées du Reich et de la République se sont disputé, au point qu'il a changé de main à huit reprises.

    François Hollande s'était rendu sur cette même montagne « mangeuse d'hommes », en 2014, au côté Joachim Gauck, le président allemand de l'époque pour ouvrir les cérémonies du centenaire. Macron dans les pas de son prédécesseur sur le terrain des symboles ? En coulisses, l'entourage présidentiel laisse entendre qu'il s'agissait d'un passage obligé vis-à-vis de l'Allemagne.

    La puissance des symboles plutôt que les inventaires

    Pour le reste du centenaire, en 2018, le chef de l'Etat ne fera rien comme son prédécesseur... « Hollande a visité tous les cailloux du champ de bataille, et qu'en a-t-on retenu ? », s'interroge un proche du président, préférant citer en exemple le discours du Vél d'Hiv de Jacques Chirac. « Le président n'est pas l'ancien combattant de toutes les guerres », renchérit-on à l'Elysée. La puissance des symboles plutôt que les inventaires, voilà l'ambition affichée par le président.

    Le 11 novembre 2018, tous les belligérants de la Première Guerre mondiale se retrouveront ainsi à Paris. Les jours précédents, le chef de l'Etat se rendra dans tous les départements du front. L'occasion d'un message politique ? Ces départements sont « meurtris aujourd'hui par la crise », souligne l'Elysée. La possibilité d'un défilé de la victoire le 14 Juillet est évacuée : on ne fanfaronne pas, on « réconcilie ».

    De quoi convient-il de se souvenir ?

    En 2018, Macron hérite aussi d'une figure : celle de Georges Clemenceau, dont on célèbre le centenaire du retour au pouvoir. Contrairement à Manuel Valls qui en fait un modèle de référence, Emmanuel Macron picore là encore dans l'héritage. Du Tigre, personnage complexe et controversé à gauche, l'Elysée ne veut retenir que le Père la Victoire.

    « C'est le Clemenceau de l'énergie retrouvée, glisse-t-on, celui de l'élan donné à la nation. » Si « Clemenceau avait lui aussi repris en main les militaires », sourit un connaisseur du dossier, l'Elysée se garde de pousser la comparaison avec le premier flic de France (comme s'était désigné lui-même en 1906 Clemenceau, qui était alors ministre de l'Intérieur), briseur de grèves...

    De quoi et de qui convient-il de se souvenir ? Après avoir annoncé une réflexion sur une possible commémoration des 50 ans de Mai 68, « en France et dans le monde », l'Elysée préfère rétropédaler. Macron ne décernera pas « un pavé d'or à Daniel Cohn-Bendit rue Soufflot », bottent en touche ses proches. La plaisanterie masque mal le terrain miné. Car le sujet est éminemment politique. L'Elysée veut éviter qu'on lui reproche une instrumentalisation. Sans compter qu'il y a aussi au programme les 60 ans de la Constitution gaullienne de 1958. Celle-là même qui a abouti à la contestation étudiante dix plus tard. De droite et de gauche, Macron rêverait-il de réconcilier de Gaulle et les soixante-huitards ? Cela paraît une mission impossible.