Hanouna, Barthès... 5 minutes pour comprendre la polémique autour du président de la commission d’enquête sur la TNT

Invité sur le plateau de « Touche pas à mon poste » mardi, Quentin Bataillon a déploré l’attitude de l’animateur Yann Barthès qui, comme Cyril Hanouna, a été entendu par les élus. Le président de la commission d’enquête TNT a été rappelé à l’ordre par certains de ses pairs, et les leaders socialistes et insoumis demandent sa démission.

Quentin Bataillon, président de la commission d'enquête TNT, lors de son passage dans l'émission « Touche pas à mon poste » sur C8. ASSEMBLEE NATIONALE / AFP
Quentin Bataillon, président de la commission d'enquête TNT, lors de son passage dans l'émission « Touche pas à mon poste » sur C8. ASSEMBLEE NATIONALE / AFP

    Quentin Bataillon fragilisé après son passage sur le plateau de « Touche pas à mon poste ». Ce mardi, le président de la commission d’enquête sur les fréquences de la TNT a réalisé un bilan de ses travaux dans l’émission de Cyril Hanouna, qui avait justement été auditionné mi-mars par ladite commission. Quentin Bataillon a notamment égratigné l’attitude de l’animateur Yann Barthès, concurrent du présentateur star de C8, qu’il avait également entendu.

    Le député de la majorité présidentielle s’est attiré les foudres de la gauche comme de membres de son propre groupe parlementaire. Plusieurs responsables ont demandé que Quentin Bataillon, à qui ils reprochent cette interview alors que les travaux de la commission s’achèveront seulement début mai (les conclusions doivent être rendues le 7 mai), démissionne de ses fonctions après son passage télévisuel.

    Qu’a dit Quentin Bataillon à « TPMP » ?

    Le député Renaissance a taclé un animateur concurrent de Cyril Hanouna, Yann Barthès, qui a lui aussi été entendu : « Je crois que c’est la première fois que je me suis énervé, il avait une attitude assez arrogante dès le début, il refusait de répondre à nos questions », a lâché Quentin Bataillon au sujet du présentateur de « Quotidien », sur TMC.

    Quentin Bataillon a par ailleurs félicité Hanouna « d’inviter tout le monde » sur son plateau, avant d’expliquer que C8 - chaîne pourtant régulièrement sanctionnée par le gendarme audiovisuel - respectait les règles imposées par l’Arcom. Le député Renaissance s’est également vu offrir un tee-shirt sur lequel il est inscrit : « C’est l’heure du goûter ». Une référence à la phrase prononcée par Cyril Hanouna lors de son audition au Palais-Bourbon : le présentateur de TPMP indiquait qu’il devrait quitter son audition à 16h30 pour préparer son émission journalière et pour « goûter ».



    Quentin Bataillon a également fait de la pédagogie sur les travaux de la commission, consacrée à l’attribution des fréquences TNT, dont celles de C8 et CNews (groupe Canal +) remises en jeu cette année. Son rapporteur, l’insoumis Aurélien Saintoul, va rédiger son rapport « seul » d’ici début mai, et « j’imagine qu’il sera marqué », a dit l’élu, en souhaitant « sortir de la chasse aux sorcières, de la chasse aux animateurs, aux journalistes, aux chaînes », alors que celles dans le giron de Vincent Bolloré sont dans le viseur de LFI. « Il faut qu’on fasse des recommandations sur le cadre » du choix des titulaires des fréquences, a-t-il appuyé.

    Par le biais de cette émission phare du début de soirée, Quentin Bataillon - fan revendiqué de la série télévisée « House of Cards » - s’est aussi adressé à un certain électorat populaire : « On ne rentre pas dans les foyers des gens pour leur dire ce qui est bien, ce qui est mal » et, « parfois, le mépris que certains peuvent avoir pour votre émission se reporte sur ceux qui la regardent », a argumenté le parlementaire.

    Bataillon rappelé à l’ordre au sein de son camp politique

    Depuis son passage, Quentin Bataillon essuie une pluie de critiques, certaines provenant de son propre camp politique. En attendant les conclusions de la commission d’enquête, il faut « faire preuve de réserve et de discernement » dans les « prises de position » publiques, l’a sermonné la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, dans un communiqué.

    Selon l’entourage de Sylvain Maillard, président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, ce dernier a appelé Bataillon mardi soir « pour lui reprocher les propos qu’il a tenus ». « On n’a pas compris. C’est étonnant que le président de la commission aille chez Hanouna taper sur Barthès. C’est une erreur de jugement », a souligné de son côté un conseiller de l’exécutif. « Ça passe très mal, beaucoup de députés se demandent ce qui lui a pris », a-t-on également avoué dans l’entourage de Sylvain Maillard.

    Des tensions avec le rapporteur Insoumis

    Pour l’insoumis Aurélien Saintoul, rapporteur de la commission, cette « manœuvre de dénigrement (…) constitue une faute ». Les rapports entre lui et le président se sont tendus au fil des auditions, de celle de Vincent Bolloré à celle de la ministre de la Culture, Rachida Dati.

    « M. Bataillon a manifestement voulu préempter le travail du rapporteur et instiller le doute sur la qualité du rapport encore à écrire. Il a donc doublement agi contre sa mission et doit en tirer toutes les conséquences, le cas échéant en démissionnant », a ainsi estimé le député LFI des Hauts-de-Seine Aurélien Saintoul, rapporteur de la commission d’enquête.

    Aurélien Saintoul a également ironisé au sujet de la présence de Quentin Bataillon dans « TPMP ». « Merci de votre démarche expérimentale pour faire avancer la commission d’enquête. N’oubliez pas de vérifier si on peut désormais nommer voire critiquer V. Bolloré dans TPMP sans risquer de se faire agresser par C. Hanouna. Ce sera toujours ça de pris », a-t-il écrit sur X. Une référence à un épisode de novembre 2022, où le député LFI Louis Boyard, invité de l’émission, avait été insulté en direct. Pour cette séquence, C8 avait été condamné à une amende record de 3,5 millions d’euros.

    Avec Aurélien Saintoul, « j’ai tout fait pour garder les relations les plus cordiales possible », a avancé Quentin Bataillon sur C8. Selon un proche de Bataillon à l’AFP, ce dernier « se sent délié de ses devoirs de neutralité » car Aurélien Saintoul « a abandonné à la première seconde de la première minute de la première heure de la commission toute position de neutralité ».

    À gauche, des responsables demandent sa démission

    Les condamnations les plus vives viennent de la gauche. Un grand nombre d’insoumis ont tweeté à l’unisson pour demander la démission du député. « Le président de la commission d’enquête TNT couvre Hanouna, pourtant largement sanctionné par l’Arcom », le régulateur de l’audiovisuel, s’est élevé Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, dont les députés sont à l’origine de cette commission.

    « Le macronisme s’enfonce dans la collusion avec Bolloré », milliardaire conservateur qui contrôle le groupe Canal + comprenant C8, juge Bompard. « Quentin Bataillon est disqualifié, il ne peut plus présider cette commission », martèle-t-il.

    C’est « un véritable scandale », pour la maire de Paris (PS), Anne Hidalgo, qui a aussi appelé à la démission de Bataillon. La députée écologiste, Sophie Taillé-Polian, a annoncé avoir saisi le déontologue de l’Assemblée nationale, en demandant « la révocation » de Quentin Bataillon.

    « Il doit maintenant être relevé de ses fonctions. Il a participé à la décrédibilisation de l’Assemblée, allant jusqu’à sourire de son humiliation finale lorsque Hanouna lui a remis un tee-shirt où il se moque ouvertement de la commission », a estimé de son côté le patron du Parti socialiste, Olivier Faure.

    Quentin Bataillon peut-il être démis de ses fonctions ?

    Bien que les oppositions soulèvent la question du maintien de Bataillon à la présidence de la commission d’enquête, seul lui peut décider de se retirer. Dans le règlement de l’Assemblée nationale, aucune procédure de destitution n’est prévue pour un président de commission d’enquête, confie une source parlementaire à Libération.

    Dès lors, le groupe Renaissance pourrait théoriquement révoquer Bataillon, mais cette possibilité ne semble pas à l’ordre du jour. « Si sanction il doit y avoir, c’est du côté de la présidente de l’Assemblée, mais ce n’est visiblement pas prévu », indique le groupe parlementaire à Libération. Les socialistes ont dans ce sens adressé un courrier à Yaël Braun-Pivet afin de demander la désignation d’un nouveau président.