Jean-Marie Girier, l’inconnu de la Macronie

L’ancien directeur de campagne d’Emmanuel Macron, devenu chef du cabinet de Collomb à l’Intérieur, sera entendu ce lundi par la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla. Portrait d’un pilier aussi efficace que discret.

 Jean-Marie Girier (au centre) s’est rapidement imposé auprès d’Emmanuel Macron, d’abord comme directeur de campagne, puis comme proche conseiller.
Jean-Marie Girier (au centre) s’est rapidement imposé auprès d’Emmanuel Macron, d’abord comme directeur de campagne, puis comme proche conseiller. Lionel Préau/Riva Press

    La scène – dont nous avons été témoins – en dit long sur les multiples facettes de son rôle en Macronie. Il y a quelques mois, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux appelle Jean-Marie Girier pour lui demander des conseils avant son premier passage chez Laurent Ruquier.

    Le jeune homme se lève, écourte la conversation et lui promet de le rappeler pour préparer sa première grosse émission de télévision. Signe que Jean-Marie Girier est bien plus que le chef de cabinet du ministre de l'Intérieur et l'homme de confiance de Gérard Collomb.

    « C'est devenu l'une des personnes les plus puissantes de la République, confie un ministre. Une sorte de tour de contrôle très bien informée et dotée d'un solide sens de la stratégie. »

    Ni compte Twitter ni page Facebook

    Inconnu du grand public, Jean-Marie Girier doit être entendu ce lundi à 11h30 par la commission d'enquête du Sénat sur l'Affaire Benalla. Son audition est d'autant plus attendue que son mentor, Gérard Collomb, a semblé se défausser sur l'Elysée et la préfecture de police lors de son passage devant les députés. C'est à peine si le ministre de l'Intérieur admettait connaître le chargé de mission du président de la République…

    Présenté jusque-là comme celui qui a validé l'embauche de Benalla à En Marche !, Girier, lui, devrait démentir cette assertion devant les sénateurs.

    Ce Lyonnais de 33 ans au goût immodéré pour la discrétion – il n'a ni compte Twitter ni page Facebook – fait partie de la garde rapprochée du président. Il est de cette petite bande, « soudée envers et contre tout » dixit l'un de ses membres, qui a porté le candidat au sommet de l'Etat et remonté le tapis rouge qui mène à l'Elysée, le 14 mai 2017, jour de l'investiture de leur champion.

    Bourreau de travail

    Rodé aux joutes électorales – il en a une quinzaine au compteur (municipales, régionales, départementales) – dans la région lyonnaise pour Gérard Collomb et ses réseaux socialistes, Girier s'impose facilement auprès du candidat dès janvier 2017, dont il devient l'incontournable directeur de campagne.

    « C'est un bourreau de travail, raconte son ami Julien Denormandie, secrétaire d'Etat au Logement. Il pilotait tout le dispositif, l'ensemble de la dynamique avec une grande droiture. » « C'est lui qui parlait au candidat en premier très tôt et en dernier très tard », se souvient Griveaux.

    Dans le cercle de confiance du président – les deux hommes continuent à se tutoyer –, Girier travaille aussi les réseaux d'élus pendant la campagne. Il œuvre au rapprochement avec le pôle des réformateurs du PS, et sert de point de contact avec plusieurs juppéistes. Certains le voient même aujourd'hui en cheville ouvrière de la future carte des circonscriptions au ministère de l'Intérieur.

    Un seul péché, les bonbons Haribo

    Animal à sang froid, « toujours calme mais qui sait se montrer tranchant », vante encore Griveaux, c'est lui qui refuse à Benalla des achats d'armes destinées au personnel de protection du candidat, comme l'ont révélé les « MacronLeaks », ce piratage des boîtes mails de plusieurs collaborateurs du futur président.

    Girier, moine soldat de l'ombre au service du patron, sans autre but que d'être utile ? Celui qui n'a jamais couru après une investiture n'aurait qu'un péché mignon, les bonbons Haribo. « Pour lui le pouvoir n'existe pas, seule l'influence compte, glisse l'un de ses proches.

    Mais gare aux brûlures. Une enquête préliminaire a été ouverte sur un possible mélange des genres. L'opposition lyonnaise le suspecte d'avoir préparé la campagne alors qu'il était encore salarié de métropole de Lyon. Il devra s'expliquer, comme il le fera devant la commission du Sénat. Pour un homme de l'ombre, cela fait beaucoup de lumière.

    ISMAËL EMELIEN, LE CONSEILLER SPÉCIAL DE L'ELYSÉE DANS LE VISEUR

    C’est à Ismaël Emelien qu’Alexandre Benalla a transmis la vidéo de la place de la Contrescarpe, qu’il possédait illégalement./LP/Olivier Lejeune
    C’est à Ismaël Emelien qu’Alexandre Benalla a transmis la vidéo de la place de la Contrescarpe, qu’il possédait illégalement./LP/Olivier Lejeune Lionel Préau/Riva Press

    C'est la grosse épine dans le pied d'Emmanuel Macron. La justice va enquêter sur la fuite des images de vidéosurveillance de la ville de Paris prises le 1er mai place de la Contrescarpe, que s'est procurées illégalement Alexandre Benalla pour tenter de se disculper.

    Plus compliqué pour l'Elysée, l'ex-chargé de mission du président a reconnu avoir transmis le support d'enregistrement des images à Ismaël Emelien, conseiller spécial du chef de l'Etat, et proche d'entre les proches du président.

    Et comme si cela ne suffisait pas, ces mêmes images se sont retrouvées entre le 18 juillet, date de la révélation de l'affaire par Le Monde et le 20 juillet, date de l'annonce par l'Elysée du licenciement d'Alexandre Benalla, sur Twitter via des comptes d'adhérents de la République En Marche.

    Le Sénat pourrait décider d'auditionner Ismaël Emelien dans les jours qui viennent ou à la rentrée. Le président de la commission d'enquêtes, Philippe Bas, doit en discuter avec ses co-rapporteurs. Quant au juge d'instruction, il a étendu vendredi son enquête aux chefs de « recel de détournements d'images issues d'un système de vidéoprotection et recel de violation du secret professionnel ». Un point clé de l'enquête. Les proches du président plaident la bonne foi. « Personne ne connaissait la provenance de ces vidéos » avancent prudemment les conseillers du président.