Loi Asile et Immigration : des députés absents opportunément

Si le texte Asile et Immigration, porté par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a bien été voté, il ne l’a été que par un tiers des députés LREM, signe du malaise qui règne dans la majorité.

 La loi Asile et Immigration n’a été adoptée que par 65 % des députés LREM.
La loi Asile et Immigration n’a été adoptée que par 65 % des députés LREM. LCP

    C'est un vote qui - à n'en pas douter - laissera au gouvernement comme un petit goût amer… Car si le très controversé texte de loi Asile et Immigration a bel et bien été adopté dans la nuit de dimanche à lundi, il n'a été approuvé que par 65 % des députés LREM. 203 ont voté pour, 16 se sont abstenus (plus, comme c'est l'usage, François de Rugy, le président de l'Assemblée), un élu, Jean-Michel Clément, a voté contre et, - c'est la réelle surprise -, 91 n'ont pas pris part au scrutin, refusant ainsi de se prononcer sur ce projet de loi à l'origine du malaise que traverse depuis plusieurs mois la majorité présidentielle…

    A titre de comparaison, la réforme de la SNCF a été adoptée en première lecture à 80 % des voix LREM et l'habilitation pour assouplir le Code du travail à 83 %.

    Cette absence de l'hémicycle est d'autant plus symptomatique qu'elle est assumée pour beaucoup. « Si j'avais voulu y être, j'aurais fait ce qu'il fallait », admet Aurélien Taché, député LREM du Val-d'Oise. « Je n'ai pas voulu m'abstenir car je suis en faveur de plusieurs mesures contenues dans le texte telles la réduction des délais de la procédure d'asile ou les mesures d'intégration pour lesquelles je me suis battu, comme le droit pour un demandeur d'asile de travailler au plus tard au bout de six mois, explique le député, auteur d'un rapport sur l'intégration des réfugiés, mais je n'ai pas voulu participer au scrutin car je trouve qu'il serait nécessaire de bâtir une vraie politique migratoire globale. »

    «Je ne pouvais pas voter favorablement»

    « Il ne faut pas faire parler ceux qui n'étaient pas présents » déplore la députée LREM des Yvelines, Aurore Bergé. Le débat a eu lieu. » Cette courte majorité ne s'expliquerait donc pas par l'insuffisance des débats au sein du groupe, en commission ou dans l'hémicycle. « Je ne regrette pas d'avoir porté mes convictions sur ce texte, insiste Matthieu Orphelin, député LREM du Maine-et-Loire, l'un des premiers à avoir fait savoir qu'il s'abstiendrait. Je ne pouvais pas voter favorablement en raison du manque d'avancées sur le délai de rétention ou l'enfermement des mineurs. En revanche, plusieurs de mes amendements, comme l'assouplissement du délit de solidarité ou la prise en compte des migrations climatiques ont été acceptés… »

    « Le texte est équilibré et a été amélioré grâce au dialogue entre la majorité et Gérard Collomb », affirme Aurore Bergé, par ailleurs porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée.

    «Le vent du boulet n'est pas passé loin»

    La faute alors aux modalités de vote ? Pour partie peut-être mais pour partie seulement. « La prolongation des débats sur tout le week-end s'est faite sans préavis, explique un élu du sud de la France. Si le scrutin s'était déroulé selon un vote solennel, le règlement imposait de le faire savoir longtemps à l'avance et nous aurions pu nous organiser. » La limitation d'une délégation de vote par député présent a également empêché une plus ample participation. Plusieurs correctifs ont d'ailleurs dû être apportés hier après-midi.

    Il n'empêche ! « C'est un signal au gouvernement. Il faut qu'il sache que beaucoup de députés de la majorité ont été très mal à l'aise et l'ont exprimé comme ils ont pu. Le vent du boulet n'est pas passé loin mais il peut se faire de nouveau sentir », glisse - anonymement - un marcheur.