Macron évite une bronca des maires

S'il a essuyé quelques sifflets, le chef de l'Etat a défendu ses projets devant les édiles, s'efforçant de rassurer mais sans rien lâcher sur les économies qu'il leur demande.

Porte de Versailles (Paris XVe), jeudi. «Ce que j’ai à vous dire n’a pas vocation à vous contenter immédiatement mais a vocation à être appliqué», a prévenu Emmanuel Macron.
Porte de Versailles (Paris XVe), jeudi. «Ce que j’ai à vous dire n’a pas vocation à vous contenter immédiatement mais a vocation à être appliqué», a prévenu Emmanuel Macron. AFP/LUDOVIC MARIN

    Quelques huées à son arrivée. Quelques sifflets rapidement contenus. Des maires qui n'attendent pas la fin du long discours du président de la République pour attraper leurs trains de retour... Ce qui devait être le congrès de la colère a finalement ressemblé à tous les autres : un jeu de rôle où chacun a joué sa partition. La courtoisie républicaine l'emportant sur la grogne mais sans déclencher l'enthousiasme.

    Pourtant, cette année, pour ce 100e rendez-vous des édiles de France, le point de rupture entre le chef de l'Etat et les élus semblait proche. En témoigne le discours d'André Laignel qui, d'entrée de jeu, sonne la charge dans un réquisitoire cinglant contre Emmanuel Macron. « Espoirs déçus, collectivités sacrifiées, défiance du pouvoir central, remise en cause de la décentralisation », le numéro deux de l'Association des maires de France (AMF) cogne sans ménagement, brandissant la menace de « suspendre la participation » de l'AMF à la Conférence nationale des territoires, le lieu de discussion des élus locaux installés par Macron le 17 juillet. Ovation dans la salle, les deux tiers des quelque 4 000 maires présents se lèvent.

    Puis, dans un pas de deux bien rodé, c'est au tour de François Baroin d'afficher sa fermeté. Malgré son ton calme, sa voix chaude et ses formules de politesse respectueuses, le président de l'AMF fait la leçon à ce jeune chef de l'Etat qui n'a jamais été élu local. « Nous ne sommes pas les derniers survivants d'un monde qui aurait disparu, lance-t-il. Etre maire, c'est plonger dans la vie des Français comme aucun autre mandat ne nous en donne la possibilité. »

    Réactions mitigées

    Emmanuel Macron commence par tenter d'amadouer les élus par un classique « J'ai besoin de vous » avant de se lancer dans un réel mea culpa. « L'été n'a pas été à la mesure de nos engagements, reconnaît-il. Des mesures prises n'ont pas été à la hauteur. » Sans citer la suppression des contrats aidés jugés « brutale » par les élus, le coup de rabot sur l'APL mais surtout le passage de 10 à 13 Mds€ d'économies exigées des maires sans concertation en juillet, le chef de l'Etat fait amende honorable... Mais sans rien céder sur le fond. Et surtout pas sur la suppression de la taxe d'habitation, sa grande promesse de campagne dont les élus doutent qu'elle soit véritablement compensée par l'Etat dans la durée...

    Après la câlinothérapie des derniers jours, Macron invite les maires à participer à une « refonte en profondeur de la fiscalité locale » à l'horizon 2020. « Ce que j'ai à vous dire n'a pas vocation à vous contenter immédiatement mais a vocation à être appliqué », balaie-t-il d'une phrase... Récoltant par moments quelques applaudissements épars, notamment lorsqu'il accepte la main tendue de Gérard Larcher pour organiser « une conférence de consensus » sur le logement.

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    « Il n'a lâché que sur ce qui ne lui coûte rien, l'expérimentation, la simplification des normes », résume un maire pressé de rentrer chez lui. « Il a endormi la salle, c'était un flot de mots creux sur un désert d'idées », enrage un conseiller municipal de l'Hérault. « Il répond à côté, rien de concret sur les économies, on est très déçus », se lamente Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne, cherchant encore « le geste présidentiel » tant attendu. Mis à part quelques maires de grandes villes comme le Toulousain Jean-Luc Moudenc ou le Niçois Christian Estrosi estimant que « les élus sont remis au centre du jeu », les réactions sont mitigées. « Merci pour vos colères », ose Macron en guise de conclusion. Mais l'objectif — s'éviter une bronca des maires six mois après son élection — a été atteint.