Pékin verrouille le Tibet

Pékin

Pékin verrouille le Tibet

    Pékin affronte deux anniversaires sensibles. D'abord, celui du soulèvement, il y a cinquante ans, des Tibétains contre la présence chinoise. Mais c'est aussi le premier anniversaire des émeutes de Lhassa il y a un an. « Nous devons édifier une grande muraille contre le séparatisme », a lancé hier le numéro un chinois, Hu Jintao, au moment où Pékin déploie des troupes supplémentaires aux confins de la région autonome du Tibet. La relation du dalaï-lama et des communistes chinois a toujours été compliquée. En 1954, Mao Zedong, arrivé au pouvoir cinq ans plus tôt, reçoit chaleureusement à Pékin le bouddha vivant âgé de 19 ans : « Les Tibétains comme les Chinois ont souffert de la domination occidentale », dit Mao. Mais il cite en fin de conversation la phrase marxiste : « La religion est l'opium des peuples. » Le dalaï-lama avait peu apprécié.

    « Le loup déguisé en moine »

    A l'époque, les Tibétains avaient admis faire partie de la République populaire de Chine. En échange, Pékin leur permettait de garder leur religion et leur société traditionnelle. Cette autonomie est pourtant rapidement mise en cause par la volonté de « réformes démocratiques » du gouvernement chinois. Dans l'entourage du dalaï-lama la révolte gronde. Des contacts sont pris avec les services secrets américains et plusieurs équipes de jeunes Tibétains vont s'entraîner au Colorado. Des chercheurs chinois sont allés en chercher confirmation lors de l'ouverture d'archives de la CIA en 2007. En mars 1959, en pleine guerre froide, les émeutes au Tibet sont suivies de près par des officines américaines spécialisées en déstabilisations de régimes communistes. Mais à Lhassa, la répression par l'armée chinoise est sanglante. Et le dalaï-lama décide alors de s'enfuir en Inde : il n'est jamais revenu au Tibet.

    Cinquante ans plus tard, les dirigeants chinois affichent la conviction que le leader spirituel tibétain est au coeur d'un complot anti-Chinois. La propagande a des accents maoïstes dès qu'il s'agit de dénoncer le « loup déguisé en moine » contre lequel « une lutte à mort est engagée ». Le dalaï-lama réclame l'autonomie culturelle pour les régions où vivent des Tibétains ? Qiangba Puncog, le gouverneur du Tibet, répond devant la presse : « C'est une manÅ?uvre pour aller vers une indépendance progressive qui détacherait un quart du territoire de la Chine. » Ce même gouverneur (d'origine tibétaine mais communiste) se charge d'encadrer le bouddhisme dans la province en obligeant notamment les moines à suivre des cours de marxisme. Parallèlement, Pékin mène une politique de développement économique intensif et favorise l'installation de Chinois venant d'autres régions.

    Actuellement, par crainte que l'anniversaire du départ du dalaï-lama ne provoque des troubles, des renforts militaires ont été envoyés au Tibet. Le dalaï-lama affirme que la situation est « très tendue ». Invérifiable : ni journalistes ni touristes ne peuvent y aller.