Que deviennent les juppéistes ? Ils gouvernent !

Si Alain Juppé a perdu la primaire de la droite l'an dernier, ses proches sont très bien représentés au sommet de l'Etat, notamment autour du Premier ministre, Edouard Philippe, en déplacement à Bordeaux ce vendredi.

Les anciens proches d'Alain Juppé, candidat malheureux à la primaire de la droite, sont désormais aux postes clés de l'Etat.
Les anciens proches d'Alain Juppé, candidat malheureux à la primaire de la droite, sont désormais aux postes clés de l'Etat. LP/Frédéric Dugit

    Que sont devenus les juppéistes du premier cercle? « Ils sont aujourd'hui à Matignon », assène, en une petite phrase assassine, l'ex-femme de confiance du maire de Bordeaux, désormais ralliée à Laurent Wauquiez, Virginie Calmels. Dans son viseur, le bras droit du candidat Juppé à la primaire, Edouard Philippe, et son « bras gauche », comme il aime à se définir, Gilles Boyer. L'un occupe le fauteuil de Premier ministre, l'autre le bureau voisin, en tant que conseiller spécial du locataire de Matignon. Ce vendredi après-midi à Bordeaux (Gironde), pour la première fois depuis sa nomination, Philippe a retrouvé son mentor à l'occasion d'un déplacement sur le thème du logement.

    Visite symbolique, car Boyer et Philippe ne sont pas les seuls compagnons au long cours de l'ancien Premier ministre de Chirac à servir aujourd'hui, aux plus hauts rangs, le jeune président Emmanuel Macron. Tant s'en faut. Parmi les membres du gouvernement, Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes, se définit elle-même comme « une juppéiste de la première heure ». « Je travaillais à ses côtés au sein du cabinet quand il était patron du Quai d'Orsay (1993-1995) », confie cette diplomate d'origine, ex-directrice de l'ENA.

    Le ministère des Affaires étrangères, où Juppé a « laissé sa marque », est une pépinière par laquelle sont passés plusieurs conseillers et hauts cadres en poste aujourd'hui au sommet de l'Etat. A Matignon, au cabinet d'Edouard Philippe, figure ainsi, outre Boyer, Charles Hufnagel, patron de la com, poste qu'il occupait auprès de Juppé pendant la primaire et au Quai d'Orsay de 2011 à 2012. Egalement passé par ce ministère, David Teillet, ex-chef de cabinet du candidat Juppé, aujourd'hui chargé de mission auprès du Premier ministre. Quant à Eve Zuckerman, ancienne responsable de la campagne numérique, la voilà chargée du digital.

    Présents dans les plus hautes structures de l'Etat

    «Il m'est arrivé de voir passer un convoi officiel de Matignon, et dans une voiture il y en a un qui m'a fait coucou de la main», s'amuse Maël de Calan, qui porte les couleurs juppéistes dans la course à la présidence des Républicains (LR). « C'est étrange quand on y songe, confie un ancien de la campagne de la primaire de la droite, il y a un an, on se voyait à l'Elysée. Il y a six mois, on n'était plus rien. Aujourd'hui, on a le sentiment d'avoir gagné... tout en ayant perdu! »

    Mais le juppéisme a aussi gagné les plus hautes structures de l'Etat. Deux grands serviteurs de l'ancien Premier ministre gaulliste occupent des postes clés éminemment stratégiques. Bernard Emié, ambassadeur passé lui aussi par le cabinet au Quai, dirige la Direction générale de la sécurité extérieure, l'espionnage, en clair.

    Maurice Gourdault-Montagne, qui dirigea le cabinet de Juppé à Matignon, fidèle parmi les fidèles de la chiraquie, est, aux côtés du ministre Le Drian, le nouveau secrétaire général des Affaires étrangères. Autrement dit, le patron opérationnel des diplomates. « Mais ce n'est pas un choix politique, plutôt un choix d'évidence, se récrie un historique du ministère. MGM, comme on l'appelle, c'est le père du régiment, le plus expérimenté d'entre nous. »

    Le «patron» a des points communs avec Macron

    Alors, y a-t-il quelque chose d'Alain Juppé en Emmanuel Macron ? « Moi, en tout cas, je m'y retrouve, acquiesce Nathalie Loiseau. Ils ont en commun une fibre environnementale forte, une vision libérale sur les questions de société et l'économie et, surtout, une dimension proeuropéenne qui n'existait chez aucun autre candidat à la présidentielle.»

    Pour autant, «le patron», comme l'appelaient Philippe et Boyer, a-t-il une influence auprès du nouveau pouvoir ? «On se voit de temps en temps, il parle essentiellement de ses projets... pour Bordeaux», nuance non sans ironie un membre du gouvernement.

    Mais les convergences politiques n'expliquent pas à elles seules cette forte représentation des « héritiers » de Juppé. « Si on est là, c'est avant tout parce qu'on a de l'expérience et la pratique des cabinets », insiste un conseiller. C'est aussi le constat, un brin cruel, de l'ancienne ministre de Sarkozy, Rachida Dati. « Du fait de son jeune âge, Macron n'a pas eu le temps de se forger des réseaux et des équipes de conseillers ministériels, de préfets, d'ambassadeurs acquis à sa personne. Faute de stock, il puise chez Juppé... » Finalement, une douce revanche pour le vaincu de la primaire.