Fièvre catarrhale dans les Pyrénées-Orientales : après l’hécatombe ovine, les bergers appellent à l’aide

La maladie semble moins circuler dans les Pyrénées-Orientales en cette fin août 2024, mais elle a débordé dans l’Aude et l’Ariège voisines. Les éleveurs touchés tentent de se projeter dans l’avenir, mais butent sur un mur de questions.

Sofia et Stéphane Ryckbosch, éleveurs fromagers à Prats de Mollo (Pyrénées-Orientales), ont été parmi les premiers touchés par la fièvre catarrhale en juin. Ils ont perdu les deux tiers de leur troupeau, les laissant sans ressources. LP/Yann Kerveno
Sofia et Stéphane Ryckbosch, éleveurs fromagers à Prats de Mollo (Pyrénées-Orientales), ont été parmi les premiers touchés par la fièvre catarrhale en juin. Ils ont perdu les deux tiers de leur troupeau, les laissant sans ressources. LP/Yann Kerveno

    Il y a maintenant près de trois mois que les premières brebis sont tombées malades avant de mourir rapidement chez Sofia et Stéphane Ryckbosch, dans leur bergerie de Prats-de-Mollo-la-Preste (Pyrénées-Orientales) en Haut-Vallespir. Trois mois que ces éleveurs fromagers ont perdu 80 de leurs 120 brebis laitières. La maladie meurtrière est la fièvre catarrhale ovine. Et plus précisément celle de sérotype 8, présente dans le sud de la France, différente de celle de sérotype 3, qui fait plutôt des ravages dans le nord-est du pays et ailleurs en Europe.

    De ce cataclysme émerge un bouquet de questions urgentes. Comment repeupler le troupeau pour pouvoir travailler l’année prochaine et avoir des produits à vendre ? Avec quel argent acheter ces brebis, dont ils ont par ailleurs besoin pour conserver les aides indispensables de la politique agricole commune ? Avec quel argent, tout simplement, nourrir leurs trois enfants dans les mois qui viennent ? Et quelles seront les conséquences non encore envisagées sur les brebis survivantes ?

    Réunis chez un autre confrère gravement touché, Jérôme Vergès, à Saint-Laurent-de-Cerdans (Pyrénées-Orientales), une poignée d’éleveurs du Haut-Vallespir sont venus exprimer leur détresse le 23 août 2024 à leurs interlocuteurs, la Mutualité sociale agricole et la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. Les témoignages des éleveurs d’ovins, les animaux les plus touchés par ce variant 8, racontent tous les mêmes scènes : les brebis qui tombent comme à Gravelotte – Orphée Chrysostome en a perdu 100 en une seule semaine, 180 au total –, celles qui ont du mal à récupérer et squattent l’infirmerie, le traumatisme de regarder, impuissants, les animaux crever, de voir s’effondrer son outil de travail, le rêve d’une vie…

    Si la maladie semble faire moins de dégâts en cette fin août 2024, depuis que les éleveurs ont vacciné, il faut 40 jours pour que les brebis soient immunisées, et la fièvre reste présente sur le territoire.

    La crainte d’une année sans naissance de veaux

    Les éleveurs de bovins ont moins eu à subir de mortalité, mais des questions se posent aussi pour l’avenir proche. « Je pense que les trois quarts du troupeau ont eu la maladie », explique Thomas Ribes, président du syndicat des éleveurs du Vallespir. « Les animaux ne meurent pas mais on le paye en kilos manquants à la vente. » D’autres craignent que les vaches aient avorté en estive, et qu’aucun veau ne naisse l’an prochain. « Si c’est le cas, comment allons-nous faire ? Décaler les vêlages, oui, mais, si c’est pour l’été, faudra-t-il que nous les gardions en bas ou allons-nous les laisser vêler seules dans les estives ? », se demande Sophie Puig, l’une des éleveuses de bovins présente à cette réunion.

    Depuis, le sérotype 8 a débordé dans les départements voisins, l’Aude et l’Ariège, où il sème aussi la désolation, même si les éleveurs ont pu anticiper en vaccinant leurs animaux. Les Chambres d’agriculture locales travaillent à estimer le nombre d’animaux perdus depuis le début de la crise. Un millier au moins dans les Pyrénées-Orientales, 6 000 sur les trois départements. Et réclament des aides de l’État, notamment pour reconstituer les troupeaux afin de sauver les élevages les plus en difficulté, en particulier ceux installés récemment. Les éleveurs réfléchissent à lancer des cagnottes en ligne pour trouver de l’aide. Et tous espèrent que le sérotype 3, qui est remarqué pour son impact plus important sur les bovins, reste confiné au nord de la Loire.