« Aujourd'hui, je vis dignement »

Régularisé après six semaines de grève à Casa Nova, il y a un an, Bocar Kouma, comme ses collègues, savoure sa « liberté retrouvée ».

« Aujourd'hui, je vis dignement »

    La grève avait surpris tout le monde, tant par sa soudaineté que par son ampleur. Il y a un an, le 15 avril 2008, quelque 300 travailleurs sans papiers décidaient simultanément d'arrêter le travail dans une vingtaine d'entreprises d'Ile-de-France. Soutenus par la CGT et l'association Droits devant ! ils entamaient sur-le-champ l'occupation illimitée de leurs lieux de travail pour réclamer leur régularisation.

    Ousmane rêve de créer son entreprise

    Dans le 93, les sept salariés du bazar Casa Nova des Pavillons-sous-Bois sont les premiers à sortir de l'ombre pour dénoncer des conditions de travail imposées par un « patron voyou ». Après six semaines de piquet de grève, ils obtiennent finalement une promesse de régularisation. Dans leur sillage, des dizaines de sans-papiers se mobilisent, occupant leurs entreprises, parfois des mois durant.

    Leur carte de séjour en poche, les sept anciens de Casa Nova ont tous retrouvé du travail et savourent leur nouvelle vie. « La liberté retrouvée », résume Bocar Kouma qui travaille depuis huit mois comme agent de tri pour la société Paprec à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). « Je suis heureux, car je suis enfin respecté dans mon travail, explique-t-il. A Casa Nova, je travaillais dix heures par jour, samedis et jours fériés, j'étais l'homme à tout faire et on me donnait la charité. Aujourd'hui, je travaille, je cotise : je vis dignement. » Fin 2008, Bocar a pu revenir dans son village mauritanien revoir les siens. « C'était la première fois depuis huit ans. Le plus beau jour de ma vie : revoir ma famille avec des papiers. » Au passage, il déconseille aux candidats à l'exil de prendre un bateau pour l'Europe. « Je leur ai dit que la vie ici n'est pas aussi belle que dans les films, qu'on pouvait se faire exploiter. »

    Cette dignité retrouvée, c'est aussi celle de Ousmane Kane, 31 ans, aujourd'hui employé dans une société de nettoyage à Paris, et fier d'avoir participé à une lutte « historique ». « C'est une nouvelle vie que j'ai commencée. Je n'ai plus peur de sortir, d'aller voir des amis. Je vis dans un autre monde. Jamais je ne pensais que ça m'arriverait un jour. » Il habite désormais une maison des Yvelines avec sa femme et ses deux enfants, et rêve de créer un jour son entreprise de services à la personne. Mais avant de mener à bien leurs projets, Ousmane et Bocar partagent un souhait commun : voir leur ancien patron comparaître enfin devant les prud'hommes. « Il a fait toute sa fortune sur notre dos, fait valoir Bocar. Il ne peut pas rester impuni. »